Avec sa petite note, le Doc a relancé mon intérêt pour cet étrange tableau de Mechtelt Van Lichtentberg toe Boecop. Il m'a semblé qu'il était intéressant de partir de ce qui y apparaît comme des maladresses voire des aberrations. Comme dit le Doc, "les fautes de construction des personnages dans la partie gauche du tableau (S1 et I1) sont si évidentes par rapport à la finition artistique de cette peinture qu’elles ne peuvent s’accorder avec le simple fait d’être maladroites". A bien y regarder, il m'apparaît que ces "fautes" sont en relation avec le plan des épaules des personnages incriminés, lignes qu'il est dès lors tentant de prolonger dans l'espace de l’œuvre.
La ligne A qui suit l'axe des épaules nettement dessiné de Balthazar passe sous le nez du roi, traverse Joseph et va se superposer à la branche horizontale de la croix du blason des Boecop.
La ligne B qui suit l'axe des épaules du personnage vu de dos grimpé au poteau passe par la main de Gaspard tenant le ciboire, atteint le cœur de Joseph, l’œil et l'épaule gauche de Marie.
Dès lors, si l'on trace la verticale à partir du point d'intersection des deux lignes, on s'aperçoit qu'elle passe par l’œil gauche de Joseph et le sommet de son auréole, avant de suivre l'axe du pilier qui le surmonte. Dans la partie inférieure, elle passe exactement entre les deux mains ouvertes de Joseph et par la main gauche de l'Enfant Jésus.
Enfin, l'horizontale passant par le même point d'intersection de A et B est en somme la ligne sommitale des têtes de la Vierge et des quatre donatrices. Du côté gauche, elle va jusqu'à la main du personnage presque caché à l'extrémité gauche du tableau. Main qui semble donner la direction même de la ligne.
Les mains d'ailleurs sont éloquentes : celle du personnage barbu derrière Balthazar est dans l'axe même de la ligne A. La main du personnage grimpé au poteau indique de même la direction de la ligne B.
Si ces diverses lignes ne sont pas pures élucubrations, on peut se demander pourquoi le cœur de la composition est Joseph et non la Vierge ou l'Enfant-Jésus. D'autant plus que dans la plupart sinon toutes les Adorations des mages vus jusqu'ici, Joseph est un personnage très secondaire, placé le plus souvent en arrière, voire (comme chez Bosch) très éloigné de la scène principale. Or ici ce n'est vraiment pas le cas : Joseph est placé non seulement à l'avant mais en position supérieure. C'est à lui, comme l'a bien observé le Doc, que Balthazar adresse son regard. De même (mais c'est moins ostensible) que Gaspard, le roi noir. Joseph qui, de par le jeu de ses mains, semble protéger le divin Enfant.
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