J'ai reçu aujourd'hui de mon ami Jean-Claude Moreau alias le Doc une note sur ce singulier tableau « Adoration des mages avec un groupe de donatrices » (Musée de Tours) attribué à Mechtelt van Lichtenberg toe Boecop, examiné dans mon billet Adorations tourangelles. Je l'en remercie et lui laisse volontiers la parole.
Pour analyse je me réfère à un découpage longitudinal (parties « S » pour parties supérieures numérotées de 1 à 5 en allant de gauche à droite et parties « I » pour parties inférieures de 1 à 4-5).
Avant de rentrer dans le descriptif des parties, il me semble raisonnable d’admettre que le tableau puisse avoir été modifié, corrigé, voire peut-être recomposé avant de nous parvenir sous cette forme. Les fautes de construction des personnages dans la partie gauche du tableau (S1 et I1) sont si évidentes par rapport à la finition artistique de cette peinture qu’elles ne peuvent s’accorder avec le simple fait d’être maladroites. Les techniques de radiographie, de spectrographie, scanners et autres technologies ont montré combien de tableaux célèbres et anciens pouvaient avoir été modifiés par le peintre lui-même ou par d’autres, découpés, recomposés, caviardés … Il serait intéressant que ce tableau soit présenté à de telles technologies, si cela n’a pas déjà été fait.
Le tableau est censé s’organiser autour de la présentation de l’enfant Jésus par sa mère, Marie (I3). Elle a les mains jointes et l’enfant n’ayant pas besoin d’être tenu semble bénir le front du premier roi mage Melchior. Presque sous les pieds de l’enfant se trouvent deux objets cylindriques. Sont-ce des présents ou des morceaux de colonnes ? Derrière Marie et l’enfant, se tient Joseph (S3). La position des mains de Joseph peut se comprendre comme protection. Joseph a un regard descendant et ne rentre pas dans l’échange des regards des personnages de la partie inférieure. Parmi ces derniers on trouvera sur la partie droite les quatre donatrices et, au tout premier plan, deux personnes féminines agenouillées. Elles sont présentées petites probablement à cause d’un statut social inférieur. Il est frappant de remarquer combien les attitudes des donatrices sont amalgamées à l’attitude de la Vierge : mains jointes, orientations de la tête identiques à Marie. Comme cette dernière et bien qu’agenouillées elles présentent des visages pleins de calme et donnent une impression de certitude. A contrario les personnages de gauche (I1) semblent dans la confusion ou le désaccord. La tête de Balthazar n’est pas dans le respect indiqué par Melchior. D’ailleurs, au lieu de regarder horizontalement vers l’enfant il cherche plutôt le regard de Joseph, celui-ci étant en position supérieure. Que recherche ce regard sinon exprimer une quémande ? Toujours dans ce I1 et plus à gauche un personnage semble tenir la coupe qu’il faudra offrir. Et celui qui, de trois-quarts profil gauche, semble son interlocuteur me semble une réplique du Balthazar en profil droit. Donc, finalement je me demande si le personnage Balthazar n’est pas représenté deux fois, car il y aurait, bien séparés, le moment du choix de délégation et le moment de l’acte d’adoration.
Passons à la partie supérieure et on ira de la droite vers la gauche, du 5 vers le 1. Suivant les indications du Musée l’étendard indiquerait la famille Boecop. Il semble cohérent que la peintre et les donatrices s’inscrivent au départ dans la colonne de toutes et tous, celles et ceux qui viennent rendre hommage à l’enfant Jésus. On distingue un chameau et les marcheurs semblent s’engager dans un passage se situant derrière le bâtiment qu’on voit en S4. Ce bâtiment comporte un rez de chaussée donnant sur une cour intérieure. On y distingue un escalier menant au premier étage. Dans ces endroits on distingue des silhouettes de gens en armes (lances). On en voit en agitation de course. La partie S3 contient la figure de Joseph avec un arrière plan de masse sombre (tour ?). En S2 sous une arche se tient une foule d’adorateurs possibles, voyageurs dont on apercevait la colonne en S5. La partie S1 donne à voir deux personnages grimpés le long d’une colonne. Mais on voit très bien qu’il y a des marches sur lesquelles ils ont pu se jucher. Dans ce S1 on voit Gaspard, en costume tout aussi magnifique que celui de ses deux collègues rois. Il tient en offrande un objet (ciboire ? encensoir ?) et là encore le regard est davantage tourné vers Joseph que vers Marie et l’enfant. D’autres personnages ont pu entrer dans le bâtiment. Leurs couvre-chefs peuvent indiquer une position sociale importante : évêques, juges, chefs militaires … Là où le peuple ordinaire n’a pas encore pu entrer les bourgeois dirigeants sont aux premières loges. On peine à deviner ce qui porte leur regard et on peut se demander s’ils ne sont pas d’abord intéressés par le fait qu’il y ait une telle presse et qu’ils soient bien présents sur la photo. Si on revient aux deux personnages accrochés à la colonne, il est évident que celui qu’on voit de dos semble ne pas avoir de tête. La partie de tête qui semblerait émerger de son corps n’est pas cohérente en grosseur et en perspective avec son corps. L’autre personnage a le corps caché par le précédent et par la colonne. Son visage, de profil droit, est parfaitement dessiné. Pour ma part j’y reconnais très facilement le profil du visage du personnage en I1 à l’extrême gauche, celui qui semble donner la coupe à son interlocuteur.
Globalement ce tableau a toute cohérence à avoir été peint par une femme. Le désordre et la tension sont créés par tous ces hommes, puissants ou pas, quand le calme et la sérénité sont portés par les femmes. Je ne serais pas loin d’y voir un tableau à prémonition féministe. De toute façon c’est un tableau extrêmement intéressant.
L’affaire n'est pas close. Cette analyse du Doc m'a conduit à d'autres observations que je vous livrerai dans un prochain post.
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