Je suis son site perso depuis longtemps, très régulièrement, même si tout ne m'intéresse pas. Il annonce aujourd'hui son départ, son désir de passer à autre chose, et critique longuement cette blogosphère qui l'a déçu et dont il ne donne pas cher de l'avenir. Je parle ici de
Jean-Claude Bourdais. J'en parle aussi, par delà l'intérêt de son propos, parce qu'il cite Walter Benjamin :
"
Quand je pense que Walter Benjamin avait déjà tout compris sur le fantasme du Progrès et de la technologie et à quoi il conduirait !
Retour à Angelus novus de Paul Klee, image de l'ange déchu pour Walter Benjamin (...)".
Sans doute avait-il trop espéré dans ce nouveau média, trop négligé les anciennes formes de son travail artistique, trop pensé que la solitude allait être jugulée par le réseau alors qu'elle ne l'a rendue que plus éclatante encore. Il se retire comme un amant écœuré d'avoir cru en un amour qu'il sait maintenant impossible. Mais il alerte justement sur les dangers de se recroqueviller sur soi, sur sa machine, au point d'en oublier les proches, les vivants là tout à côté.
Je ne suis pas indemne de ce danger, j'ai essuyé aussi des reproches, souvent justifiés. J'ai passé bien des heures de nuit devant ces pages, dans la fascinante recherche de l'inconnu, et je continuerai certainement, mais je veux aussi échanger de peau à peau, dans la caresse et le baiser, entendre le grain des voix et me frotter à la matière, arpenter toujours les plateaux de théâtre ou de vent et tracer des mots avec l'encre des stylos qui parfois fuient sous vos doigts. Je veux être capable de débrancher, de couper le courant, être capable de me mettre à l'écart, en dehors de l'actualité, intouchable, inaccessible.
Ici, je suis encore seul. Dans l'ouvert. Mais toujours pas pressé de voir surgir le visiteur. La trouille même de l'irruption grossière (il y a eu déjà ces deux commentaires anglo-saxons, sans aucune personnalité, que j'ai supprimé illico). Pourtant je ne veux pas modérer, je cours le risque, confiant aussi (pour une part seulement, car j'ai l' anxiété vissée au corps) dans les itinéraires des anges.