mardi 26 septembre 2023

C'est une mudang, précise l'homme au pistolet

Dante étant au coeur des derniers articles, je m'avisai tout à coup qu'un essai sur lui m'attendait depuis pas mal de temps dans le fouillis de la bibliothèque. Jusque-là je n'y avais jeté guère plus qu'un regard furtif, la complexité du sujet m'ayant un peu refroidi : il s'agissait de Dante écrivain ou l'Intelleto d'amore, de Jacqueline Risset, connue par ailleurs pour une traduction de La Divine Comédie considérée comme l'une des meilleures.


Je ne sais plus très bien où j'ai déniché ce livre, je crois sans en être sûr qu'il faisait partie des 22 livres trouvés sur le trottoir un matin de brocante des Marins, en juin 2018. Publié en 1982, il préfigure quarante ans plus tôt ce que dira Yannick Haenel dans sa conférence chaminadourienne, en pointant ce que le lecteur de Dante, le plus souvent, oublie : "C'est uniquement à l'espace infernal que se rapporte l'adjectif "dantesque" ;  et la fascination des romantiques pour Francesca, pour le comte Ugolino et pour les horribles tourments des damnés ont dévié tout à fait le regard : dans la Vita Nuova nous voyons naître en fait le "poème sacré" comme glorification et contemplation de cette "Béatrice bénie", qui contemple Celui qui est "béni pour tous les siècles". Et ici se comprend le sens de l'étude : parvenir à parler dignement de Béatrice voudra dire à la fois acquérir les instruments techniques de cette parole nouvelle et se rendre soi-même spirituellement digne du lieu où pouvoir la contempler : tout le mouvement d'ascèse et de préparation  au voyage chamanique que sera la Comédie est annoncée par ces quelques mots." (p. 39)

Pause. Je fais un break dans cette narration, mais c'est pour mieux y revenir. J'ai  écrit l'autre jour qu'avant Haenel on avait pu entendre un duo d'écrivains de romans noirs, Alexandre Civico et Xavier Boissel, qui avaient vanté un auteur britannique du nom de David Peace. Ils avaient réussi à m'intriguer et j'avais envie d'en savoir un peu plus long sur ce Peace, dont le nom semblait à l'antipode de ses romans. Pas un volume de Peace à Arcanes. Et à la médiathèque, quelques titres à l'inventaire, mais un seul en rayonnage : Tokyo revisitée, Rivages/Noir, 2022. Je l'emprunte, on verra bien.


Le soir, je lis les deux livres en alternance, une pincée de Dante, un morceau de Peace en plat de résistance, dans cet ordre. Qui croirait qu'une résonance puisse se glisser entre les deux ? Et pourtant, j'ai reposé le Risset depuis peu lorsque j'aborde ce passage où l'inspecteur de police Harry Sweeney débarque dans un quartier glauque de Tokyo :

"Sur cette île, dans ce pays étranger, au coeur de la nuit, dans l'air chargé d'humidité, l'homme au pistolet et l'homme à la machette, et les autres costauds armés, toisent Harry Sweeney, les yeux remplis de haine, le coeur rempli de haine, puis l'homme au pistolet secoue la tête et leur dit : Leur père est mort, il reste seulement leur mère.
Ça fera l'affaire, dit Akira Senju.
C'est une mudang, précise l'homme au pistolet. Une chamanesse.
Je m'en contrefous, je me fous de savoir si c'est la réincarnation de votre foutue reine Min, dit Akira Senju. On veut la voir !"(p. 134)

Les deux hommes accèdent alors à une petite pièce où une vieille femme est agenouillée au centre, procédant à un rituel. Elle ne répond à aucune question, verse de l'eau dans un bol, met du kimpche dans un autre, - kimpche, est-il précisé en note, étant un mélange utilisé par les chamans pour entrer en transe - avec du poisson séché et des algues, puis des piments, des piments rouges, des cendres, du sel et de l'huile puis allume la mèche, et "dans un jaillissement de flammes vacillantes, une colonne de fumée s'élève..."

La vieille femme continue d'ignorer les deux hommes, qui veulent savoir où se trouve son fils aîné, Lee Jung-Hwan. La description qui suit est saisissante :

"A la lumière des flammes vacillantes, dans la fumée qui monte, tremblant de tout son corps, les yeux brillants - le corps et le regard libérés de tout poids, désincarnés, flottant librement au-dessus du sol et détachés de toutes contingences, la pièce n'existe plus et le plafond non plus, l'île s'est envolée, le monde n'existe plus, elle tourne et tourbillonne, légère et libre, sous les lunes et les soleils, sous les étoiles filantes et les nuages qui font la course, lunes montantes, lunes décroissantes, lever de soleil et couchers de soleil, devant les dieux, devant les esprits, leurs portes ouvertes, toutes ouvertes - les yeux brillants, tremblant de tout son corps, en une ronde mouvante, elle se frotte les mains l'une contre l'autre, les mains jointes pour communier, jointes pour prier. " (p. 135-136)

Je posai le roman, retournai dans l'essai, retrouvai la page où il était question du voyage chamanique de la Comédie, avec les lignes qui suivaient où s'exaltait un même mouvement circulaire, extatique et cosmique :

"Encore, on peut décrire cette trajectoire comme le passage de l'extérieur à l'intérieur du cercle : à la fusion finale avec le Cercle d'Amour. "Je suis comme le centre du cercle, et tu n'es pas ainsi", disait Amour, obscurément, dans la Vita Nuova. Le parcours sera accompli quand le "tu" devenu "je" pourra dire qu'il tourne avec l'Amour, et que, frappé de foudre à la vision de Dieu, il s'est fondu dans son tournoiement, dans la force qui "meut le soleil et les autres étoiles"."(p. 39)

Il ne faut pas bien sûr poser une relation d'équivalence entre les deux textes. L'Amour n'a guère de place dans l'île tokyoïte : la chamanesse crachera au visage de Sweeney et lèvera son couteau sur lui. Il reste que ce mouvement halluciné, plus infernal qu'édénique, est comme un double perverti du Paradis de Dante.

 

samedi 23 septembre 2023

Nous ne sommes pas un siècle à paradis

"Toute situation est dépendance et centaines de dépendances. Il serait inouï qu'il en résultât une satisfaction sans ombre ou qu'un homme pût, si actif fût-il, les combattre toutes efficacement, dans la réalité.
Une des choses à faire : l'exorcisme.
L'exorcisme, réaction en force, en attaque de bélier, est le véritable poème du prisonnier."

(Henri Michaux, préface d'Epreuves, Exorcismes, 1940-1944, Gallimard, 1946)

A l'âge de 15 ou 16 ans, la découverte d'Henri Michaux me fut, je pense, le plus grand choc poétique de ces années-là. Poète, il n'était pas ce petit être sensible et fragile, souvent souffreteux, que colporte encore le terme. Aucune mièvrerie dans son oeuvre, mais une tension permanente, une inquiétude, un défi radical posé devant un monde prêt à vous enfermer. Michaux se fait la belle, à vingt et un ans, il s'évade (c'est le verbe qu'il emploie) de la vie des villes, s'engage comme marin. Il en reviendra, ne jouera jamais le jeu des mondanités, ne viendra jamais chez Pivot, à Apostrophes, rendez-vous quasi obligé de son époque. Plus largement, il ne cessera de rejeter interviews, photos, radio, télévision, hommages, colloques, prix littéraires, rééditions en poche, traductions, adaptations théâtrales et cinématographiques, publication dans la Pléiade, ce dont témoigne un réjouissant recueil de ses lettres aux solliciteurs, Donc c'est non, publié en 2016 après sa mort.

Henri Michaux (1899 - 1984)

Mais pourquoi parler aujourd'hui d'Henri Michaux ? Je ne le fais que parce qu'il m'est apparu à trois reprises ces temps derniers. Et c'est comme quand quelqu'un frappe avec insistance trois fois de suite à la lourde, il est bien rare qu'on ne consente pas à ouvrir, judas ou pas judas. La première fois c'est dans Les alchimies de Sarah Chiche, ce roman autour duquel je ne cesse de tourner ces dernières semaines. A la page 199, alors que Jeanne de La Brusse raconte à Camille Cambon une journée à la plage, on peut lire ceci :

"Bien des années plus tard, chaque fois que j'essaierais de me souvenir de la suite de cette journée, il ne me reviendrait que ce moment où, se tournant vers moi, Léa m'avait dit tout à coup : "Oh, Jeanne, tu as du sable sur la bouche." Elle m'avait débarbouillée doucement de son pouce, avait approché son visage du mien, m'avait regardé avec une expression que je ne lui avais jamais vue, avait déposé un baiser sur ma joue brûlante, avant de se plonger dans un livre qui ne la quittait plus depuis quelques jours. C'était Connaissance par les gouffres d'Henri Michaux, dont elle voulut me lire quelques lignes de sa voix basse, voilée :

Les drogues nous ennuient avec leur paradis.
Qu'elles nous donnent plutôt un peu de savoir. 
Nous ne sommes pas un siècle à paradis
."

Cette citation est curieusement en tête de la notice que Gallimard consacre à ce livre, où Michaux relate ses expériences avec les psychotropes (mescaline,  LSD 25 et psilocybine) qu'il a menées de janvier 1955 à 1960.

Il se trouve que le même jour où j'ai acheté Les alchimies, j'ai aussi acquis (en bon boulimique de l'imprimé que je continue à être) deux petits essais (par le format), Respire de Marielle Macé (Verdier, 2023), et Etre à sa place, Habiter sa vie, habiter son corps, de Claire Marin (Editions de l'Observatoire, 2022. Or, ces deux ouvrages mentionnaient aussi, et de façon encore plus importante que chez Sarah Chiche, l'oeuvre de Michaux.


Dans Respire, la première citation surgit à la page 25, extrait du poème "Je rame" :

L'air que tu respires a un air de cave
Est un air qui a déjà été expiré
qui a été rejeté par des hyènes
Le fumier de cet air personne ne peut plus
            le respirer

Suivi, page 44, d'un extrait de "Les Emanglons", du Voyage en Grande Garabagne :

"Quand un Emanglon respire mal, ils préfèrent ne plus le voir vivre. Car ils estiment qu'il ne peut plus atteindre la vraie joie, quelque effort qu'il y apporte. La maladie ne peut, par le fait de la sympathie naturelle aux hommes, qu'apporter du trouble dans la respiration d'une ville entière.
Donc, mais tout à fait sans se fâcher, on l'étouffe.
[...] C'est vite fait. Le malade n'a pas le temps d'être vraiment étonné que déjà il est étranglé par des mains fortes et décidées, des mains d'homme de devoir
."

Et enfin, page 78, d'un passage de "En respirant" de La nuit remue :

"Parfois je respire plus fort et tout à coup, ma distraction continuelle aidant, le monde se soulève avec ma poitrine. Peut-être pas l'Afrique, mais de grandes choses."

Trois citations très emblématiques de l'art et de la tonalité de l'écriture de Michaux, avec cet humour noir, ce détachement faussement cynique  : Donc, mais tout à fait sans se fâcher, on l'étouffe. 

De même, Michaux intervient très vite dans l'essai de Claire Marin, dès le premier chapitre, Une place à soi ?. Réfléchissant sur le déplacement, qui est aussi dégagement, sur cette volonté de certains de tenter l'aventure, de s'extraire d'un monde clos et de viser l'ouvert, la philosophe cite très opportunément Michaux : "Il a fallu larguer les amarres du confortable état premier où l'on était, sur lequel on s'appuyait, et perdre ses excellentes localisations, qui tenaient l'infini hors des remparts." Phrase extraite de L'Infini turbulent, publié en 1957, qui s'appuie lui aussi sur l'expérience des drogues.


On le retrouve également dans le chapitre L'espace du dedans, qui reprend d'ailleurs le titre de l'un de ses recueils, et qui lui est entièrement consacré.

Cette expérience des drogues, comme beaucoup de mes amis, je l'ai faite aussi, mais je dois sans doute à Michaux et à quelques autres (je pense en particulier à Ernst Jünger), de ne jamais être tombé dans l'addiction. Car, comme lui, ce n'est jamais le paradis de la drogue que je recherchais, un état de bien-être ou de béatitude, mais bien plutôt un supplément de savoir, de connaissance (visée qui est bien sûr en grande partie une illusion). 

mercredi 20 septembre 2023

Sur les grands chemins de Dante

Pas besoin de mur entre l'Indre et la Creuse. La frontière est encore dans les têtes. C'est une très vieille histoire : Berry et Limousin répètent la vieille division gauloise entre la cité des Lémovices et celle des Bituriges (Bourges et Limoges hériteront directement de ces deux noms-là). Les Berrichons, dont la terre est moins pauvre, n'auront pas l'obligation de se faire maçons et de quitter leur terroir pour la capitale. La Marche, cette terre si proche, est aussi une terre étrangère, avec une langue incompréhensible. On ne se fait pas la guerre, mais on s'ignore royalement. 

Et cette ignorance mutuelle, je suis chaque fois surpris de la retrouver encore, tous les ans en septembre, avec les Rencontres littéraires Chaminadour, à Guéret. Je ne peux pas bien sûr certifier qu'aucun autre Indrien ne s'était glissé dans le public, je n'ai pas fait l'appel, mais je n'ai reconnu personne. Cette année, avec moi pour la première fois, Nunki Bartt. Il m'avait suivi sur le causse, il pouvait bien se livrer à une autre expérience. Pas question ici de crapahuter dans les sentiers, aussi n'était-il pas sûr de tenir plus de six heures dans les sièges du Théâtre de la Guérétoise de Spectacle. 

A l'origine, j'aurais aimé venir le vendredi 15, le programme était alléchant, et surtout une table ronde autour du péché de littérature y réunissait Bertrand Schefer, Pierre Michon et Sarah Chiche. Oui, Sarah Chiche, dont je venais donc de lire le dernier roman, Les alchimies. Hélas, ce ne fut pas possible, et je dus me contenter du samedi 16 (Pierre Michon ne fut d'ailleurs pas présent non plus, apparemment souffrant).

Garés devant l'auguste lycée Pierre Bourdan, nous arrivâmes un peu avant neuf heures. L'esplanade devant le théâtre était quasi déserte. De fait, nous avions une demi-heure d'avance : la première conférence était fixée à 9 h 30, contrairement à ce qui était indiqué sur le site internet. Le temps d'aller écluser un petit noir au bar de la Poste, un peu plus haut. J'y achetai par curiosité le Creuse-Citron, journal de la Creuse libertaire, à prix libre (ça aussi, on ne trouve pas dans l'Indre).

Retour au théâtre pour la conférence de Jérôme Ferrari, Décrire l'Enfer, décrire le Paradis.  
Prix Goncourt 2012 pour son livre Le Sermon sur la chute de Rome, prof de philo à Bastia, il nous régale avec Shopenhauer, commentateur avisé de Dante.  Le reste de la matinée n'est pas dénué d'intérêt, loin de là, mais c'est ce qui nous aura le plus séduits (mais tu pourras en juger toi-même, avisé lecteur, en visionnant cette vidéo).


Le Doc, descendu en droite ligne de La Châtre, et qui nous avait retrouvé un peu plus tard (mais le bougre était déjà venu la veille), nous déclare qu'il a une idée pour casser une petite croûte avant la reprise. En fait, il suffit de passer de l'autre côté de la rue, de descendre un grand escalier et nous voici sur un autre festival, celui des Assises debout, premier festival des Tiers-lieux creusois. Le site est celui de la Quincaillerie, un ancien Noz, semble-t-il, reconverti en espace d'échange, de co-working et d'animations culturelles. On y boit une bonne bière artisanale, et grâce à l'entregent du Doc (qui connaît plusieurs personnes sur place) on est même invités à partager les restes du repas de ces derniers jours (une petite caisse recueille le prix libre qu'on veut bien donner - la Creuse aime bien les prix libres). Tout cela est fort cordial, mais alimente mon étonnement. Personne ici ne semble soupçonner que juste à côté se déroule une rencontre littéraire avec de grands écrivains d'audience nationale voire internationale (et inversement, qui, à Chaminadour, est au courant de cette manifestation voisine ?). Tout ceci est symptomatique du cloisonnement de nos sociétés, avec ses territoires étanches et ses niches parallèles. On ne cesse de parler de réseaux sociaux et de communications, mais le plus souvent, cela fonctionne par bulles organisant l'exclusion et l'indifférence.

Bref, retour à Chaminadour (où, je dois le préciser, tout est gratuit, l'entrée, l'accès aux conférences et même le café). Et un bel après-midi, avec un duo, Alexandre Civico et Xavier Boissel, qui évoque Dante et le roman noir (et où j'apprends l'existence d'un auteur, David Peace, qui selon eux, devrait recevoir le Nobel), et surtout, un peu plus tard, une belle conférence de Yannick Haenel, Peut-on faire l'expérience du Paradis ?, où il bat un peu en brèche la version shopenhauerienne du matin. Car il est vrai que de Dante, on retient surtout l'Enfer. Il vaut donc la peine d'entendre ses mots, qui nous appellent à remonter vers la lumière.


lundi 18 septembre 2023

Les alchimies

 Au début du mois, je ne sais plus quel jour exactement, je tombe sur ces lignes : 

"En 2022, en pleine crise de l’hôpital, Camille Cambon, médecin légiste vaillante et brillante, reçoit un mail énigmatique. Il y est question du peintre Goya et de son crâne volé après son inhumation à Bordeaux en 1828, et dont on a depuis perdu la trace. D’abord portraitiste officiel de la cour, aimé des puissants, le maître espagnol devint, à la suite d’une maladie, l’observateur implacable et visionnaire des ténèbres de l’âme humaine. Les parents de Camille et son parrain, neurologue, se sont passionnés pour l’oeuvre de Goya, avant de devenir des scientifiques de renommée internationale.
Camille part rencontrer à Bordeaux sa mystérieuse correspondante, une ancienne directrice de théâtre qui a bien connu ces trois-là, alors étudiants en médecine, dans les années 1960, et semble tout savoir de leur obsession partagée pour Goya. Une quête effrénée, entre passion scientifique et déraison, où chacun a pris toutes les libertés et tous les risques, au point de s’y brûler les ailes."

Il s'agit du texte de présentation du roman Les alchimies, de l'écrivaine, psychologue et psychanalyste Sarah Chiche. Je n'ai jamais lu Sarah Chiche, je la connais uniquement pour l'avoir écoutée une fois ou deux dans une émission de télé, La Grande Librairie sans doute. Je ne sais donc pour ainsi dire rien d'elle mais ce texte soudain me devient nécessaire. Pas difficile de savoir pourquoi : c'est la faute à Goya. Sur lequel j'ai beaucoup écrit ici. Quand on fait une recherche interne sur le site, on tombe ainsi sur ce billet du 14 septembre 2021, voici deux ans presque jour pour jour, Le Chien de Goya, l'un des tableaux les plus étonnants de Goya, faisant partie des « peintures noires » et réalisé entre 1819 et 1823 directement sur les murs de la maison de l'artiste, la "maison du sourd,"la Quinta del Sordo.

Goya, Perro semihundido (Wikipedia)

Arcanes, ma librairie de prédilection, n'a pas le livre en stock, et je n'ai pas la patience d'attendre une commande. Une fois n'est pas coutume, je l'achète à la Fnac qui le détient déjà. Je me plonge très vite dans le roman, que je dévore en une soirée et une matinée. Au chapitre 10, Camille Cambon, dans le train qui la conduit vers Bordeaux, ouvre le livre que son père avait écrit sur Goya, alors qu'il était encore étudiant en médecine, Goya, mystères d'un génie, qu'elle n'avait pas reparcouru depuis sa mort.

Tandis qu'une dame "à la crinière floconneuse" en découd avec un contrôleur parce qu'elle ne veut pas mettre son chat dans sa cage, Camille se remémore un dialogue avec son père sur une plage espagnole, dans le temps lointain des vacances :

"Je vous dis que sur le site on ne trouve que des billets pour chien. Mon chat n'est pas un chien."

"Regarde ce chien, Camille, regarde-le bien.
- Papa, je peux avoir un churro ?
- Après ma chérie. La tête du chien dépasse d'une petite colline de sable."

"Il n'y a pas de mais, madame, je vais vous demander de mettre votre chat dans sa cage tout de suite."

"Si tu regardes bien, tu t'aperçois qu'en fait on ne sait pas si le chien est derrière le sable..."

"Arrêtez le train si vous voulez, je ne paierai pas d'amende."

"... ou dedans, et si d'ailleurs, tout ce jaune, c'est bien du sable, ou plutôt le ciel lui-même." (p. 70)

Il n'est pas explicitement désigné mais le père et la fille parlent bien sûr  du Chien de Goya.  Les phrases qui suivent " Enluminé par les années, monté en un film continu par le cinéma intérieur de la mémoire, un amas d'images brisées percuta ma rétine. Des enfants se mirent à courir au ralenti dans la lumière dorée.", m'évoquent les films de Victor Erice, L'esprit de la ruche, avec les deux petites filles qui courent en retournant chez elles après avoir vu Le Frankenstein de James Whale, et la splendeur ocrée des plans sur la ruche du père apiculteur, répétée dans les voilages des chambres.

Ana Torrent (L'esprit de la ruche)

Cette plage espagnole de l'enfance c'était aussi pour moi celle de Miguel Garay dans Fermer les yeux, dernier film d'Erice où l'on retrouve la petite Ana, cinquante ans plus tard.

Ana Arenas (Ana Torrent) - (Fermer les yeux)


mercredi 13 septembre 2023

D'une paire de lentilles grises

Quelques heures après avoir publié l'article précédent, Le regard du chien, je lus sur le site de Philosophie Magazine une chronique de la philosophe Laurence Devillairs au sujet du film Anatomie d'une chute*, sous-titré "ou comment faire justice à la vérité". Elle est présentée ainsi : "Sa force, selon elle : montrer comment l’exigence de vérité est la seule qui nous permet d’échapper à la peur, à la lâcheté et au ressentiment."

Ce qui m'a frappé dans sa réflexion, c'est la place accordée à l'enfant et au chien, ce qui entrait donc en résonance avec mes propres lignes un peu plus tôt. Je me permets ici de reproduire quelques passages :

"Tout le film est construit autour de la tentative de faire advenir le vrai, de le dire – dans un couple, en famille, aux assises, en littérature, en psychanalyse, dans la science, qu’elle soit balistique ou criminelle. S’agit-il de montrer, dans tous ces domaines de l’existence et de la société, notre souci du vrai ? Tout au contraire : ce que ce film manifeste avec un talent incontestable, c’est notre refus obstiné, viscéral et institutionnalisé de la vérité.
[...] 
Les paroles de vérité sont rares, plus que cela : nous sommes presque incapables de les prononcer. Nous substituons du vent au tangible, en nous mentant à nous-mêmes et donc aux autres, à nos proches en tout premier lieu. Ce qu’entraîne cet escamotage du réel, c’est d’abord le ressentiment, où l’on tient les autres responsables de sa propre faiblesse. Ce sont aussi des pièges dans lesquels nous nous enfermons, parfois à vie – des occupations de toute sorte qui nous éloignent de ce nous aimons vraiment faire mais que nous n’avons pas le cran d’affronter, de peur de ne pas être à la hauteur de nos désirs. Nous nous aveuglons sur qui nous sommes vraiment, en nous érigeant à tort en “victime”, et nous nions ce que les autres sont, en les transformant en “monstre” – deux termes fréquemment utilisés dans le film.
[...] 
Or si la justice existe, c’est parce qu’il y a une vérité, et, par conséquent, du faux, de l’injustifié, du scandaleux. Paradoxalement, ce sont un enfant et un chien qui seuls ont des paroles de vérité. Le terme d’enfant vient pourtant du latin infans, qui désigne une personne n’étant pas en possession du langage. Mais c’est précisément le langage qui constitue le problème : il étiquette, découpe et abîme le tissu vivant de la réalité. Il ne sert pas à dire le vrai mais à l’éviter. Il est comme ces pièces de monnaie qui se font passer pour la réalité, alors que ce ne sont que des conventions, des “valeurs” que l’on peut coter ou déprécier, alors que la vérité, à l’inverse, ne dépend pas de l’appréciation que nous en avons.

L’enfant et le chienle premier à apparaître à l’écran et le personnage principal du dernier plan – interrogent, regardent, enquêtent. Daniel est le seul à poser la question du pourquoi et pas seulement à s’enferrer dans celle, technique et secondaire, du comment. À eux deux, chien et enfant, résument tout ce que le procès, tout ce que nos relations devraient être : soutien, attention, justice. 
[...] "

Daniel (Milo Machado Graner)

Un autre article trouvé sur le net (Le Rayon vert, revue de cinéma) mérite qu'on s'y attarde, même si la lecture n'en est pas facile (Lacan, Derrida, Deleuze, Žižek, Sloterdijk sont au nombre des auteurs cités, ce qui situe le niveau...). L'idée de vérité y est aussi abordée, mais je n'y reviens pas** (que les curieux y aillent voir eux-mêmes), et voudrais citer ce seul passage qui développe une analyse du regard, en écho une nouvelle fois à mes petites observations récentes :

"On en revient pour conclure aux yeux de Daniel et au gris qui les caractérise. Il semblerait en effet que le jeune acteur dispose pour jouer son rôle d'une paire de lentilles grises, celle de gauche étant plus prononcée que celle de droite, autre effet de balance. Ce gris, qui a tant passionné Gilles Deleuze dans son idée de l'abstraction lyrique au cinéma, est le vecteur d'un choix du choix, soit de tous les choix, d'une décision incluant l'indécidable même. Y répond le bleu perçant des yeux de son chien, Snoop (qui perd bêtement son nom dans le générique), en ouvrant sur une vie rétive à l'arraisonnement utilitariste par le droit (même si Justine Triet s'y est déjà essayée avec Victoria)."

_________________

* L'article est hélas réservé aux abonnés.

** Citons tout de même ce passage : "Le drame parental serait ainsi une tragédie dont le règlement tient dans la décision d'un enfant. Il n'y a pas de vérité dont l'objectivité serait purement et simplement factuelle (là, on sort enfin du registre juridique), seulement un conflit d'interprétation et l'enfant le tranche en faveur de son scénario à lui, qui est le suivant : papa est mort et maman est vivante et il faut sauver les deux, la seconde en la sauvant de la prison au bénéfice du doute, le premier en lui accordant le bénéfice du suicide."

mardi 12 septembre 2023

Le regard du chien

Vu récemment trois grands films à l'Apollo. Trois films très longs, de plus de deux heures et demie, qui n'en sont pas moins passionnants, intenses, troublants. Je ne veux pas ici en faire l'analyse et la critique, mais simplement esquisser une méditation sur un motif qui les traverse tous les trois, de façon presque anecdotique ou marginale pour deux d'entre eux, et de manière beaucoup plus essentielle pour le troisième. Ce motif est celui du chien.

Dans Les Herbes sèches, du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, qui se déroule en grande partie dans le rude hiver d'une province anatolienne reculée, Samet,  enseignant d'arts plastiques en collège, ronge son frein en attendant une mutation qui tarde à venir. De passage dans une petite ville du coin, il s'offusque en voyant un chien quasi moribond au milieu de la rue, auquel visiblement personne ne porte secours. Comme il déplore ce manque de bienveillance, son interlocuteur, homme du crû, lui rétorque que les gens d'ici ont tellement  de mal avec leur propre misère que le sort d'un chien errant leur importe peu. L'accusation en somme se retourne contre son auteur : l'empathie qu'il regrette de ne pas trouver, il en est lui-même assez dépourvu. Quand il sera mis sur la sellette par des élèves pour des gestes inappropriés (mise en cause, il est vrai, assez injuste), il ne cherchera pas du tout à comprendre ce qui a bien pu changer le point de vue de la jeune Sevim, avec qui il avait auparavant une relation presque privilégiée, et il se comportera en tyran à la limite de la brutalité.


Je ne connaissais pas du tout Victor Erice, réalisateur espagnol qui n'a sorti que quatre longs métrages en cinquante ans. En 1973, il connait pourtant le succès public et critique avec L'esprit de la rucheEl espíritu de la colmena ), dont le personnage principal est une petite fille nommée Ana, que la projection de Frankenstein (1931) dans son village perdu sur le plateau castillan va profondément marquer. Ana Torrent, qui interprète ce rôle, et dont la profondeur du regard noir est déjà inoubliable, deviendra célèbre avec Cria Cuervos, de Carlos Saura, sorti trois ans plus tard. Et c'est la même Ana Torrent qui apparaît dans Fermer les yeux (Cerrar los ojos), dernier film de Victor Erice, où la place du cinéma, en tant qu'art cathartique, est une nouvelle fois essentielle. Elle est la fille de Julio Arenas, acteur qui a disparu soudainement lors du tournage de La mirada del adios (Le Regard de l’adieu), le  film de son ami Miguel Garay, où il tenait le rôle principal. Vingt-deux ans plus tard, le même Miguel Garay, qui n'a plus jamais réalisé et vit modestement de traductions, accepte de participer à une émission de télé qui entend revenir sur le mystère de cette disparition inexpliquée.

Le chien ici c'est celui de Miguel qui vit seul sur la côte andalouse. Il suffit de quelques plans sur l'animal pour capter tout l'amour qu'il porte à son maître, et la tristesse qu'il éprouve lorsque celui-ci repart quand une infirmière qui a vu l'émission lui assure que Julio Arenas vit dans une résidence de personnes âgées, sa mémoire dilapidée, sans doute irrémédiablement oublieux de ce qu'il fût. 

L'importance du regard dans le cinéma d'Erice est bien souligné par le critique Jules Gautier dans le passage suivant (et on s'étonnera pas d'y trouver mention du chien de Miguel) :
"Ce qui prime chez Erice (et cela, on le retrouve dans tous ses films) c’est le regard, miroir de l’âme qui dévoile malgré lui la complexité du vivant, qui dit tout ce qu’il y a à dire. Les yeux sont le liant essentiel entre corporalité et spiritualité, thématique ô combien centrale du cinéaste qui s’évertue à articuler sa mise en scène autour de cette idée. Au fil des discussions en champ-contrechamp, les plans se resserrent, la caméra laisse s’exprimer les visages et capture cette magie de la vision, traduisant un cinéma humaniste qui n’oublie aucun point de vue (le film s’attarde même, un instant, sur le chien de Miguel, implorant son maître de lui donner un morceau du poisson qu’il déguste). Aussi viennent participer les fondus au noir, rappelant des yeux qui se closent puis s’ouvrent de nouveau ; ils sont ceux qui articulent le récit, et ouvrent la porte à toutes les fantaisies." (c'est moi qui souligne)


 

Enfin, troisième émergence du chien dans notre cinématographie du moment, voici Snoop dans la formidable Palme d'or de Cannes, Anatomie d'une chute, de Justine Triet. Le border collie Messi, qui est Snoop dans le film, est crédité le premier au générique, et cette place n'est pas usurpée : chien-guide pour Daniel, le jeune enfant malvoyant du couple, il est stupéfiant de présence. La veille de la remise de la Palme d'or, il a d'ailleurs reçu la Palm Dog, le jury s'étant dit "subjugué" par son incroyable performance canine (il simule même un empoisonnement où il semble au bord du trépas).

Il est  encore une fois question de regard : à 20 minutes, Justine Triet déclarait : « Le regard du chien est quelque chose qui est très intéressant parce que c'est un regard qui ne triche pas. C'est aussi une façon de se mettre des bâtons dans les roues quand on tourne, parce que tourner avec un animal, c'est compliqué. Dans Victoria, il y avait déjà un petit chien qui vient remettre une preuve… Mais le chien de Victoria était infernal, il ne savait rien faire. Celui là était beaucoup plus doué. La vie est plutôt bien faite. Ils ont donné la Palm Dog au bon chien. »




jeudi 31 août 2023

L'infinie patience des oiseaux

C'est R., l'un des détenus que je rencontre à Saint-Maur, qui a choisi ce livre parmi ceux proposés dans le catalogue de Lire pour en sortir : L'infinie patience des oiseaux. Je ne connaissais pas du tout ce court roman, ni son auteur, David Malouf, un important écrivain australien né en 1934, comme mon père. Publié en 1982, il n'a été traduit en français qu'en 2018, et c'est pourtant une sorte de petit chef d'oeuvre que j'ai découvert. Pour en brosser rapidement le cadre, j'emprunte à la présentation de l'éditeur : "Lorsqu’en 1914, Ashley Crowther revient en Australie pour s’occuper de la propriété héritée de son père, il découvre un paysage merveilleux peuplé de bécasses, d’ibis et de martins-chasseurs. Il y fait également la connaissance de Jim Saddler, la vingtaine comme lui, passionné par la faune sauvage de l’estuaire et des marais. Au-delà de leurs différences personnelles et sociales, les deux jeunes hommes partagent un rêve : créer un sanctuaire destiné aux oiseaux migrateurs." Malheureusement, cet accord idyllique va être bouleversé par la guerre qui éclate en Europe. Comme beaucoup d'autres jeunes Australiens, Jim et Ashley se sentent tenus de s'engager (46 000 mourront pendant le conflit sur les 416 000 qui ont combattu sur l'ensemble des théâtres d'opération). Loin d'être un pamphlet pacifiste pur et dur, le roman, de par le contraste qu'il établit entre les deux parties du livre - la nature australienne et le front des Flandres - dénonce tout de même avec force l'horreur et la sauvagerie de la guerre. Avec une élégance d'écriture qui rappelle les plus belles pages de Ceux de 14, de Maurice Genevoix.


Pour le lire, j'avais délaissé pendant deux jours Le temps des offrandes, de Patrick Leigh Fermor, le premier tome d'une trilogie intitulée Dans la pluie et le vent. L'écrivain anglais (1911-2015) y raconte son odyssée pédestre qui l'a mené de Londres à Istanbul : parti en décembre 1933, à l'âge de dix-huit ans, il traverse une Mitteleuropa où les Nazis viennent d'arriver au pouvoir. La guerre y projette déjà son ombre mauvaise.

Ayant repris sa lecture, un passage s'imposa à moi, comme un écho étrange au livre de David Malouf. Fermor est alors à Bratislava : "Quand j'écoutais les voyelles assoupies des Slovaques, leurs carambolages de consonnes, les explosions dentales et sifflantes, j'imaginais aussitôt la toile d'arrière-fond des pays slaves derrière celui qui parlait ; trois roseaux sur un trait horizontal - le symbole cartographique du marais - multiplié à l'infini ; forêts d'épicéas et de peupliers, maisons sur pilotis, ronds creusés dans la glace pour attraper les poissons, plaines et lacs gelés dont les ouvertures abondaient en sauvagine. [...] Pour quelque mystérieuse raison, j'envisageais le paysage d'un point plus élevé - souvenir inconscient, peut-être, de Sohrab et Rustam ? - telle une grue survolant l'Asie dans sa migration." (Une note de bas de page nous apprend que Sohrab et Rustam est un poème de Matthew Arnold où figure la description d'une migration de grues.)

Cet extrait me rappela aussitôt un passage de la fin du roman de Malouf. Jim monte à l'assaut des tranchées ennemis pour une énième fois, mais il éprouve cette fois-ci une sensation différente : "Il était parfaitement réveillé, l'esprit clair, conscient de l'étoffe rugueuse de son uniforme, du poids de son paquetage, de sa sueur et de sa puanteur qui étaient en partie de la peur ; mais dans le même temps, alors que déjà il entendait le sifflet et se dressait pour escalader le parapet, hissant tout son poids de paquetage, fusil, bottes, uniforme, et pénétrait dans la cacophonie de sons, il était extérieur à lui-même et flottant, voyant la scène de très haut telle qu'elle aurait pu être depuis le biplan de Bert, éloignée et silencieuse. Peut-être avait-il quelque part endossé la nature d'un oiseau ; mais c'était avec un oeil humain qu'il voyait, et son corps, encore entièrement sien, l'accompagnait, crapahutant pesamment en contrebas, nettement perceptible alors qu'il sautait d'un bond par-dessus des marmites et trébuchait sur des mottes de terre, dans un rêve haletant de grêle noire qui pleuvait tout autour de lui et de corps projetés en arrière ou s'effaçant lentement à son côté." [C'est moi qui souligne]


Les deux écrivains emploient par ailleurs le même terme de "carte" pour transcrire cette expérience de vision aérienne : à la fin de ce chapitre (on apprendra ensuite que Jim a été mortellement blessé lors de cet assaut), il est écrit : "Il continua de courir. Etonné de pouvoir faire tenir tout cela dans sa tête en même temps et de voir combien la carte qu'il y transportait s'était si immensément agrandie."

De même, Patrick Leigh Fermor : "En même temps, une fois que je me fus un peu avancé, la dynamique des montagnes, des plaines, des fleuves, toutes les preuves qui m'étaient données d'énormes mouvements de races m'incitaient à croire que je voyageais sur une carte en relief où l'initiative appartenait tout entière au monde minéral."

Que conclure de ce troublant écho ? Je ne sais trop, mais cela m'entraîna dans une méditation plus personnelle : ne m'étais-je pas moi-même enfermé dans un horizon trop restreint ? N'avais-je pas renoncé à adopter un point de vue plus élevé, me rendant ainsi trop indulgent à moi-même, sans la sévérité nécessaire au jugement de mes actes ? N'avais-je pas eu la vision aussi basse que celle d'un poulet de basse-cour ? Le jeu de cartes devait être rebattu, et il me faudrait dès lors retrouver un peu d'altitude.