Que la chanson Funiculi Funicula soit connue au Japon, nous en avons une preuve dans le manga Hôzuki le stoïque, de Natsumi Eguchi. Le fait était signalé dans la notice de Wikipedia, et j'ai pu retrouver l'exemplaire concerné (volume 1, chapitre 6) à la médiathèque. L'origine napolitaine de la chanson, son lien au funiculaire du Vésuve sont clairement indiqués.
Il faut croire que la publicité est dans son ADN, car en voici une version japonaise adaptée pour la promotion d'une certaine Oda City :
Bon, on est loin de Jeanne Moreau.
Tout cela c'était pour information. Plus intéressant, me semble-t-il, est le commentaire que déposa Monsieuye Am Lepiq le même jour, à 16 h 39, c'est-à-dire avant la publication de l'article. Commentaire au bas d'un article ancien, Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre, du 9 janvier 2020 : "Je lis depuis hier ce livre de Daniel Sangsue, "Les fantômes comme les chats choisissent leurs maîtres" (La Baconnière), et je me dis incessamment qu'il est fait précisément pour vous. Amicalement..." Je ne connais pas du tout Daniel Sangsue, mais cette préconisation amicale m'a intrigué de suite, et j'ai commandé le livre un peu plus tard.
Ensuite je m'aperçus qu'un autre article ancien, Miroir dans le miroir, du 4 février 2021, était deuxième au top 10 des articles les plus consultés (et il l'est toujours à ce moment précis). Or, il s'ouvrait sur cette citation d'Hélène Cixous, extrait d'Une autobiographie allemande : "Il faut que vivants, morts, fantômes, personnages de rêve soient doués d'une parole frappante, soient des fabricants d'étincelles."
(p. 51), ainsi que sur ce paragraphe :
Eve, la mère d'Hélène Cixous, était au coeur d'Hyperrêve. Morte à cent trois ans, elle continue d'exister pour sa fille. Dans l'entretien de Libération, elle se dit "convaincue qu’elle est par là. Elle est assise avec mes chats". Et quand on lui fait la remarque qu'il y a beaucoup de morts dans ses livres, et s'il y a lieu de parler de "fantômes", elle dit que le problème, c’est de ne pas avoir les bons mots : "Quand on parle de fantômes, on se dit que ce sont des morts. Mais pour moi, ce sont des vivants. J’entends tout à fait ma mère me commenter certaines choses et intervenir dans mon existence. Il n’y a pas qu’elle bien sûr. Je fonctionne de cette manière."
Les chats et les fantômes étaient par là aussi associés. Bon, dès lors je suis en alerte, les fantômes semblaient faire une entrée en force dans mon petit quotidien. A la médiathèque, après avoir déniché le manga funiculien, je ne peux bien sûr m'empêcher d'emprunter plusieurs nouveautés, dont le dernier récit d'Hélène Cixous, Incendire. Mais aussi le dernier opus d'Olivier Rolin, auteur hautement apprécié, Jusqu'à ce que mort s'ensuive. Sous-titré "Sur une page des Misérables". Et c'est sur ce livre que j'ai d'abord jeté mon dévolu. Normal, pour quelqu'un qui, en 2012, a réalisé pour la forteresse de Cluis-Dessous le spectacle Les Misérables 62, histoire d'une adaptation du célèbre roman hugolien par un village berrichon (j'avais même ouvert un blog pour l'occasion, voir le lien).
Cette fameuse page des Misérables, je ne l'avais pas traitée dans le spectacle, et pour cause, elle ne se situait même pas en 1832, l'année de l'insurrection qui occupe le coeur du roman. Victor Hugo opère un flash forward et se transporte en juin 1848, où deux barricades s'opposent : « La Charybde du faubourg Saint-Antoine et la Scylla du faubourg du Temple », l'une commandée par l'ex-officier de marine Frédéric Cournet, l'autre par l'ouvrier Emmanuel Barthélémy. Deux hommes qui se retrouveront à Londres en 1852, pistolet à la main, pour le dernier duel mortel de l’histoire anglaise, Englefield Green, un pré dans les environs du château de Windsor (Rolin y est allé, il est sûr à 98 % que c'est bien là que s'est déroulé l'événement). A l'auberge de Barley Mow, une inscription rappelle encore le duel : c'est là que Cournet fut transporté et où il mourut quelques heures plus tard.
"Le patron de l'auberge, ou celui que je juge tel, est un grand costaud à barbe et à moustache blond-roux ressemblant assez au marin dont la tête ornait autrefois, entourée d'une bouée de sauvetage, les paquets de cigarettes Player-s Navy Cut. Il me sert a stone bass (maigre, ou courbine, en français) dont je n'ai pas à me plaindre, accompagné d'un verre de pinot grigio (deux, soyons honnête : un pour le poisson, un pour Cournet). [...] En partant, le marin de Player's me dit qu'il n'a jamais rencontré le fantôme de Cournet et ma lenteur d'esprit fait que c'est seulement une fois dehors sous la pluie qui s'est remise à tomber et fait briller le vert de l'herbe, que je songe que j'aurai dû lui répondre : "I am the ghost, c'est moi le fantôme." (150-151)
Dans un bel article d'AOC sur le livre de Rolin, Laurent Demanze commence par ces mots : "Écrire la lecture : Olivier Rolin s’est donné pour ainsi dire le programme esquissé par Roland Barthes dans S/Z et trop peu réalisé aujourd’hui. « Ne vous est-il jamais arrivé, lisant un livre, de vous arrêter sans cesse dans votre lecture, non par désintérêt, mais au contraire par afflux d’idées, d’excitations, d’associations ? En un mot, ne vous est-il pas arrivé de lire en levant la tête ? » Jusqu’à ce que mort s’ensuive est précisément cet afflux d’associations et cette enquête rêveuse dilatant à force de recherches et d’hypothèses une page des Misérables pour lui donner 200 pages d’ampleur."
C'est à un pareil afflux d'associations que je fus témoin en ces jours d'avril. Le motif des fantômes n'était que le premier d'une suite de thèmes récurrents, jusqu'à un événement tout à fait surprenant que je narrerai plus tard.
1 commentaire:
Pour apporter de l'eau à mon Moulin :
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