Par curiosité, j'ai lancé une recherche sur Sylvain Picaut, l'entrepreneur qui édifia la ferme de La Font du Four. Dans Google, une seule réponse pertinente, sur le site du ministère de la Culture, à l'inventaire général du patrimoine culturel. Sylvain apparaît dans la construction d'une partie des quais de Laval.
Le quai Paul Boudet, sur la rive
gauche, au sud du vieux pont, et le port d'aval sont l’œuvre de
l'ingénieur Du Jardin ou de son successeur Lahougue. Les travaux ont été
conduits entre 1866 et 1868 par les entrepreneurs lavallois Théodore
Maurin et Sylvain Picaut. Enfin, le quai Béatrix de Gavre, sur la rive
gauche, au nord du pont Aristide Briand, a été dessiné en 1873 par
l'ingénieur Lahougue. L'adjudication à Théodore Maurin et Joseph Raveaux
date du 25 juillet 1874. La construction est achevée en 1876. (C'est moi qui souligne)
Je n'ai bien sûr aucune certitude qu'il s'agisse du Sylvain Picaut de Crozon, mais il est bien précisé dans l'un des articles retrouvés par Sylvestre - en fait l'oraison funèbre prononcé le jeudi 23 mars 1899 par M. Boulade, maire d'Aigurande et conseiller général -, qu'originaire de Crozon, il avait quitté le pays et était revenu, fortune faite, en 1878. Les dates de construction du quai Boudet correspondent donc à la période d'exil, si je puis dire, de Sylvain Picaut.
Trois bateaux-lavoirs quai Paul-Boudet (Poirier, Baziller et Letessier) - vus du quai d'Avesnières
Comment un jeune homme, de condition modeste, issu de Crozon, est-il devenu un riche entrepreneur public lavallois ? Voilà qui excite ma curiosité.
Ramené d'Aigurande un petit panier de poires Louise Bonne. C'est de la poire de taille moyenne, qui ne paie pas vraiment de mine avec ses taches brunes, mais j'ai rarement dégusté une aussi bonne poire. Ferme, juteuse, parfumée, un nectar. D'ailleurs elle ne porte pas ce nom là au hasard : le créateur du Potager du Roi à Versailles, La Quintinye, observe qu'elle plaisait beaucoup à Sa Majesté.
Je fais celui qui s'y connaît, mais pour dire le vrai, je n'avais pas bien saisi le nom que mes parents avaient donné à cette poire. J'avais compris poire "Lisbonne". Et une recherche sur internet ne m'avait pas donné grand chose (mais il y a des gens qui ont fait la même erreur que moi, et j'ai même vu une amap qui proposait des poires lisbonne). C'est en revenant sur Wikipedia, article poire, que j'ai rectifié le tir.
Mes poires ont été cueillies à La Font du Four, la ferme natale, sur un poirier que mon père a greffé d'après les souches plantées par Sylvain Picaut, entrepreneur de travaux publics qui édifia le domaine à la fin du XIXème siècle. L'envie d'écrire l'histoire de cette ferme, et de ceux et celles qui y vécurent, m'est venue il y a quelques mois. Extrait d'un article de L’Écho du Berry, qui s'appelait à l'époque L’Écho de l'Indre, article que je dois aux recherches de Sylvestre Grenouilloux.
"Une visite à La Font du Four. On nous écrit de Crozon : Sur l'invitation de M. Picaut, une quarantaine d'élèves de l'école communale des garçons de Crozon, sont allés le dimanche 16 janvier dernier, lui faire une visite à sa belle propriété de la Font du Four : MM. Charbonnier et Rouzier, leurs maîtres, les accompagnaient dans cette excursion. Avec sa bonne grâce accoutumée, M. Picaut a fait à ses jeunes hôtes les honneurs du bel établissement agricole qu'il a créé de toutes pièces. Nos enfants ont pu admirer l'heureuse disposition des bâtiments groupés sur le haut d'un coteau d'où l’œil embrasse toutes les dépendances de l'exploitation. Bois, pâturages et cultures, rien n'y manque. Les viviers et les fondrières d'autrefois ont fait place à une magnifique prairie, où paissent de superbes bestiaux ; et là où jadis végétaient avec peine de maigres ajoncs, la vue se repose aujourd'hui sur des champs d'une admirable fertilité, tous entourés d'une ceinture de beaux arbres fruitiers.(...)"
Le ton assez flagorneur porte bien sûr à sourire, mais il est de fait que cette exploitation n'a rien à voir avec l'architecture rurale traditionnelle en Berry. Ce sont des maçons creusois qui ont été employés à la construction : grange et maisons d'habitation en portent la trace manifeste. Et la cour entièrement pavée est resté une rareté dans la proche région.
Mes poires Louise Bonne viennent donc de ce temps-là.
Vue sur ce qui était la maison des domestiques (aujourd'hui propriété d'un couple d'Anglais)
Je l'évoquais récemment, et puis incidemment, cherchant ce que la Creuse pouvait bien nous offrir pour les journées du Patrimoine, je découvre qu'elle est l'invitée cette année des Rencontres de Chaminadour, à Guéret. Elle, c'est Sylvie Germain, qu'on peut donc rencontrer du 27 au 30 septembre dans le chef-lieu marchois, succédant à Jouhandeau (le natif sulfureux, celui qui donna ce nom de Chaminadour à Guéret), Pierre Michon, Julien Gracq, Jean Echenoz, Pascal Quignard et Olivier Rolin. Première femme de lettres à figurer après ces grands écrivains, elle revient presque sur les terres de sa naissance puisqu'elle est née à Châteauroux le 8 janvier 1954 (elle n'en aura aucun souvenir puisque la famille - le père est sous-préfet - quitte l'Indre pour la Lozère en 1956).
Le programme est très alléchant pour qui aime comme moi l’œuvre de Sylvie Germain. J'espère pouvoir me rendre à Guéret ne serait-ce qu'une demi-journée. En tout cas, ce ne sera pas le soir du 28 septembre, car je joue ce soir-là à Aigurande, à la frontière entre Marche et Berry, la pièce de mon ami Yvan Bernaer, Pok, fable dramatique et burlesque sur un monde où l'arbre est devenu une denrée si rare et si souvent contrefaite que l'on est obligé de recourir à des experts pour l'identifier.
Je ne pourrais certainement pas assister non plus, en raison de l'heure très matinale le lendemain, à la lecture de L'Astrologue. Cette nouvelle conclut le livre Rendez-vous nomades que je citais l'autre jour. Cela me donne l'occasion de revenir sur ce thème du chant abordé avec Vincent Delecroix et Georges Simenon. L'Astrologue est un sdf mutique, au regard dissimulé sous d'épaisses bésicles sombres, en réalité une femme frêle d'une cinquantaine d'années, "aux yeux bleu-mauve et à la voix restée enfantine", portant le doux prénom d'Ombeline. Dans un no man's land de la cité, elle va retracer la marelle de son enfance, "(...) ce soir, elle a enfin trouvé son territoire : un espace à la fois clos et à ciel ouvert, nu et visité par de discrètes présences ; un royaume minuscule où elle règne en légèreté et évolue en majesté, dansant sans bruit sur la terre qui frémit et ondoie sous ses pas. Elle fredonne à nouveau sa chanson : "Le fils du roi s'en vient chassant, le fils du roi s'en vient chassant, avec son beau fusil d'argent... V'là l'bon vent, v'là l'joli vent, v'là l'bon vent ma mie m'appelle...". Sa voix est grêle, enjouée, c'est la petite fille qui chante en elle, l'enfant insouciante qui jouait dans la cour de l'immeuble, à Montmartre, en attendant l'heure du dîner."
*
Il me faut écrire encore mon émotion d'avoir découvert cet après-midi au couvent des Cordeliers les peintures et les encres du peintre tourangeau Norbert Pagé. A quelques jours de la fin de l'exposition, le 16 septembre. Je me demande encore comment il se fait que je l'ai ignorée jusque là. J'y serai retourné plusieurs fois sans doute tant ces œuvres expriment une puissante douceur, je le formule ainsi à cause de la beauté méditative qui sourd de ces grandes plages de couleur joyeuse et vibratile, de l'ampleur de ces paysages abstraits avec ses contrastes de textures, où les aplats sereins sont vrillés de giclures nerveuses.
J'ai visionné dans la salle du fond, seul, le petit reportage tourné peu de temps avant l'exposition. Norbert Pagé y expose sa méthode, qui est de n'en pas avoir. Il ne sait jamais quand il commence sa toile ce qui va advenir. Son seul travail, explique-t-il, est de se mettre dans l'état mental où émerge la nécessité de peindre. Il sait alors qu'il se passera quelque chose, même si rien n'est préparé dans sa tête. C'est l'esprit, l'inconscient qui le conduit.
Ce qui était d'autant plus émouvant, c'était la petite bougie à l'entrée de la grande salle. Norbert Pagé s'en est allé le vendredi 7 septembre. Les Cordeliers seront donc la dernière exposition de son vivant. C'est aujourd'hui même que ses obsèques se sont déroulées en l'église de Paulmy, en Indre-et-Loire.
Elle m'a donné cet été Vie secrète, de Pascal Quignard. Qui lui avait été donnée par un couple d'amis de ses parents. Je ne sais pour quelle raison. L'avaient-ils lu ? Voulaient-ils le faire partager ? Ou s'en débarrasser ? Étrange chaîne de dons. Il est donc arrivé jusqu'à moi et il me semblait que je ne pouvais l'ignorer. S'il avait fait ce long chemin, ce n'était pas pour des prunes. Une conviction tout à fait contestable, je le sais bien, mais je veux continuer à croire que ce qui vous arrive ainsi par hasard, de cette manière alluvionnaire, n'est pas entièrement dû au hasard. Donc j'ai commencé à le lire, je me suis interrompu plusieurs fois, je le reprends par saccades, c'est un livre sur l'amour, le silence, la solitude, c'est souvent ardu, certains passages demeurent des énigmes, découragent mon intelligence, parfois c'est lumineux et c'est toujours splendidement écrit.
Le chapitre VIII s'intitule Le secret. On peut y lire ceci :
En aucun temps et avec personne il ne m'a été possible de surmonter cet écart de solitude qui affecte d'entrée de jeu tout ce que j'éprouve.
Qui le transporte à une part secrète où elle se dépose.
Je ne suis jamais parvenu à désencoigner cette crevasse de silence où tout tombe d'abord en moi.
Or l'amour, c'est cela : la vie secrète, la vie séparée et sacrée, la vie à l'écart de la société. La vie à l'écart de la famille et de la société parce qu'elle rappelle la vie avant la famille et avant la société, avant le jour, avant le langage. Vie vivipare, dans l'ombre, sans voix, ignorant même la naissance.
L'ordinateur souligne d'un trait ondulé rouge ce verbe : désencoigner. Inconnu au bataillon. J'en devine le sens mais j'aimerais tout de même en trouver une définition. Je cherche sur Google : huit résultats seulement, dont quatre reprennent la phrase de Quignard. Sinon je le retrouve dans le texte d'un universitaire dont par charité je tairai ici le nom :
Nos ombres passent et disparaissent. Tout secret est plus ancien que
l’être et c’est pourquoi, comme les animaux, nous cherchons une cachette
lorsque nous pressentons la mort. La mort réinvente ainsi le secret, le
tombeau, la solitude. Et nous ne parvenons jamais à désencoigner cette
crevasse de silence où tout, d’abord, est tombé en nous.
Aucune mention de Quignard dont il décalque pourtant sans vergogne l'écriture. Je ne suis donc pas plus avancé. Mais ce n'est pas le seul plagiaire : un psychanalyste, dont je tairai..., s'est approprié lui aussi la belle métaphore de la crevasse, et bien entendu en ne soufflant mot de la source littéraire irriguant ce marécage, même si le nom de Pascal Quignard est cité un peu plus loin (mais sans appel de notes sur Vie secrète) :
C'est à peu de choses près au débouché des lèvres de sa mère qu'il se sut voué à une terreur qui ne pourrait être réduite, qu'il lui faudrait opposer à la famille sa solitude. Sa mère voulait sa peau. Il le sut dès qu'elle lui eut ouvert son sexe en lui disant que ce n'était rien, qu'il n'avait rien vu, tout en sachant qu'elle lui donnait à voir cette crevasse de silence d'où elle espérait qu'il ne parviendrait jamais à se désencoigner.
Finalement, c'est un simple recueil de dictées qui me donne la solution, à travers un extrait de Tempo di Roma, d'Alexis Curvers.
Désencoigner : néologisme composé à partir de encoignure, "angle intérieur formé par deux murs, par un mur et une porte, etc.", lui même formé à partir de coin (Lexis).
Bon ben voilà, je voulais juste rendre hommage à un grand auteur par une petite citation et nous nous retrouvons à contempler de beaux esprits pris la pogne dans le quignardien bocal de confitures. Ah, et l'on se plaint de ces fichus étudiants qui ne cessent de copier-coller sur internet !
Découvert la musique originale du film de Marcel Carné adapté de l’œuvre de Simenon, Trois chambres à Manhattan, et l'ai tout de suite aimée, y retrouvant cette empreinte nostalgique du jazz de ces années-là, cette même émotion qui vous saisit en écoutant Miles Davis dans Ascenseur pour l'échafaud, où déjà Maurice Ronet tenait la vedette. Composée par Mal Waldron et Martial Solal, elle donna lieu chez Pathé Marconi à un 45 tours de toute beauté. Générique :
Dark Mood (composé par Solal)
Rupture (Solal encore) :
Dreaming of you (Virginia Vee, composée par Mal Waldron)
Autre curiosité du film, la première apparition cinématographique de Robert de Niro, en tant que figurant :
Je découvre seulement maintenant l'introduction que Michel Carly donna au livre dans l'édition du Livre de Poche. Elle met en évidence son caractère autobiographique, en explique l'écriture dense et fiévreuse. Extrait :
Premier roman américain, mais aussi premier vrai roman d’amour. Expérience inédite pour Simenon. François Combe et Kay deviennent des doubles romancés de lui-même et de Denise. Il y a maintenant à New York des tas d’endroits où je ne puis passer seul, avoue le héros qui a presque l’âge de Simenon. Comme lui, il est un homme qui a coupé tous les fils, un homme qui, aux approches de la cinquantaine, n’est plus rattaché, ni à une famille, ni à une profession, ni à un pays, ni même, en définitive, à un domicile : rien qu’à une inconnue endormie dans une chambre d’hôtel… Denise dira en lisant le roman : « Combe est le portrait poussé au tragique de Simenon. » Elle sera troublée de se voir avec le visage et le corps de Kay. Que pense-t-elle quand son nouvel amant lui offre le manuscrit, le tapuscrit et le plan du roman et qu’elle en déchiffre l’énigmatique dédicace : A Denise pour qu’elle n’y pense jamais plus ?
"C’est, sans qu’il soit cité, aux peintures d’Edward Hopper que s’apparentent les touches visuelles du roman. (..). Comme ce petit bar avec son matelot accoudé au comptoir qui fixe farouchement le vide devant lui, cette halte nocturne noyée de lumière sourde qui renvoie à la célèbre toile Nighthawks, « Oiseaux de nuit », que Hopper a peinte trois ans plus tôt." (Michel Carly)
"Mon éthique est une éthique de la joie, laquelle, loin d'être égoïste, tient à la communicabilité d'une ferveur. Elle survient quand je sens que mon émotion résonne en l'autre, ou lorsque la sienne retentit en moi. La joie est la mutualisation d'une fête, de conscience à conscience. Vivre ce n'est pas se replier sur soi-même, s'obnubiler de ses petits problèmes et de son image. Vivre, c'est tout simple, c'est se communiquer, c'est se transfuser dans une autre existence. Je ne veux plus que souffler sur les braises de la vie."
J'ai découvert le philosophe Nicolas Grimaldi dans un entretien accordé dans le numéro d'été de Philosophie Magazine, dont les lignes au-dessus forment la conclusion. Cela m'a donné envie d'en savoir plus sur sa pensée, et j'ai donc acheté et lu Métamorphoses de l'amour, paru en 2011.
Dans cet essai, il s'appuie essentiellement sur la littérature, et parmi les œuvres invoquées se trouve trois romans de Simenon, dont Trois chambres à Manhattan, publié en 1946, "mon premier roman d'amour", disait-il, histoire d'un acteur français célèbre, mais mari trompé, qui s'exile à New York, y déprime et rencontre une nuit dans un bar une femme tout aussi solitaire et désespérée.
Dimanche, nous sommes allés à la Foire du Tout à Issoudun. La braderie de Lille en plus petit, mais un vide-grenier puissance vingt tout de même. Questions livres, en revanche, c'était très décevant, pas un seul bouquiniste sérieux ne semblait avoir fait le voyage jusqu'à cette zone industrielle qui accueillait le public. Je ne me suis pas ruiné. J'ai eu simplement la bonne surprise, sur un stand quelconque, qu'un seul haut grillage séparait de la voie ferrée qui courait vers Paris, de voir la couverture de l'édition de 1965 de Trois chambres à Manhattan, aux Presses Pocket :
Pour un euro, j'emportais l'affaire. Et j'ai commencé à le lire le soir même. Je n'ai pas lu beaucoup de Simenon, ou disons plutôt que j'ai attendu longtemps pour commencer, retenu par je ne sais quelle prévention absurde. Le fait est que dès le premier roman j'ai été scotché par son écriture. Simenon détenait au suprême degré l'art de la narration, l'art de vous happer en une seule page.
En même temps, je finissais le bel essai de Vincent Delecroix, Chanter, dont j'ai parlé ailleurs. Il faudrait citer maints passages magnifiques, je me contenterai de celui-ci, page 341 :
Ce qui chante en toi te dépasse sûrement, ou sûrement tu te dépasses, dans les deux sens, en chantant. Mais à partir de là tu peux penser, et peut-être autrement. C'est à la fois la possibilité de l'art et celle de la pensée. Ce qui d'une part remonte, ce qui jaillit du fond - c'est l'amour infini qui te monte dans l'âme, ou c'est la douleur, bien antérieure à toi-même -, et ce qui d'autre part vient à toi de l'extérieur, comme extérieur. Et entre les deux, toi : toi qui chantes, c'est-à-dire qui penses et qui, peut-être, écris.
Peu après avoir parcouru ces lignes, je lisais dans Simenon (p. 38-39):
Elle entrouvrait les lèvres, mais c'était pour chanter, pour murmurer à peine la chanson de tout à l'heure qui était devenue leur chanson. Et cette rengaine populaire se transformait à un point tel que l'homme en avait les larmes aux yeux, la poitrine envahie de chaleur. Elle le savait. Elle savait tout. Elle le tenait au bout de son chant, au bout de sa voix aux intonations graves, un peu cassées, et elle prolongeait savamment leur plaisir d'être deux et de s'être retranchés du reste du monde."
Et, plus loin, page 73 :
Il aurait voulu lui dire tant de choses, à la suite de l'aveu qu'elle venait de faire ! Pourquoi ne le lui permettait-elle pas ? Elle allait et venait, comme chez elle, comme dans son ménage. Elle était capable de fredonner. Et c'était leur chanson, qu'elle disait comme elle ne l'avait jamais dite, d'une voix si grave, si profonde et si légère à la fois que ce n'était plus une banale ritournelle, mais que cela devenait, pour un instant, comme la quintessence de tout ce qu'ils venaient de vivre.
La même année 1965, Marcel Carné adaptait le livre au cinéma, avec Maurice Ronet et Annie Girardot.