jeudi 5 septembre 2013

Hélène Berr

Dans la cueillette d'Angles, il y avait aussi le Journal d' Hélène Berr, écrit entre le 7 avril 1942 et le 15 février 1944, préfacé par Patrick Modiano. Hélène Berr, arrêtée avec ses parents le 7 mars 1944, déportée à Auschwitz, transférée à Bergen-Belsen en janvier 1945, où elle succombe, à 24 ans, quelques jours avant la libération du camp par les Alliés.

Sur ce Journal, tragique, poignant, on pourra lire l'article de Véronique Chemla, qui dit l'essentiel.
Il y eut donc des hommes à l'âme assez misérable pour envoyer à la mort cette jeune femme ; ce doux et beau visage, on a voulu le renvoyer au néant.
Je songe à Oradour-sur-Glane, dont on parle en ce moment parce que pour la première fois s'y est rendu le président allemand, Oradour aux syllabes aussi si douces, où d'autres innocents furent martyrisés par des brutes qui se voulaient d'une race supérieure et qui n'étaient que l'immonde lie de l'humanité.
Je songe qu'avec Didou, à dix-sept ans, lors d'un périple à vélo, nous passâmes près d'Oradour, mais nous nous arrêtâmes aux portes, et je me demande encore pourquoi nous ne les avons pas franchies.
Et je ne suis jamais retourné à Oradour. Et souvent je pense que le dois le faire enfin ce voyage.

"Je citais il n'y a pas si longtemps, par goût littéraire, la phrase d'une pièce russe que j'avais trouvée dans Le Duel : "Nous nous reposerons, oncle Vania, nous nous reposerons." Il s'agissait du sommeil de la tombe. Mais de plus en plus, je me dis que seuls les morts échappent à cette persécution harassante ; lorsque j'apprends la mort d'un israélite maintenant, je pense malgré moi :"Il est hors d'atteinte des Allemands." N'est-ce pas horrible ? Nous ne pleurons presque plus les morts.
Cette vie est si harassante, et la vie d'un homme si peu de chose, qu'on est bien forcé de se demander s'il n'y a pas autre chose que la vie. Aucune doctrine, aucun dogme ne pourront me faire croire sincèrement  à l'au-delà : peut-être le spectacle de cette vie y parviendra-t-il. 
Je ne le voudrais pas, car cela impliquerait que je n'ai plus de goût à la vie. Il y a sans doute une vie bonne, il y a du bonheur dans d'autres parties du globe, et en réserve dans l'avenir, pour moi si je vis, pour les autres sûrement. Mais jamais ne s'effacera ce sentiment du peu de chose qu'est la vie, et en tout cas du mal qui est en l'homme, de la force énorme que peut acquérir le principe mauvais dès qu'il est éveillé."
        Lundi 31 janvier 1944.


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