lundi 19 mai 2014

De la Loire et du Périgord

Je l'avais vu cité dans un article, je ne sais plus où, et déjà l'envie de le découvrir s'était pointée, alors quand je l'ai croisé à la Maison de la Presse, je n'ai pu résister longtemps. A moi le Dictionnaire amoureux de la Loire, de Danièle Sallenave. Presque mille pages sur le Fleuve, presque autant que de kilomètres sur son parcours.
De la Loire, je suis l'enfant lointain. En contrebas de la ferme natale, dans les prés mouillés, coule un ruisseau discret. Le mot même de ruisseau est usurpé, disons plutôt un ruisselet, un ru, un riau, comme on dit en Berry. Un fil d'eau qu'on franchit d'un pas, qui se faufile entre les joncs sur quelques centaines de mètres avant de jeter ses eaux étroites dans le Périgord. Je dis bien le Périgord. Ce ruisseau n'est plus désigné ainsi sur la carte IGN au 25 000ème, et c'est bien dommage.


Il est devenu le ruisseau de Rateau qui, au sortir de l'étang de la Charcille, se jette lui-même dans la Vauvre.
Mais sur l'ancienne carte d'Etat-Major, nous trouvons bel et bien le Périgord.



Pourquoi le nom de la province a-t-il été donné à ce ruisseau ? Mystère qui ne sera sans doute jamais élucidé (et cela d'autant plus qu'un fonctionnaire briseur de songes a absurdement changé le nom sur la carte qui fait maintenant autorité). En tout cas, je puis dire que sa découverte pendant l'enfance fut un peu mon Lascaux personnel. Les parents nous en avaient parlé, il coulait au-delà des prés de la maison, il fallait descendre un chemin creux, une sorte de boyau abrupt où la roche affleurait ça et là ; son existence devint presque mythologique. Un beau jour, nantis d'une âme d'explorateur, nous y allâmes, bravant l'inconnu, et ce fut merveille : il épousait le chemin sur plus de vingt mètres avant de se perdre à nouveau dans la broussaille. Gué magnifique, dix centimètres d'eau maximum, à ce carrefour de chemins allant vers la Giloterie à droite et les Poux à gauche.
J'y revins souvent, en groupe ou bien seul, et parfois je descendis son cours, jusqu'à l'étang, bien encaissé au creux des vallons.

La Vauvre recueillait donc les eaux du Périgord. Guère plus large que lui, elle vient des hauteurs de la Forêt du Temple, sa source étant proche du hameau des Ouches-Moines. Doit-elle à ses nombreux méandres ce nom si évocateur de la vouivre médiévale ? Elle arrose Crozon, au nom finistérien, et va confluer avec l'Indre à Mers-sur-Indre. L'Indre étant affluent de la Loire, il y a donc un peu d'eau du Périgord qui s'en va rejoindre le grand fleuve. Et c'est ainsi que je me sens ligérien par une extrémité de mon être-là.

D'un autre côté, je me sens appartenir à ce Massif central dont les terres natales sont dites placées sur les contreforts. En somme, nous étions à la lisière de deux mondes, ligérien par l'eau, montagnard par la roche. Berrichon par le sud, Marchois par le nord.

Si ce site s'appelle Alluvions, ce n'est pas par hasard. Nul plus qu'un fleuve ne produit des alluvions. Le mot se retrouve dès la troisième entrée du dictionnaire, juste après les ablettes, avec le nom Acolin (ou Accolin) qui désigne un affluent de la rive gauche de la Loire, un peu en aval de Decize. "Mais c'est aussi, en Haute-Loire, précise Danièle Sallenave,  entre les grèves et les chemins parallèles au fleuve, une bande de terrain chargée de sable et d'alluvions. Il est presque impossible d'y établir des chemins de halage pour les chevaux et les hommes, tant ces terrains sont mouvants, inondables, et régulièrement inondés."

Et elle ajoute : "L'origine de ce mot est inconnue, tout comme son étymologie. Libre à nous d'y entendre le grec akolouthos, l'acolyte, le compagnon de la route et des jours. Et d'en faire l'emblème de ce livre qui, tel un "acolin de la Loire", ne quitte jamais ses rives, sa vallée ou la vallée de ses affluents. Sans craindre parfois de s'enliser ou de se mouiller les pieds."

Je me propose aussi d'accompagner la lecture de ce livre, et d'égrener ici même au fil des pages quelques remarques rêveuses.

Compagnon rouge, rive de l'Issoire


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