Résumé des épisodes précédents : je relève tout d'abord un bel écho poétique entre le blé bleu d'un poème de Georges Perros et le sable bleu tombant d'un livre de Tony Hillerman cité par une certaine Michèle Coquet, qui s'y connaît en arts premiers. L'écho me ravit en lui-même, je ne pense pas alors qu'il m'emmènera plus loin.
Je m'avise le lendemain que les sites mis en lien sur la colonne de droite, et dont l'actualisation est indépendante de ma volonté, font eux aussi écho au bleu du ciel de l'article précédent.
Je note aussi que cette histoire de sable coloré peut être relié directement à l'article du 21 avril dernier, intitulé Mandalas - ce que je n'avais point remarqué sur le moment alors que cela me frappe maintenant avec évidence.
Mais l'affaire ne s'arrête pas là.
Avant de préciser ses développements, il me faut cependant opérer une petite digression.
Quelques jours auparavant, j'étais allé livrer quelques exemplaires de Torticolis (la revue littéraire qui tord le cou à l'envie de ne pas lire), à l'un de ses nouveaux contributeurs, l'excellent Francis alias Paul-Charles (qui a pris ma succession en ce qui concerne la chronique théâtrale de l'été cluisien, à travers le site Les Amazones de Palomita). J'arrivai au moment du café, que lui et sa femme Dominique prenaient avec un couple d'amis de passage chez eux (un Torticolis prit ainsi la route de Toulouse). Il se trouve que l'homme, qui a nom Pierre B..., s'est fait une spécialité de la visite du Père Lachaise : en amateur éclairé, il vous entraîne en quelques heures à la découverte des secrets de la nécropole (où, honte suprême, je n'ai encore jamais mis les pieds). Un peu plus tard, Francis m'enverra d'ailleurs un dossier en pdf rédigé par cet ami Pierre.
Ceci étant dit, je n'ai pas décidé d'aller illico visiter l'endroit. J'en prends bonne note, c'est tout.
Mon addiction à Noz se faisant impérieuse, je me retrouve quelque temps après à fouiner dans les étalages de cette vraie caverne d'Ali Baba. Perdu entre moult brimborions sans importance, je déniche un livre qui ne paie guère de mine : Monuments, d'un auteur inconnu, Arnauld Le Brusq, publié en 2006 dans une maison d'édition inconnue, L'insulaire.
Difficile de faire plus contrasté dans le rapport de taille entre la couverture et les éléments typographiques.
Le fait est que je n'aurais peut-être pas embarqué ce livre si, l'ouvrant au hasard, je n'étais pas tombé sur ce chapitre intitulé DIES IRAE AU PERE LACHAISE.
Intrigué par ce livre, je commence par faire une recherche sur Arnauld Le Brusq. Or, Juan Asensio, écrivain à la plume souvent féroce, lui consacre un article le 6 novembre 2010 sur son site fameux, Stalker, dissection du cadavre de la littérature. Et le commentaire est assez élogieux, comme en témoignent ces lignes :
"Malgré quelques facilités (1), Monuments d’Arnaud Le Brusq est un magnifique ouvrage paru en 2006 aux éditions L’Insulaire et qui hélas, même si je n’ai pas pris la peine de vérifier ce point, n’a pas dû provoquer l’effervescence de beaucoup de plumes enthousiastes saluant une écriture savante, tout simplement belle, charriant mille références, n’hésitant point à opérer de surprenants rapprochements entre les œuvres d’art et les époques, rapprochements qui nous invitent à réellement voir ce que l’auteur dispose sous notre regard (monuments bien sûr, mais aussi tableaux, scènes de film et même mots tagués sur des murs et des vitres de train de banlieue) plutôt qu’ils ne brisent le long déroulement d’une prose qui se déroule en longues périodes. Voici un livre qui donne envie de lire d’autres livres et qui répond, à la question du médiatique Charles Dantzig si parfaitement étonnante qu’elle intéresse tous les sots journalistiques, que nous lisons parce que de beaux livres existent qui attendent d’être lus."Il se sait, écrit-il plus loin, en présence d'un écrivain : " C’est aussi, ce qui caractérise une écriture, une tension bien sûr, qui peut s’exprimer de différentes façons et qui, dans le livre de Le Brusq, infuse le texte de motifs qui se répètent (comme celui de l’escalier, comme celui encore de Marlon Brando jouant Kurtz, comme celui des épithètes accolées à certains grands personnages, Malraux ou Mitterrand, comme celui, discret, du bleu du ciel) (...)"
Ici, bien sûr, c'est moi qui souligne. Ce livre, que je n'ai retenu que parce qu'on m'avait mis sur la piste du Père Lachaise, détenait donc aussi le motif du bleu du ciel.
Mais je devais m'en assurer par moi-même, et je me lançai séance tenante dans la lecture du livre, l'attaquant non par le commencement, mais précisément par le chapitre du Père Lachaise, situé au mitan, page 107. Asensio a raison : mille références s'enchevêtrent, la révolution, Pompéï, Héloïse et Abélard, Jim Morrisson, Vivant Denon, Le Temps des cerises, Auguste Blanqui, Ian Curtis, Arthur Rimbaud, Etienne Carjat, Maxime du Camp, Trotski, la Commune, Nietzsche, le Potemkine, Lénine, André Malraux, Hô Chi Minh, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Orphée, Frédéric Chopin, et j'en ai oublié sans doute, et pour finir, celui qu'il nomme le dandy de Balbec, Marcel Proust, et ce sont les dernières phrases de ce chapitre :
Ceux qui auront eu la patience de me suivre jusque là jugeront comme moi, je l'espère, que la coïncidence est extraordinaire.
Mais j'annonce d'ores et déjà un quatrième chapitre, tout aussi saisissant.
PS :On peut lire Monuments, téléchargeable sur le site de l'auteur, Terre-Gaste.
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