dimanche 14 janvier 2018

Thirteen years old again

Le  20 décembre dernier, j'avais relevé la sextuple coïncidence des treize ans, déclenchée par l'irruption sur mon écran d'une page promouvant le film de Werner Herzog, Ennemis intimes. Cette soudaine floraison a connu quelques prolongements que je veux consigner ici.

En premier lieu, le premier jour de cette nouvelle année (qui verra bien entendu s'accomplir nos meilleurs voeux et l'humanité s'ouvrir à une nouvelle ère de compréhension et de sagesse), je fus heureux de lire sous la plume d'AS Byatt, dans Le Conte du biographe, cette confidence de son narrateur :
"Notre nom de famille est Nanson ; mon nom complet est Phineas Gilbert Nanson - je signe toujours Phineas G. Nanson. Quand j'ai découvert - en classe de latin, à treize ans - que nanus est le mot latin pour nain, j'ai senti un frisson de récognition excitée. J'étais un garçon petit, le fils d'un homme petit, j'avais un nom dans un système, Nanson." (p. 14, c'est moi qui souligne)
L'âge de treize ans, comme chaque fois, n'est pas associé à une anecdote quelconque, mais bien à un événement soit touchant à l'identité même du personnage, soit orientant ou réorientant sa propre trajectoire de vie.


Plus récemment, le huit janvier de cette nouvelle année (qui verra bien sûr tous nos rêves se réaliser et Donald Trump réciter du Victor Hugo les larmes aux yeux sur le perron enneigé de la Maison Blanche, juste avant d'annoncer la fin du libre commerce des armes à feu), dans le roman L'été des noyés de l'écrivain écossais John Burnside (dont je me promets de parler bientôt plus en détail), la narratrice nous dit, page 38 :
"Plusieurs années durant, à cette époque, je fus un genre d'espionne, l'une des observatrices de la vie. J'observais les estivants depuis la fenêtre de ma chambre, suivant leurs déplacements à l'aide des jumelles que Mère m'offrit pour mon treizième anniversaire et tâchant de comprendre leur mode de pensée."
Ce fait a priori anodin trouve un écho dix pages plus loin quand elle se met à décrire un tableau sur le palier de l'étage de la maison, unique signe, écrit-elle, qu'un peintre vit là (la mère de la narratrice, Angelika Rossdal est une artiste reconnue qui a choisi de vivre à l'écart dans une île très septentrionale de la Norvège). Or, ce tableau n'est pas achevé.

"Ce n'est pas une toile particulièrement impressionnante à première vue. Talentueuse, mais pas du tout caractéristique. Si elle figurait dans un catalogue, je suppose qu'elle y serait décrite comme une "étude de jeune fille", ou quelque chose d'approchant, mais elle est, selon moi, un peu plus marquante dans l’œuvre de l'artiste que ce titre le laisserait penser. Pour un spectateur désinvolte, il ne s'agit que du portrait d'une jeune fille de treize ans en robe jaune, le visage tourné vers le ciel d'été, avec de longs cheveux presque argentés et un regard beaucoup plus bleu qu'il ne pouvait l'être dans la réalité - mais, bien qu'il reste inachevé et que la silhouette qu'il dépeint puisse être considérée comme une personnification abstraite de l'enfance innocente plutôt qu'un individu précis, un observateur attentif se rendrait vite compte que le modèle choisi n'est autre, en fait, que la fille de l'artiste." [C'est moi qui souligne]
Je reviendrai, je l'ai dit, sur John Burnside, dont ces deux extraits laissent déjà entrevoir, je pense, le mystère de son récit. Je voudrais juste compléter maintenant cette recension en indiquant qu'aujourd'hui, quatorzième jour de cette nouvelle année (qui verra, d'accord j'arrête là, je vois bien que vous n'y croyez pas une seconde à mes prophéties de bonheur),  Violette, ma deuxième fille, a treize ans. Et j'espère bien qu'en ce monde de père Ubu, elle saura, avec toute sa vivacité de corps et d'esprit, tirer son épingle du jeu et rencontrer aussi souvent qu'il est possible le plaisir et la joie.


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