mardi 11 octobre 2022

Bruno Latour : Un philosophe en Indre

Mon ami le Doc, suite à ma notule de l'autre jour, m'a fait parvenir le texte suivant qui précise dans quelles circonstances Bruno Latour fut amené à venir dans l'Indre, et plus précisément dans la belle région de La Châtre, pour y développer un de ces groupes d'enquête qu'il estimait nécessaires dans les temps difficiles que nous traversons. PB

"En 2017, un peu de hasard a amené le fait de rencontrer d’abord Chantal Latour, épouse de Bruno. Contactée par des habitants de Montgivrray qui avaient assisté à une création à la maison Casarès (Alloue en Charente) elle accompagne au nom de S-Composition un projet de création artistique rappelant l’activité de l’usine Teppaz. Par une concordance imprévisible mais heureuse, le musicien compositeur à S-Composition, Jean-Pierre Seyvos, se trouve être petit fils du fondateur, Marcel Teppaz. L’usine ayant fermé ses portes en 1971, les propriétaires récents acceptent de mettre à disposition le lieu. Chantal Latour se construit un important carnet local d’adresses. Et on se teste. Et on construit une composition complexe, étonnante, humoristique, riche et pauvre. La création s’appellera « A chacun son Teppaz ». Elle combinera sur le temps de la journée du 1er juin 2019 une quarantaine de petits spectacles, improvisations musicales, concerts, manifestations artistiques de tous ordres. 

Cela a été l’occasion de mieux comprendre ce type de démarche artistique dont Bruno Latour intègre l’intérêt à ses propres modes de recherches. On discute avec ce philosophe « émérite » qui a continuellement fait bouger les frontières de ce qui l’intéresse. Il se définit lui-même plutôt comme un « descriptif » et au moment où semblent se conjuguer des faits sociaux (gilets jaunes) des faits écologiques (dérèglement climatique) des faits de santé publique (Covid) il veut observer, et construit un mode d’enquête. Selon Bruno Latour, « il s’agirait plutôt d’une crise des conditions de subsistance des habitants. Ce qui était considéré encore comme une nature extérieure à nous est devenue ce qui compose notre sol même et assure la durabilité de nos conditions de vie. Il devient donc urgent d’avoir une description précise de notre territoire réel. » 

Par ailleurs, s’il s’intéresse à l’Adar-civam et à ses fonctionnements, il veut d’abord enquêter. Cela séduit des individus et on en est entrainé par une certaine curiosité. Un groupe d’enquêtes est constitué à La Châtre. Cela s’opérera principalement sur 2020 et 2021. En dehors de moments communs avec le groupe de Saint Junien en Haute Vienne , on « travaillera » à la MJCS de La Châtre et à la ferme de La Lande à Crozon-sur-Vauvre. 

Atelier "Où atterrir ?" à La Lande, Crozon-sur-Vauvre (photo : Nicolas Laureau)

« Où atterrir ? » comme mode d’enquête s’attache à créer les moments de présentation d’un mode d’existence : le sien avec son ou ses « cailloux dans la chaussure ». Ce qui fait caillou dans la chaussure est unique et peut être fort loin de posséder une solution « politique » ou « sociale »unique. La création, l’écoute, les improvisations de plaidoyers, « les cartographies de controverses » sont plutôt une manière vivante d’arriver à compléter ou déformer son « caillou ». Consortium de ressources, « Où atterrir ? » a bénéficié de la coopération de jeunes doctorants, paysagistes, architectes, collectif toujours mouvant. Et à l’Adar-civam a été induite dans cette ligne d’intérêt un projet commun avec S-Composition et MJCS concernant la « transition » sur le territoire. 

"Guide-boussole" pour l'enquête (Conception de Soheil HAJMIRBABA, architecte – urbaniste)

Et maintenant ?  Comme l’a dit Nicolas Truong, (Le Monde, 11/10/20220), « Bruno Latour a donc atterri. Mais il demeure, tout comme son œuvre, irréductible ». A chacun de trouver sa capacité irréductible. Loin d’être totalitaire cette capacité irréductible est de l’ordre de la poésie, de la politique, de la création, de la vie, cette vie limitée à la quasi simple enveloppe de Gaïa." 

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