lundi 15 octobre 2012

Vincent

Je regardais le générique du film de Resnais défiler doucement au rythme de la chanson de Sinatra, plongé dans l'état intermédiaire de celui qui ne sait pas trop bien si ce qu'il a vu pendant presque deux heures lui a donné du plaisir ou de l'ennui. Cette virtuosité filmique, tous ces acteurs de talent, et au bout du compte une sensation d'artifice, d'embaumement. Mais pas complète, non, c'est là où les choses deviennent difficiles, retorses : certaines images échappent au huis-clos du mausolée construit par le film, comme cette brève scène à la fin, où le dramaturge se jette dans un étang. La caméra le suit, d'assez loin, le perd de vue à cause des branchages touffus qui cernent la rive, et puis l'on entend le plouf (qui m'a bien sûr fait penser à celui de Javert). La mort sans doute après la fausse mort mise en scène un peu plus tôt. C'est par des énigmes comme celle-ci, qu'évoquent à peine les critiques, que l’œuvre résiste, tient mon jugement en suspens.
Bref. Je regardais donc ce générique lorsque je lus ce nom. Vincent Chatraix. Nom de l'acteur qui jouait le père d'Orphée dans la jeune compagnie de la Colombe (factice, j'ai lu qu'elle avait été inventée pour l'occasion), dont l'Eurydice est filmée par Bruno Podalydès.

Vincent, Pierre, Denis et les autres.

Ce nom me disait quelque chose, je connaissais ce nom. Il me fallut quelques secondes pour mettre un visage dessus. Je ne l'avais pas reconnu pendant le film, il était barbu et je ne l'avais jamais vu avec la barbe. Lui, Vincent Chatraix, le lignièrois. Qui joua dans la première pièce que j'ai monté à Cluis, dans les ruines de la forteresse, La Fille du Capitaine, d'après Pouchkine. Qui devait jouer en 2000 le rôle de Coco-Lacour, le secrétaire félon de Vidocq, mais qui reçut cet été-là (mais pas sur le site) un coup de pied de cheval en pleine mâchoire, et que je dus donc remplacer (par Bertrand Duris, qui devint lui aussi professionnel) . Vincent, qui avait une belle rage de théâtre, un enthousiasme parfois débridé, Vincent que l'on perdit de vue à la suite de cet accident, et dont j'ignorais ce qu'il était devenu.

A la maison, je vérifiai que c'était bien lui. Vincent Chatraix googlisé. Vincent qui n'oublie pas son pays natal.


Ravi vraiment, Vincent, de te voir à si belle enseigne.

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