samedi 4 mars 2017

# 54/ 313 - No input, no output

"Mon vrai boulot de cinéaste, c'est aussi d'être un récepteur," affirme Jim Jarmusch dans l'entretien aux Cahiers du Cinéma. Une question d'antennes. De même le personnage de Paterson est à l'écoute du monde qui l'entoure, attentif dans son bus aux conversations des passagers. Jarmusch précise cependant qu'il écoute sans poser de hiérarchie, "sans décider qu'une conversation est plus importante qu'une autre".  Lui-même suit cette maxime de Joe Strummer, des Clash : "No input, no output" ("Pas d'entrée, pas de sortie"), autrement dit, sans influence, sans apport externe, pas de création possible.

Nicholas Elliott note alors que si Paterson reçoit des choses aléatoires, il trouve néanmoins dans le monde des choses qui font écho à ses préoccupations :  "Au début, Laura lui dit qu'elle a rêvé de jumeaux et il trouve des jumeaux tout au long du film. Ce n'est pas seulement qu'il reçoit, mais qu'il reçoit une certaine longueur d'onde." Ce à quoi Jarmusch répond qu'il s'agit de "synchronisme aléatoire" : "Ça  arrive souvent, quelqu'un vous parle de quelque chose à laquelle vous n'aviez pas pensé et soudain vous le voyez partout. Je m'intéresse à ce phénomène, mais je ne voulais pas y ajouter une chute, par exemple que Laura annonce à la fin qu'elle est enceinte avec des jumeaux. Ce n'était pas l'intention. Je montre juste de petites choses synchrones."


Paterson ne cherche pas des jumeaux partout, non, il ne cherche rien, mais les jumeaux, comme surgis du rêve de Laura, soudain apparaissent, entrent dans son paysage, sur un banc, au bar ou dans son bus. On dira que c'est du cinéma, et bien évidemment, les jumeaux ici résultent d'un casting étudié, mais la vie elle-même nous propose sans arrêt de tels événements, et c'est bien ce que souligne Jarmusch, ou ce que Paul Auster montre dans ses livres. Soyons attentifs au monde, et le monde se révèlera dans sa cohérence vertigineuse et l'incroyable intrication de ses composantes.

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