jeudi 2 mars 2017

# 52/313 - Twins and Cheerios

Je reviens sur ce photomontage de l'article précédent :


La thématique du double, que nous avons croisée dès le premier article avec Otto de Marc-Antoine Mathieu, est fortement  présente dans Paterson (le film) avec l'histoire des jumeaux. Laura, la femme de Paterson (le personnage), lui confie au réveil qu'elle a rêvé qu'elle allait avoir des jumeaux. Un peu plus tard, Paterson ne cessera, par une sorte de magie sympathique du quotidien, dans son bus et dans la ville en général, de rencontrer des jumeaux. Le phénomène apparaît bien à la fin de la bande-annonce suivante :


De même la rencontre à la fin du film, près des Great Falls et après la destruction accidentelle du carnet de poèmes de Paterson, avec un japonais amateur de poésie qui lui offre in fine un cahier vierge, cette rencontre, qu'on peut juger providentielle ou invraisemblable, permet au film d'échapper à un réalisme étroit. Coexistent paradoxalement une exaltation de l'ordinaire des jours et une magie de la coïncidence. Mais, en fait, si c'était cela le vrai réalisme ?

Enrique Seknadje, sur le site Culturopoing, dans un article que je découvre seulement après avoir écrit ce qui précède, livre une analyse similaire, où nous reconnaissons bon nombre des thèmes abordés ici depuis janvier :
Dans Paterson, Jarmusch visualise, met en scène la “synchronicité” à laquelle se sont intéressés Carl Gustav Jung et Wolfgang Paoli, à partir des travaux de Paul Kammerer sur la loi des séries – les “hasards signifiants” -, où la causalité n’entre pas en ligne de compte. La synchronicité est constituée de ces coïncidences qui traduisent, dans la manière dont on les crée et dont on les appréhende, une forme de croyance au supranaturel, de vision unitaire du monde et de la psyché, mais qui permettent aussi à un artiste – et l’on pense, entre autres, bien sûr, à Cronenberg – de créer des rimes internes en son œuvre, de construire celle-ci à travers la mise en miroir et en écho, la correspondance d’éléments et de parties qui en sont constitutifs ; de créer des sentiments d’étrangeté plus ou moins inquiétante. Le plus bel exemple de synchronicité dans Paterson concerne la gémellité. Laura rêve qu’elle enfante de jumeaux et Paterson n’en finit pas de voir autour de lui, en ville, des jumeaux, des couples se ressemblant comme deux gouttes d’eau. La gémellité permet aussi et encore de jouer sur les notions de répétition et de différence, d’identité et d’altérité.
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Je m'avise maintenant d'un autre rapprochement à opérer avec Premier contact de Denis Villeneuve. Dans ce film, les Heptapodes communiquent avec des signes circulaires, sorte de phrases sans début ni fin.


Or dans Paterson (dont la forme adopte aussi un aspect cyclique, bouclant une semaine sur l'autre), Laura ne cesse de créer, avec du noir et du blanc, le plus souvent des formes circulaires, comme ici sur les rideaux, mais aussi en cuisine avec les cupcakes dont elle espère une petite fortune au marché du samedi. A ceci on peut ajouter la nourriture de Paterson, comme les invariables Cheerios du petit déjeuner.



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