samedi 8 mai 2021

Du bleu doré brumeux des aubes d'hiver

"Bleu, bleu et doré, ou bleu doré.
Cette couleur, chez Vivonne, est bien plus qu'une couleur. Elle est un état d'âme, une contrée, un pays où l'on arrive jamais. Celui d'André Dhôtel que Jean-Claude Pirotte avait évoqué dans sa recension des Filles de Vassivière.
Le bleu doré fut la première sensation éprouvée par Adrien Vivonne, quand il sortit de la baignoire d'obstétrique de la clinique Ignac-Semmelweis."

Jérôme Leroy, Vivonne, p. 187 

C'est Alexandre Garnier, l'ami jaloux, l'éditeur indélicat d'Adrien Vivonne qui introduit ainsi l'un des motifs essentiels de sa poésie : avec la porte dans le fond du jardin et le vent dans les arbres, il y a donc ce bleu si singulier, ce bleu doré qui accompagna sa mise au monde. Bleu de l'eau puis le doré des "beaux seins lourds de Françoise Vivonne", à "la peau hâlée par un été sur les galets de Dieppe ou de Pourville". "Le bleu doré, précise Garnier, est à la fois l'héraldique de la poésie de Vivonne et le fil conducteur de son existence, les deux se confondant étroitement (...)."

"Il y a ainsi l'extase du bleu doré du Grand Midi, semblable à celui du Cimetière marin, de Paul Valéry, ce bonheur du corps en fusion panthéiste avec le monde quand une fille sort du lac de Vassivière dans un miroitement ardent ; il y a la fraîcheur originelle du bleu doré brumeux des aubes d'hiver quand on descend d'un train dans une petite ville où apparaît au coin d'une rue le squelette blanchi, gracieux et surprenant des ruines d'une abbaye et la certitude d'un bonheur imminent, d'une paradoxale victoire sur le temps ; il y a encore ce bleu doré du calme après l'orgasme, qui filtre par les persiennes d'une chambre dans une pension portugaise, au cœur de l'après-midi, quelque part entre Evora et Elvas et qui colore les draps que des amants ont fait tomber sur le sol pendant leurs ébats." (p .190)

Poursuivant cette mise en parallèle de Vivonne et d'Andreï Roublev, comment ne pas penser aux icônes même du peintre, qui apparaissent à la fin du film, en rupture soudaine avec le noir et blanc qui a régné jusque-là ? Et parmi ces icônes, celle de la Trinité n'est-elle pas le plus bel exemple de bleu doré qui puisse être admiré ?

Andreï Roublev, L' Icône de la Trinité, entre 1422 et 1427 ou Les trois anges à Mambré, tempera sur panneau de bois, 150 × 100 cm, Moscou, Galerie Tretiakov

Du bleu, il est question aussi dans le film.  A l'épisode 3, La Passion selon Andreï, le peintre et son jeune apprenti Foma cheminent vers Théophane le Grec. Or Foma est "préoccupé, dit la notice Wikipedia, par les aspects pratiques du travail, comment perfectionner le bleu azur, une couleur instable." Ce bleu très onéreux à produire était obtenu à partir de la pierre de lapis lazuli. La description suivante donne comme référence la Trinité de Roublev :


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