jeudi 23 février 2017

# 46/313 - Le pont des maléfices



Je voudrais revenir sur un élément de la chronique précédente, à savoir ce fameux pont Saint-Louis, dont le film de Claude Dagues (1964) laisse entendre qu'il est maléficié depuis le Moyen Age. A l'époque, il est encore sous la forme d'une passerelle du type pont-cage, remplaçant le pont métallique de 1862, endommagé une première fois en 1939 par un chaland-citerne de 800 tonnes,  puis le 22 décembre de la même année par un automoteur de 1200 tonnes, provoquant la rupture et l’explosion de conduites de gaz. Le pont s'effondra, vingt personnes tombèrent dans la Seine, et trois périrent noyées. Le pont actuel fut édifié en 1969-1970. Et le maléfice semble l'avoir épargné jusqu'ici...

Pont Saint-Louis
Il s'agit donc là du septième pont jeté entre l'île de la Cité et l'île Saint-Louis. Le premier avait été le pont Saint-Landry ou pont de bois, achevé en 1634, et détruit en 1710. Un pont encore en bois, à sept arches, lui avait succédé en 1717, surnommé pont Rouge, à cause de la couleur de peinture. Les crues de 1795 lui seront fatales. Le souvenir de ce pont est encore vivace au vingtième siècle, puisque Marc Schweizer, l'un des amis de Jacques Yonnet, commence son récit par cette phrase : "Ce fut dans un bistrot, comme il se doit, que je rencontrai Jacques Yonnet. A la Taverne du Pont-Rouge, à l'Ile St Louis, près de la passerelle qui relie celle-ci à l'Ile de la Cité." Le lieu existe toujours mais s'appelle Brasserie de l'Isle Saint-Louis, depuis sa reprise par Paul Guépratte, en 1953. Ce qui signifie, incidemment, que la rencontre entre Yonnet et Schweizer a eu lieu entre 1939 et 1953.

Une dernière curiosité : la notice wikipedia donne comme référence Jacques Hillairet - Dictionnaire historique des rues de Paris - Dixième édition - T.2, p.455. Ouvrage que j'ai acquis lors d'une brocante de l'avenue des Marins. Me reportant comme indiqué page 455 du second tome, je ne trouve aucune mention du pont Saint-Louis. D'ailleurs l'index ne donne aucune entrée pour le pont Saint-Louis, mais le Pont rouge est indiqué page 422. Mon exemplaire ayant été imprimé en 1955, il est fort possible que la référence à la dixième édition ne corresponde pas.
Ceci est sans importance sauf que, dans cette fameuse page 455 où il n'est nul question du pont Saint-Louis, je lis ceci sur le n°6, rue Saint-Dominique :
Emplacement de l'hôtel de Hautefort dans une dépendance duquel s'installa, en 1764, Julie de Lespinasse lorsqu'elle fut chassée par sa tante, Mme du Deffand. La maréchale de Luxembourg lui donna le mobilier, et Mme Geoffrin un capital et une pension. Elle installa alors chez elle d'Alembert sans aucun souci du qu'en-dira-t-on ; son salon devint célèbre, les savants, les prélats, les littérateurs en renom le fréquentèrent quoique, peu fortunée, elle ne reçut pas à dîner. Elle mourut là, le 22 mai 1776, après avoir gravi pendant douze ans un douloureux calvaire dû à son amour pour le colonel-comte de Guibert.
Julie de Lespinasse, d'après Carmontelle
 Cet amour funeste ne vous rappelle-t-il rien ? Si vous n'avez la mémoire courte, vous aurez reconnu un air de famille avec la triste destinée de L'ensorcelée de Barbey d'Aurevilly ou de l'Assia du Jugan de Jérôme Leroy.






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