Oui, page 143, et encore une fois, c'est en correspondance avec la peinture. Dans le tableau de Gros, note Jean-Paul Kauffmann, Napoléon a cessé d'être le patron : "Il est l'esprit, le Consolateur, la force accomplissante - Antoine Callet, l'un des peintres qui a concouru, n'hésite pas à représenter l'Esprit saint sous la forme d'une colombe, au-dessus de l'Empereur comme une présence protectrice (il est supposé avoir dessiné un aigle, mais le rayon sanctifiant qui éclaire la scène le dément ; il n'y a pas que Gros qui se soit livré à des détournements)."
Vivant Denon avait bien précisé l'anecdote à illustrer : " Le moment est celui où Sa Majesté visitant le champ de bataille d'Eylau pour faire distribuer des secours aux blessés, un jeune hussard lituanien [l'homme à la natte], auquel un boulet avait emporté le genou, se soulève à la vue de l'Empereur et lui dit : César, tu veux que je vive, eh bien ! qu'on me guérisse, je te servirai fidèlement comme j'ai servi Alexandre."
Kauffmann écrit que son ami, le peintre Edouard Trémeau, "compare le geste du bras de Napoléon à la main levée de Dieu allant vers celle d'Adam, sur le mur de la chapelle Sixtine, pour lui donner vie". "La veille, poursuit-il, l'église était une position stratégique. Dans le tableau elle est devenue le reliquaire de la bataille, la châsse où est enfermé ce qui n'appartient plus au monde sensible mais à un principe supérieur, spirituel, l'âme d'Eylau."
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| La Création d'Adam, Michel-Ange, chapelle Sixtine |
Il y a bien sûr un aspect de dérision dans cette information qui conclut d'ailleurs l'ouvrage, mais après tout n'est-ce pas d'une certaine façon cohérent avec la fonction de reliquaire qu'il attribue un peu plus haut à l'église ? la vitrine conserve les produits des magasins comme le reliquaire abrite les restes des saints. Et je m'amuse de voir ce mot reliquaire suivre de peu celui de Vivant Denon, lui-même créateur d'un reliquaire des plus étranges, conservé, peu de gens le savent, au Musée-Hôtel Bertrand à Châteauroux, la ville où j'ai l'heur de vivre.
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| Le reliquaire de Vivant Denon |
"C’est un fait avéré que les nouvelles religions se glissent dans le costume des précédentes : en recyclage de l’adoration des saints chrétiens, Vivant Denon transforma un reliquaire du XVe siècle en une petite machine d’immortalité profane, maintenant conservée à Châteauroux, en y plaçant 1 os de Chimène + 1 os du Cid, 1 os d’Héloïse + 1 os d’Abélard, 1 mèche de cheveux d’Inès de Castro + 1 mèche de cheveux d’Agnès Sorel, mais aussi 1 morceau de la moustache d’Henri IV, 1 fragment du linceul du vicomte de Turenne, 1 os de Molière, 1 morceau de dent de Voltaire, quelques cheveux de Desaix, et encore la signature de Napoléon Ier + 1 morceau de chemise qu’il portait au moment de sa mort + 1 mèche de ses cheveux + 1 feuille du saule de l’île de Sainte Hélène sous lequel l’empereur reposa un temps = accumulation parente de celle que l’artiste hanovrien Kurt Schwitters plaça au cœur de son Merzbau afin de chercher lui aussi à coincer le présent."[C'est moi qui souligne] Arnauld Le Brusq, Monuments, L'insulaire, 2006, p. 44


























Une
évocation qu’Arthur Pym ou Jules Verne ne démentiraient pas. Les
enfants sont forcés, eux aussi, de trouver un abri pour la nuit. [...] Que ce soit chez Tolstoï ou chez Stifter, c’est la foi qui sauve les
êtres. [...] Chez Stifter, la nuit de Noël a
joué son rôle, les enfants ont été sauvés. Leur foi a toujours été
constante, l’épreuve n’a rien changé en eux, sinon renforcé, peut-être,
cette foi. C’est le village qui a été transfiguré, qui a été atteint par
la grâce — qui s’est uni dans la recherche des enfants. « À compter de
ce jour, Konrad et sa sœur appartinrent véritablement au village ; loin
de les considérer encore comme des enfants d’ailleurs, les villageois ne
virent plus en eux que les petits Gschaidois que l’on avait arrachés
aux glaces de la montagne pour les ramener chez eux. » 





