Seules marques discrètes d'une certaine esthétique à consonance religieuse, les petits vitraux des deux côtés et sur la rosace de l'arrière.
Et première surprise, sur le fronton du bâtiment, il est écrit : Sépultures de Picaut Germain et Picaut Silvain.
Première fois que je voyais citer un Germain Picaut. Pour savoir qui il était, il fallait donc s'approcher, hélas la porte était bloquée, malgré l'apparente absence de serrure. On pouvait tout de même observer l'intérieur, par la grille de la croisée gauche.
Grâce à cette plaque, je sais maintenant qu'il est né en 1829 ou 1830. De l'autre côté, une plaque similaire était consacrée à Germain :
Germain est mort dix ans plus tôt, le 19 août 1889, lui aussi à La Font du Four, à l'âge de 57 ans, ce qui veut dire qu'il avait deux ans de moins que Silvain. Il ne peut donc s'agir que de son frère cadet (ou d'un cousin du côté paternel, mais cela me semble peu probable). Les deux frères, célibataires tous les deux, ont donc vécu ensemble au moins la fin de leur vie à La Font du Four.
Sur les trois murs du pourtour subsistent les couronnes mortuaires, dont celle qui est appendue au-dessus de la plaque de Silvain, où l'on peut lire : A M. Picaud, ses amis d'Aigurande.
Photographie prise à travers les motifs de la grille |
C'est elle, ou un de ses descendants, qui vend La Font du Four à mon arrière-grand-père Emile Briandet, juste avant la guerre. Dans le même cimetière, je retrouvai un peu plus tard la sépulture de Robert, le fils d'Emile, qui travailla lui aussi à La Font du Four avant de s'établir en Creuse, à Chéniers tout d'abord, puis plus au sud, près de Saint-Amand Jartoudeix, où il trouva prématurément la mort, dans un pré pentu, écrasé par son tracteur. Contrairement à Emile, qui avait un sale caractère, j'ai le souvenir d'un homme doux et simple, et j'ai été ému de le revoir sur la petite photo noir et blanc dressée sur la vaste pierre du tombeau.
Cela n'avait rien à voir avec Silvain Picaut, mais j'ai fait aussi quelques photos des jeunes morts de la Grande Guerre, jeunes paysans qui n'avaient sans doute jamais quitté leur région avant d'être abattus dans des campagnes inconnues, loin des leurs. Je ne suis jamais très loin d'Eté 1915.
Au centre du cimetière, une haute croix où est sculpté un Christ rustique aux longs bras mangés de lichens. Aucun sentiment sur sa rude face de granit. Mais si la douleur est sourde dans ce pays, elle n'en cogne pas moins dans les cœurs.
1 commentaire:
Ce christ bien émouvant n'est pas un objet industriel. Usé par le vent ? Probablement, mais on peut aussi, à ce qu'il me semble, y repérer une facture artisanale naïve. Qu'on se réfère aux sculptures des maçons creusois, telles les statues de François Michaud au village du Magot ... Et comme les pérégrinations du faiseur d'alluvions l'emmènent jusqu'à Saint Amand Jartoudeix, je revois ce cimetière, cimetière arpenté plusieurs fois à la recherche non d'un descendant de la famille Picaud, mais de la tombe de celui des frères Backerot dont le narrateur décrit le dernier transport. En effet, dans une de ces "vies minuscules" écrites par Pierre Michon, , c'est dans une ferme de Saint Priest Palus qu'un salut aux couleurs est effectué devant le cercueil que l'on transportera au cimetière de Saint Amand Jardouleix : la commune de St Priest ne possède pas (ou plus ?) de cimetière. Particularité autre, quand on veut traverser le village , par la D 58, on ne voit rien d'autre qu'une ancienne école transformée en mairie. Le village est blotti en contrebas, complètement caché. Et le drapeau tricolore me cache encore le nom du quidam dont Pierre Michon a tiré une vie minuscule tragiquement arrêtée. Car, en réalité, seuls les témoins cités sont réels ...
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