mardi 13 décembre 2022

Cristal noir #13 : Barbe Bleue ne passe pas le dimanche

C'est le 26 décembre 2019 que je m'avise de la convergence entre les lignes stupéfiantes de Pierre Desgraupes sur Rilke et les idées développées dans Se souvenir du futur de Romuald Leterrier et Jocelyn Morisson. Le même jour je visionne le film de René Clair, C'est arrivé demain, sorti en 1944, un DVD prêté par l'ami Nunki Nartt (lequel n'était alors pas du tout informé de mes dernières lectures). Jeune journaliste à l'Evening News, Larry Stevens (Dick Powell), suite à un souhait qu'il avait naïvement exprimé, reçoit de l'au-delà, de la part du vieil archiviste du journal, le numéro du lendemain. Stevens devient rapidement le roi du scoop, toujours présent évidemment au bon moment et au bon endroit. Gordon, son rédacteur en chef, ne jure plus que par lui. Et tout roule à merveille jusqu'à ce que Stevens découvre un beau matin la notice nécrologique le concernant. Une course contre la montre s'engage alors pour éviter la catastrophe...


Je terminais alors la révision de mon roman policier, Barbe Bleue ne passe pas le dimanche. Un polar que j'avais pré-publié tout au long de l'année 2017, chaque dimanche soir (cela faisait donc 52 épisodes dont chacun avait la particularité de se dérouler très exactement cinquante ans plus tôt, en 1967 - c'était l'une des contraintes du projet Heptalmanach de cette année 2017). Or, je notai en 2019 que le dernier épisode comportait des phrases qui sont le message même de C'est arrivé demain. J'y évoquais, comme dans La neige, l'accident fatal de mes grands-parents maternels :

"Nous ne quittons guère le village que pour aller voir les grands-parents, à Bouesse ou à Crozon. Ils sont encore tous vivants cette année-là. Marie-Louise et Julien ne savent pas qu’il ne leur reste que deux ans à vivre. Ils ne savent pas qu’en raccompagnant mon oncle Bernard à la gare de Châteauroux, pour qu’il rejoigne son service militaire, ils entreront en collision avec une autre voiture sur la route de Neuvy, et qu’ils mourront sur le coup. C’était un dimanche encore. A Saulzais, nous devions regarder le film du soir sur la première chaîne. Un film comique, je ne sais plus lequel, mais c’était un film comique, j’en suis certain, car nous étions un peu désappointés. Il fallait partir de suite, dans la nuit noire. Dans la voiture, je crois qu’ils nous ont dit ce qui s’était passé. Je ne me souviens plus des mots. Pour la première fois, la mort entrait de plein fouet dans notre vie jusque-là si calme."

 Et je continuai ainsi :

"C’est un grand privilège de ne pas connaître l’avenir. La vie en serait décolorée."
Extrait de mon cahier de composition de cette année 1967 (classe de CE1 de Mme Aufour)

 

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