vendredi 6 janvier 2017

# 5/313 - Les écrivains de la coïncidence

22 décembre. Pauline nous rejoint. Les petits ont rendez-vous chez la coiffeuse, rue Ledru-Rollin. Pendant qu'ils se font couper les tifs, on en profite pour chercher un cadeau manquant, et puis, comme il reste un peu de temps, Pauline propose de passer par la médiathèque. La médiathèque, je l'évite depuis plus d'un mois, j'ai tout rendu et j'ai bien assez à lire à la maison, et je sais très bien que si j'y retourne, je ne vais pas manquer de craquer pour quelques nouveautés alléchantes. Je le sais très bien mais je ne résiste pas à l'appel muet des sirènes de l'encre, on y va dare-dare et comme prévu je succombe à la tentation. Véritable junkie de l'imprimé, je sors de là avec pas moins de cinq livres, dont deux tout particulièrement importants pour moi.

Je ne sais plus quand, ici même, j'ai évoqué ce que j'appelle les écrivains de la coïncidence. Ils sont quatre : l'américain Paul Auster, l'allemand W.G. Sebald, l'espagnol Enrique Vila-Matas et le français Christian Garcin. Je les désigne ainsi parce leur oeuvre accorde une attention soutenue à ce que Yourcenar nommait "les carambolages du hasard". Eh bien, sur les étals consacrés aux acquisitions récentes, j'ai repéré Marienbad électrique, de Vila-Matas et Les vies multiples de Jeremiah Reynolds, de Christian Garcin. Parlons de ce dernier aujourd'hui.


De fait, je ne l'avais pas lu mais chroniqué tout de même (tel un vulgaire journaliste parfaitement capable de parler des livres qu'il n'a pas lus), le 12 juillet 2016, dans ce billet My eyes begins to be obscured, qui ouvrait sur Sebald (autre écrivain de la coïncidence, donc) et se fermait sur Napoléon (coucou, le revoilà). Je m'appuyais sur la critique d'Alain Nicolas, parue dans L'Humanité du 10 mars 2016, dont voici le passage-clé :

"John Cleves Symmes Jr n’est pas Jeremiah Reynolds, mais tout se passe comme si, dans les « vies multiples » de ce dernier, il y en avait une qui venait avant toutes les autres. Tout commence avant le commencement, avec le capitaine John Cleves Symmes Jr, qui montra toute sa valeur lors de la bataille de Queenston Heights, au bord du Niagara, où la jeune armée des États-Unis fut défaite par les Britanniques. Ce même jour de novembre 1812, Napoléon franchissait la Berezina, laissant derrière lui des milliers de cadavres.
Les deux événements ne sont pas sans rapports, puisque Christian Garcin leur en trouve un. Rapport stratégique ténu, mais, historiquement, ce hasard n’en est pas un : il signe une chronologie du nouveau monde, connectée à celle de l’ancien, et cependant autonome. Du Niagara à la Terre de Feu, espace, temps, art de la guerre, tout est différent. Tout est rêve, projet, récit." [C'est moi qui souligne]
Le nouvel attracteur étrange se branche-t-il sur l'ancien, ou bien n'est-il qu'une résurgence de celui-ci ? Toujours est-il que nous voilà conduits sur deux pistes corrélées : la piste américaine, déjà ébauchée avec Premier contact et Philip K. Dick, et la piste européenne, avec Napoléon, Garcin et Sebald.

Et l'examen du petit essai de Vila-Matas ne fera que confirmer cette double orientation.

Avancez, braves volontaires de York ! Le général Brock, mortellement blessé, galvanise la milice canadienne selon la légende. Peinture de John David Kelly (1862-1958)

Ajout (21 h 59) : Sur Facebook, je relève  il y a quelques minutes ce statut de Christian Garcin (avec qui je suis "ami", mais je pense que l'algorithme de FB ne lui délivre pas mes statuts) :


Jusque là je n'avais jamais commenté ses posts, mais la coïncidence est trop forte pour ne pas la partager, et je me suis donc autorisé un petit commentaire sur son mur qui renvoie vers cet article d'Alluvions paru le même jour.

Aucun commentaire: