mardi 17 janvier 2017

# 14/313 - Splendide-Hôtel et ciels de cristal

Reprenons. Je cherche donc l'origine précise des "ciels de cristal"énoncés par la voix off du film de Godard, Bande à part. Et voici ce que j'obtiens :


Le premier résultat pointe sur un pdf de Dominique Gonzalez-Foerster, 1887, Splendide Hotel. Remarquez bien que j'ai oublié le s à ciel, un détail important, car la recherche avec le s ne donne pas du tout les mêmes résultats. Mon erreur débouche donc sur une coïncidence remarquable, l'attracteur étrange nous reconnecte sur DGF, et Rimbaud est bien le nœud qui rassemble la plasticienne et Jean-Luc Godard.
Le pdf dont il s'agit est celui du livre publié en 2014 à l'occasion de l'exposition qu'elle a organisée au Palais de Cristal de Madrid. Le titre Splendide-Hôtel est une référence directe à Arthur Rimbaud, qui écrit dans Après le déluge, le premier poème des Illuminations : "Les caravanes partirent. Et le Splendide-Hôtel fut bâti dans le chaos de glace et de nuit du pôle."

Et qui trouvons-nous à l'ouverture du livre ? Nul autre qu'Enrique Vila-Matas, l'éternel complice, qui reprend plusieurs de ses notes dans Marienbad électrique.

Juste après, est reproduite une lettre de Rimbaud au journal Le Bosphore égyptien, avec, en regard, quelques-uns des nombreux livres que DGF a présentés lors de l'exposition.



C'est en cette même année 1887 que fut inauguré le Palais de cristal de Madrid, qui accueille donc l'exposition de DGF :


DGF réalise pour cette année 1887 un inventaire qui a bien des points communs avec celui que je construis petit à petit pour l'année 1967. Deux années en sept. On pourrait s'attarder des heures sur les résonances multiples qu'elle déploie, mais je voudrais juste conclure cette chronique avec une dernière citation rimbaldienne, présente dans Marienbad électrique et dans ce pdf :


J'ai seul la clé de cette parade sauvage. Cette phrase est également en exergue d'un beau récit autour de la grotte Chauvet par Jean-Jacques Salgon, rencontré au dernier Chapitre Nature au Blanc. Elle lui donne aussi son titre, et, en mai 2016, accompagna une très belle coïncidence (mais je tenais un carnet papier à l'époque et il n'y a donc pas de référence en ligne).

Jean-Jacques Salgon : " Le matin du mardi 10 août 2004, pendant environ deux heures, j’ai visité la grotte Chauvet. Pour la salle du Fond, où se trouve la grande fresque des lions, à cause des taux  importants de CO2 et de radon qu’il y avait ce jour-là, je n’étais pas autorisé à stationner plus de dix minutes. Ces cent-vingt minutes, soustraites à la chaleur du plein été, cette plongée dans les tréfonds d’une lointaine mémoire, ont gardé pour moi la forme d’un rêve éveillé et l’éclat d’une grâce. Quelque chose, là, me fut donné."(p. 12)

Ajout du lendemain : Jean-Jacques Birgé, dont le site est répertorié dans la catégorie Autres sentes, publie aujourd'hui 11/01 Chroniques pariétales, il y a 36000 ans. Il y présente la sortie d'un très bel ensemble de films de Pierre Oscar Lévy, Chroniques pariétales - La Grotte Chauvet-Pont d'Arc, coffret 2 DVD avec 3 films et 8 bonus, 28,95 €
Birgé écrit joliment que les "découvertes auxquelles nous assistons au long des trois épisodes de ces Chroniques pariétales nous plongent dans des abîmes de perplexité, comme lorsque l'on admire de nuit la voûte céleste loin des lumières de la ville, mais ici c'est en nous enfonçant dans les entrailles de la terre que notre mémoire enfouie est révélée au grand jour."
C'est dans cet article que j'ai pu voir aussi la vidéo ci-dessous :




La grotte Chauvet, l'art des origines par Pole_Projet_Chauvet

Émouvant aussi de retrouver sur ce documentaire l'écrivain et historien d'art John Berger, récemment disparu. J'avais encore depuis plusieurs jours un onglet ouvert sur Firefox, pour l'article que lui a consacré Antoine Perraud sur Médiapart. Je ne peux mettre l'article en lien, mais il commençait ainsi :

"En 1972, à Londres, sous un gouvernement travailliste (Harold Wilson étant premier ministre), la meilleure télévision possible au monde, la BBC, diffusait deux programmes révolutionnaires : la série loufoquement subversive de la troupe Monty Python (leur « Cirque volant » produit de 1969 à 1974) et une approche incroyable de la peinture débouchant sur une politique du regard : « Manières de voir » (Ways of seeing). Réalisées par Mike Dibb, ces émissions laissaient libre carrière à un génie qui vient de mourir à 90 ans, le 2 janvier à Paris : John Berger."

Pour mieux connaître John Berger, je vous conseille ce magnifique documentaire. La version française est sur le site d'Arte (mais sa durée de passage est limitée).

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