J'ai un peu de mal avec les vœux. Il est facile de constater que la modernité a boosté le phénomène : avant, il vous fallait acheter ou réaliser à la main des cartes idoines, les écrire, les poster, rude tâche, chronophage, qui vous conduisait à une sélection impitoyable des destinataires - grands-parents éloignés, tantes à héritage, amis de longue date, créanciers à ménager...-, au lieu que maintenant, emails et sms ont considérablement réduit le boulot. Une seule carte, un seul message envoyé to undisclosed-recipients et le tour est joué. Le problème, c'est bien sûr de faire preuve d'originalité. Une carte virtuelle personnalisée peut bien sûr faire l'affaire, mais c'est un minimum. Beaucoup préfèrent adjoindre le message d'une photo plus personnelle, souvent familiale et souriante, ou mieux, d'une animation pétaradante et explosive.
Certains misanthropes jugent cela de la dernière hypocrisie, mais je pense sincèrement qu'ils ont tout faux. L'immense majorité des gens qui vous envoient des vœux sont tout à fait sincères. La question n'est pas là. Mais il y a là-dedans quelque chose d'étrange, que l'on réfléchit peu, voire pas du tout. C'est qu'à l'origine, un vœu c'est quelque chose de fort, l'origine de la chose est religieuse. Prononcer des vœux c'était s'engager pour la vie. C'était une promesse à la divinité. Lentement le sens du mot s'est adouci jusqu'à ne plus désigner que cette espèce de souhait sans conséquence qui pousse comme chiendent en janvier. Sans conséquence, parce que l'on sait bien que ce souhait n'a aucune efficacité. Malgré les milliards de sms et mails échangés, 2011 a été une année aussi pourrie que les autres. On va dire alors que cela témoigne d'une attention, d'un égard pour le voisin, l'ami, le parent. Un signe qui ne mange pas du pain.
Oui, bien sûr, mais c'est peut-être là ce qui me gêne dans cette avalanche actuelle de vœux, c'est son extrême facilité, son innocuité. Le vœu au sens premier engageait votre responsabilité, déterminait votre vie. Au sens actuel, il vous dégage plutôt de vos devoirs, si tant est qu'on conçoive encore que l'on ait des devoirs. Je te souhaite beaucoup de bonheur, mais que fais-je le reste de l'année pour faire lever un peu de ce bonheur ? Cette attention du début de l'année ne vaut que si elle est suivie au moins de quelques autres au fil des mois.
J'arrête là, car je sens que je vire au sermonneur (de là peut-être mon irrésistible propension à monter dans les chaires dès que je visite une église).
Car s'il y a une chose qu'il faut absolument souhaiter à chacun, c'est de garder le sens de l'humour. Un bel exemple, avec cette vidéo reçue cet après-midi, de ChabProd.
J'adresse bien entendu tous mes vœux à mon lectorat fidèle et infidèle.
Titre du billet : Extrait de ce passage du CNRTL : Prononc. et Orth.: [vø]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1re moit. xiie s. « prière de louange, de supplication adressée à Dieu » (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XXI, 26: les miens vuz je rendrai en l'esguart des cremanz lui; LX, 8; CXV, 9); 2. a) id. « promesse faite à Dieu pour une requête exaucée » (ibid., LXV, 11: je rendrai a tei mes vuz, Lesquels promistrent a tei mes levres [en réf. à l'exil de Babylone]; CXXXI, 2: David [...] Ki jurad al Seignur, vut vuad al Puissant Jacob [au sujet de l'Arche]); 1130-40 faire [un] vo (Wace, Conception N.D., éd. W. R. Ashford, 210); b) 1403 « ex-voto » un veu d'or (doc. ds Laborde, Notice des émaux du Louvre, t. 2, 1853, p. 541); fin xve s. (Commynes, Mém., VI, 6, éd. J. Calmette, t. 2, p. 293: ses veuz et ses offrandes et reliquaires [...] et chasses);(...)
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