Le programme est très alléchant pour qui aime comme moi l’œuvre de Sylvie Germain. J'espère pouvoir me rendre à Guéret ne serait-ce qu'une demi-journée. En tout cas, ce ne sera pas le soir du 28 septembre, car je joue ce soir-là à Aigurande, à la frontière entre Marche et Berry, la pièce de mon ami Yvan Bernaer, Pok, fable dramatique et burlesque sur un monde où l'arbre est devenu une denrée si rare et si souvent contrefaite que l'on est obligé de recourir à des experts pour l'identifier.
Je ne pourrais certainement pas assister non plus, en raison de l'heure très matinale le lendemain, à la lecture de L'Astrologue. Cette nouvelle conclut le livre Rendez-vous nomades que je citais l'autre jour. Cela me donne l'occasion de revenir sur ce thème du chant abordé avec Vincent Delecroix et Georges Simenon. L'Astrologue est un sdf mutique, au regard dissimulé sous d'épaisses bésicles sombres, en réalité une femme frêle d'une cinquantaine d'années, "aux yeux bleu-mauve et à la voix restée enfantine", portant le doux prénom d'Ombeline. Dans un no man's land de la cité, elle va retracer la marelle de son enfance, "(...) ce soir, elle a enfin trouvé son territoire : un espace à la fois clos et à ciel ouvert, nu et visité par de discrètes présences ; un royaume minuscule où elle règne en légèreté et évolue en majesté, dansant sans bruit sur la terre qui frémit et ondoie sous ses pas. Elle fredonne à nouveau sa chanson : "Le fils du roi s'en vient chassant, le fils du roi s'en vient chassant, avec son beau fusil d'argent... V'là l'bon vent, v'là l'joli vent, v'là l'bon vent ma mie m'appelle...".
Sa voix est grêle, enjouée, c'est la petite fille qui chante en elle, l'enfant insouciante qui jouait dans la cour de l'immeuble, à Montmartre, en attendant l'heure du dîner."
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Il me faut écrire encore mon émotion d'avoir découvert cet après-midi au couvent des Cordeliers les peintures et les encres du peintre tourangeau Norbert Pagé. A quelques jours de la fin de l'exposition, le 16 septembre. Je me demande encore comment il se fait que je l'ai ignorée jusque là. J'y serai retourné plusieurs fois sans doute tant ces œuvres expriment une puissante douceur, je le formule ainsi à cause de la beauté méditative qui sourd de ces grandes plages de couleur joyeuse et vibratile, de l'ampleur de ces paysages abstraits avec ses contrastes de textures, où les aplats sereins sont vrillés de giclures nerveuses.J'ai visionné dans la salle du fond, seul, le petit reportage tourné peu de temps avant l'exposition. Norbert Pagé y expose sa méthode, qui est de n'en pas avoir. Il ne sait jamais quand il commence sa toile ce qui va advenir. Son seul travail, explique-t-il, est de se mettre dans l'état mental où émerge la nécessité de peindre. Il sait alors qu'il se passera quelque chose, même si rien n'est préparé dans sa tête. C'est l'esprit, l'inconscient qui le conduit.
Ce qui était d'autant plus émouvant, c'était la petite bougie à l'entrée de la grande salle. Norbert Pagé s'en est allé le vendredi 7 septembre. Les Cordeliers seront donc la dernière exposition de son vivant. C'est aujourd'hui même que ses obsèques se sont déroulées en l'église de Paulmy, en Indre-et-Loire.
2 commentaires:
J'aurais beaucoup aimé aller l'écouter, Sylvie Germain, mais Rennes-Guéret, c'est un peu loin...
Je t'embrasse, toujours aussi passionnants, tes textes!
SD
Merci Sylvie,
je te souhaite un très riche séjour en terre bretonne.
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