Elle est saisissante, l'émotion qui saisit encore Wiles à l'évocation du moment où il comprit comment il allait dépasser l'ultime difficulté qui se dressait sur son chemin, une émotion qui le laisse sans voix, interdit, devant le souvenir de cette intuition lumineuse qui allait changer le cours de sa vie.
Dans le livre que je lis en ce moment, Rendez-vous nomades, de Sylvie Germain, j'ai rencontré hier aussi cette notion d'intuition, dans une réflexion qu'elle conduit sur les rapports de la foi et de la raison, deux concepts que certains veulent croire étrangers et opposés l'un à l'autre :
"La raison, qui se veut la sage, la sensée du logis au regard droit, patient, n'a pas accès à tout, précisément parce qu'elle connaît ses limites et qu'au-delà de l'horizon du sensible, de l'expérimentable, du démontrable, elle sait que son fonctionnement n'est plus valable. L'imagination, elle, se permet des privautés avec l'inconnu ; elle part à l'aventure, elle flâne, elle fouille, elle glane, elle flaire, elle intuitionne. Puis elle soumet ses glanures à la raison. Il y a beaucoup de rognures, mais toujours du grain à moudre. L'imagination n'est pas seulement pourvoyeuse d'illusions, elle l'est aussi d'intuitions."Pour Sylvie Germain, la foi est en-deçà de l'imagination, comme son soubassement le plus profond. Elle n'en procède pas. Pour moi qui n'ai pas la foi, ou du moins qui pense ne pas l'avoir, son questionnement est troublant :
" La foi n'est ni sage, ni folle, et cependant l'une et l'autre ; en fait elle se situe en marge de ces catégories, en deçà, au-delà. Elle est une intuition fondamentale - ou, plus exactement, un don que l'on intuitionne. Elle défie la raison, elle la met à l'épreuve, tout en exigeant de faire alliance avec elle. Elle a à voir avec la capacité d'invention propre à l'imagination, mais sans se confondre avec celle-ci dont elle n'est aucunement le produit. Elle précède et ecède tant la raison que l'imagination. Elle est un sens indéfinissable, on pas un "sixième", mais un sens originel, inchiffrable." (p. 99)
Photo prise en 2007 à Beaumont de Lomagne, ville natale de Pierre de Fermat. J'avais été saisi par sa décrépitude, ses façades rongées, la lèpre de ses portes. |
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