lundi 1 septembre 2025

Une vie de catastrophes berlinoises

Dimanche pluvieux. Remonter la rue de Strasbourg pour aller à l'Apollo voir le film de Christian Petzold, Miroirs n°3. J'avais encore en tête l'entretien qu'il avait donné à France Culture la semaine dernière, ses paroles sur l'automne, saison de ses films. En fait, Miroirs n°3 a une teneur plutôt estivale, se déroulant dans une campagne paisible, lumineuse, si ce n'est que l'on entend de temps à autre le cri des grues. On ne les voit jamais et c'est un détail qui échappera sans doute à beaucoup de spectateurs, car cela reste discret. Mais c'est pour moi un son marquant et inoubliable : les grues traversent le ciel du Berry deux fois par an, la région est située sur leur immuable couloir de migration. Le spectacle de leurs géométries ondoyantes m'a toujours fasciné. 

 

Ce genre de détails subtils est bien dans le style délicat de Christian Petzold, qui a construit ce film avec une grande économie de moyens. Un autre détail m'a saisi : Laura fait part à Barbara de son désir de cuisiner, elle propose de faire des boulettes de Königsberg. Barbara s'arrête alors (elles roulent toutes les deux à vélo, Laura sur le porte-bagages car la selle de l'autre vélo est cassée*), comme surprise, déclarant que c'est un plat qu'elle rate toujours. Et c'est le plat que l'on voit servir dans la bande-annonce, au mari et au fils qui découvriront Laura par la même occasion. Les boulettes de Königsberg (Königsberger Klopse) me rappelaient évidemment Käthe Kollwitz, originaire de cette ville aujourd'hui sous dominance russe.

C'est donc à l'automne aussi que meurt Peter Kollwitz sur le front belge, le 22 octobre 1914. Peter Kollwitz qui était membre du Wandervogel, un mouvement de jeunesse auquel Walter Benjamin avait lui aussi appartenu jusqu'à cette année fatidique. Selon Mathias Enard les deux jeunes hommes se seraient rencontrés en 1913. C'est aussi à cette époque, en 1915, ajoute-t-il, "que débute l'amitié entre Walter Benjamin et Gerhard Scholem, qu'on n'appelle pas encore Gershom ; le spécialiste de la kabbale et de la mystique juive est lui aussi un jeune Berlinois, comme Benjamin issu d'une famille "assimilée" - les parents de Benjamin habitent, à Grunewald, une villa assez cossue dans laquelle Benjamin profite, nous raconte Scholem, "d'une grande chambre pleine de livres, qui me fit l'impression monacale d'une cellule de philosophe." (p. 49)

Ceci faisait écho à ce Journal de jeunesse, 1913-1923, de Gershom Scholem que j'avais aussi commencé de lire cet été, intitulé aussi Quitter Berlin (Rue d'Ulm, 2025).

 
 
Le Journal de Käthe Kollwitz s'ouvrait sur la mort de Peter, qui l'avait plongée dans  une terrible tristesse, veinée, écrit Enard, de culpabilité :  pour pouvoir s'engager comme volontaire, il avait dû obtenir de ses parents leur assentiment écrit. Adrien Cauchie raconte que "Käthe Kollwitz réagit en s’attelant à la réalisation d’un monument funéraire qui, au départ, devait être un mémorial dédié aux jeunes soldats morts à la guerre. En 1932, après dix-huit ans à y travailler régulièrement, ce sont finalement deux Parents en deuil qui prennent place dans le cimetière militaire allemand de Vladslo, près de Dixmude, en Belgique, où repose son fils et où ils sont toujours visibles aujourd’hui."
 
Käthe Kollwitz, Les Parents, troisième version abandonnée de la planche 3 de la série »Guerre«, 1920, lithographie au crayon (report), Kn 149

Käthe Kollwitz, Les Parents, Gravure sur bois, Kn 174 V b


Käthe Kollwitz: The Grieving Parents, a memorial to Kollwitz' son Peter, now in Vladslo, Diksmuide, West Flanders, Belgium
 
Toute l’œuvre de Käthe Kollwitz est marquée par le deuil. Presque trente ans après, en octobre 1942, le petit-fils, le fils de son fils aîné, nommé Peter aussi en mémoire du premier, est tué sur le Front de l’Est pendant la terrible bataille de Rschew/Rjev en Russie à 200 km de Moscou.
 
"Une vie de catastrophes berlinoises", conclut Mathias Enard.  

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* Et ce sera la tâche du fils, Max, garagiste comme son père, de la réparer. De même un robinet qui goutte et un lave-vaisselle. Il est beaucoup question de réparer dans le film. Les objets littéralement, mais aussi les âmes, plus symboliquement.

jeudi 28 août 2025

Käthe Kollwitz et la Rose blanche

 "Comment Berlin et la célèbre Alissa Eberhardt étaient-elles entrées dans sa vie ?"

Ian McEwan, Leçons, Folio/Gallimard, 2023, p. 211. 

 

J'avance pas à pas dans le récit magnifique et poignant de Mathias Enard, et voudrais aujourd'hui m'attarder un peu sur la grande artiste qu'il évoque dans le chapitre dénommé "Hermann". Il s'agit de Käthe Kollwitz (1867-1945), qui a donné son nom à un quartier de Berlin, le Kollwitz Kiez. Je ne la connaissais pas du tout, alors que le musée de la ville qui lui est consacré assure qu'elle est l'artiste allemande la plus connue au niveau international du 20e siècle. On restera jusqu'au bout un ignorant... Ce musée, Enard l'avait visité avec l'écrivain espagnol Juan Trejo, de passage à Berlin, et il confesse que cette visite les avait tous les deux émus aux larmes : "nous étions tout simplement tombés amoureux de Käthe Kollwitz, de ses dessins, de ses gravures. Il y avait là une sorte de miracle, les œuvres de Käthe Kollwitz incarnaient à la fois les luttes des pauvres, des exploités, d'une façon collective, très politique, mais aussi intime : à travers les visages , les corps, l'identité, la spiritualité, Käthe Kollwitz parvenait à donner à ceux qu'elle représentait, au travail, à la maison, ou luttant pour leurs droits, une individualité, comme un rayon de soleil permet soudain de distinguer une figure dans la foule. Un être apparaissait - la singularité de sa souffrance était inséparable du collectif de son combat."(p. 45-46)

Journal de Käthe Kollwitz (bonne recension d'Adrien Cauchie dans En attendant Nadeau)
 

Née le 8 juillet 1867, à Königsberg, l’ancienne capitale de la Prusse orientale (aujourd’hui Kaliningrad en Russie), Käthe Kollwitz s'installera avec son mari Karl dans le quartier ouvrier de Prenzlauer Berg où ils vivront et travailleront pendant plus de 50 ans et où naîtront leurs deux fils, Hans en 1892 et Peter en 1896. Elle est morte en avril 1945 à l'âge de 77 ans, "sans voir l'aube, écrit Mathias Enard, succéder à la longue nuit dans laquelle l'Allemagne était plongée. Aube de toute façon relative : Prenzlauer Berg et la place qui porte aujourd'hui le nom de Käthe Kollwitz se trouvaient dans la Sowjetische Besatzungzone, la zone d'occupation soviétique qui, en 1949, se convertirait en capitale de la République démocratique allemande et serait coupée de la partie ouest de la ville par la construction du mur en 1961."(p. 48)

Ceci me donne l'occasion d'évoquer le second livre ayant trait à Berlin et que j'avais donc lu à la même époque que Mélancolie des confins : le très beau roman de Ian McEwan, Leçons (Gallimard, 2023). Qui commence à Londres, en 1986, au moment où le personnage principal, Roland Baines, voit sa vie basculer : sa femme Alissa l'abandonne pour se consacrer à l'écriture de son roman, alors même que leur fils, Lawrence, n'a que quelques mois. Alissa est la fille d'une anglaise, Jane Farmer, ancienne journaliste, et de l'allemand Heinrich Eberhardt, qui avait été sympathisant du groupe de la Rose blanche, de Hans et Sophie Scholl.  Groupe qui avait rédigé et diffusé clandestinement des tracts contre Hitler, à Munich et dans les villes alentour. Sophie Scholl avait été surprise par le concierge Jakob Schmid en train de distribuer le sixième et dernier tract, conçu après la capitulation de Stalingrad en février 1943 ; dénoncée, elle avait été arrêtée ainsi que tous les membres du mouvement. Après un procès expéditif (en trois heures seulement), elle avait été condamnée et décapitée, ainsi que Hans et Christoph Probst, le 22 février 1943. Elle n'avait que 21 ans.

Sophie Scholl photographiée par la Gestapo, le 18 février 1943.
 

Ce n'est pourtant pas grâce à Alissa que Roland Baines a découvert Berlin, cela il le doit à une liaison plus ancienne, Mireille Lavaud, journaliste française vivant à Camden, qui lui propose de rendre visite à son père, diplomate en poste depuis peu à Berlin. C'est au cours de ce séjour qu'ils se rendent à Berlin-Est, à Pankow précisément, chez Florian et Ruth Heise, des amis de Mireille vivant dans un petit appartement au septième étage d'un immeuble miteux. Florian lui montre sa collection de vinyles cachée dans une valise planquée sous un lit : Dylan, le Velvet Underground, les Stones, Grateful Dead, Jefferson Airplane. Deux mois plus tard, Roland lui apporte, sous un déguisement, Slow Train Coming  et le troisième album du Velvet, le seul que Florian ne possédait pas. Au total, il fait neuf voyages à Berlin-Est en quinze mois entre 80 et 81.


 

Et puis un jour tout bascule. Il apprend de Mireille que la Stasi a arrêté Florian et Ruth, que l'appartement a été fouillé et saccagé, la collection de disques confisquée, les deux petites filles du couple confiées à leur grand-mère, Marie. Dès le lendemain, Roland se rend à Berlin, l'appartement de Pankow est déjà réoccupé, et, selon une voisine croisée dans l'escalier, Marie est à l'hôpital.

"Il n'eut pas envie de quitter ce quartier, de renoncer à retrouver cette famille. Il n'eut pas le choix. La pénombre et le silence étouffant de Berlin-Est envahissaient peu à peu les immeubles autour de lui. Il prit un bus vers le centre et descendit sur un coup de tête à Prenzlauer Berg. Il bouillait intérieurement, avait son col de chemise trempé, se fichait de ce qui pouvait lui arriver, d'où la vitesse avec laquelle il fit à pied les vingt minutes de trajet jusqu’au ministère de la Sécurité d'Etat dans Normannenstraße. Sans surprise, il se fit refouler par les gardes armés à la porte." (p. 235)

Peter Kollwitz, le fils cadet de Karl et Käthe, né à Prenzlauer Berg le 6 février 1896, meurt le 22 octobre 1914 non loin de Dixmude, dans les Flandres belges.

National Gallery of Art, Washington, D.C.: Peter Kollwitz, âgé de 7 ans, modèle pour la femme gravée avec un enfant mort, Käthe Kollwitz.

 Je parlerai plus avant de Peter dans le prochain épisode.

 

mardi 26 août 2025

Überall liegen Tote

Jeudi dernier 21 août, je revenais d'Exideuil-sur-Vienne où j'avais passé deux jours au camping de la Rivière avec quelques amis. Plutôt que de reprendre la route de l'aller, qui passait par Limoges, j'avais choisi de suivre la vallée et de traverser Saint-Germain de Confolens, où le souvenir de ma petite sœur Marie m'était toujours présent. J'avais écouté les Midis de France-Culture, qui diffusaient un entretien avec le cinéaste allemand Christian Petzold, dont le dernier film, Miroirs n°3, doit sortir en salles le 27 août. Ses premiers mots me touchèrent d'emblée : "Dans ce studio, à Berlin, je vois passer les derniers jours de l'été, ça déclenche une certaine mélancolie." Et comme on lui fait remarquer que la mélancolie est aussi présente dans son dernier film, il ajoute : " Je crois que j'ai écrit tous mes scenarii à l'automne. Je crois que je vais maintenant changer et passer au printemps, ça changera un peu."

Évidemment. je ne pouvais pas ne pas penser à Mélancolie des confins de Mathias Enard, que j'ai commencé à évoquer dans le dernier article, qui se déroule à Berlin et dont l'automne est la saison phare : "Je ressentis soudain, dans la bourrasque, cette angoisse qui me prenait, enfant, au moment de la chute des feuilles - je me revois observer, chaque jour à mon retour de l'école, les feuilles mortes sur le gravier et celles qui se recroquevillaient dans les arbres, certain qu'elles ne reviendraient pas, que cet hiver-là serait le dernier, l'hiver définitif (...)." (p. 21) 

Quelques lignes plus haut, il avait écrit que "le sanatorium de Beelitz ressemblait au Vaisseau des morts du roman de B. Traven, un lieu flottant entre la peur et la déréliction." Roman dont l'existence m'avait été révélé par la lecture de Viva de Patrick Deville, que j'avais trouvé ensuite dans un bac de livres d'occasion et auquel j'avais consacré un article. Ce dont je ne me souvenais pas c'est que cet article avait été publié le 7 janvier 2023, et que je l'avais dédié précisément à Marie car c'était le jour de son anniversaire (et pour en rajouter dans le hasard objectif, il faut savoir que dans mon sac à dos j'avais, comme unique viatique littéraire, Equatoria du même Patrick Deville, déniché quelques jours plus tôt à la bouquinerie Le futur archaïque, rue d'Auron, à Bourges).

 

Mathias Enard raconte ensuite la dernière grande bataille qui eut lieu sur le sol de l'Europe entre le 16 et le 19 avril 1945, près du petit village de Seelow, dans une zone très marécageuse - bataille de la dernière chance pour retarder l'Armée rouge dans sa course vers Berlin. Un million deux cent mille hommes s'affrontent là. Les Russes sont dix fois plus nombreux, leurs pertes seront colossales mais ils vaincront et le dernier verrou sur la route de Berlin aura sauté. Une statue monumentale a été érigée sur une hauteur, première du genre, "qui montre bien l'importance que revêt cette victoire de Seelow et le sacrifice consenti pour elle, ces dizaines d'Ivan crevés droits dans leurs bottes sous leur capote comme le soldat de Lev Kerbel, grand sculpteur de héros soviétiques, qui sculptera des soldats morts toute sa vie, jusqu'en 2000, quand, à l'âge de quatre-vingt-trois ans, on lui commandera son dernier combattant de bronze, un marin de quatre mètres de haut, un matelot pour honorer les cent-dix-huit héros qui périrent en mer Baltique à nord du Kursk, un sous-marinier tout contre son submersible comme le biffin de Seelow est près de son char d'assaut, l'infirmier de Beelitz s'appuie sur son brancard et la Belle au bois dormant penche la tête sur ses rosiers de rêve." (p. 29)

Monument aux soldats soviétiques sur les hauteurs de Seelow par L. E. Kerbel
 

Les morts allemands n'ont pas eu droit à pareil hommage. Morts sans gloire, morts en silence. Enard écrit que leurs tombeaux sont dans les livres de Theodor Plievier, "le militant antifasciste qui réussit le prodige de conter les douleurs des soldats allemands de Stalingrad à Berlin sans jamais être complaisant avec l'idéologie que ceux-ci défendaient, bien au contraire. Stalingrad et Berlin sont le miroir allemand de Vie de Destin de Vassili Grossmann ; en les lisant parallèlement on a la sensation que les morts se parlent, que les vivants se répondent d'un camp à l'autre, que leurs cris sont les mêmes, cris pour survivre, cri contre le totalitarisme, cri pour la gloire des sans gloire."

 

Vingt mille soldats allemands sont morts en vain pour défendre leur capitale perdue d'avance. Et Mathias Enard de se demander où sont les tombes. Pas d'immense cimetière, écrit-il, sous la lune du Brandebourg, pas d'alignements infinis de croix blanches. Comme il pose la question à la gardienne du petit musée de Seelow, elle lui répond : "Il y a des morts partout."  Überall liegen Tote.

 Überall liegen Tote. Il se remémore cette phrase en avançant vers la gare de Beelitz-Heilstätten et en se souvenant d'avoir découvert, non loin de là, dans une forêt à quelques kilomètres du village de Halbe, au pied d'un hêtre centenaire rescapé des bombes, une petite plaque, "seul signe de l'emplacement d'une tombe collective où gisaient cent-soixante-dix-sept inconnus, soldats et civils ; civils, c'est -à-dire réfugiés de l'Est qui accompagnaient le 9ème armée de Busse dans sa fuite éperdue vers Beelitz. Tous moururent ensemble, réfugiés et soldats, écrasés sous les obus soviétiques, rajoutant une catastrophe à la catastrophe, une déroute à la déroute, une débâcle à la victoire russe, débâcle, le nom de la fonte subite des glaces, quand les corps sont emportés, en pièces, dans une mortelle rivière : quelques dizaines de milliers de morts de plus dans cette belle forêt hantée, ces pins magnifiques, ces feuillus auprès des cours d'eau, graves fantômes de femmes et d'hommes disparus." (p. 35) 

 

samedi 16 août 2025

Là où tout s'achève, déploie tes ailes

J'étais résolu à écrire sur Berlin. Depuis plusieurs semaines. Berlin, où je ne suis jamais allé. Une lacune, parmi bien d'autres (mais Berlin apparaît tout de même dans bon nombre d'articles du site). Pourquoi Berlin ? Parce que Berlin était au cœur de trois livres qui n'avaient a priori aucun lien entre eux, si ce n'est celui-ci : Berlin. Trois livres importants.Et pourtant, je n'ai rien écrit jusque-là. D'autres thèmes se sont imposés, plus évidents à traiter sans aucun doute. Il reste que Berlin demeure en suspens et que j'ai envie d'y venir, sans savoir bien par où commencer, comment enchaîner, montrer les rapports, trouver un sens à tout cela. Trêve de procrastination, je m'y colle, j'avancerai au jugé, ça ne tiendra certainement pas en un seul article, ce n'est pas la première fois.

Débutons donc par ce livre, qui n'est pas le premier dans l'ordre chronologique de ma lecture, acheté le 10 juillet dernier, mais paru en 2024 : Mélancolie des confins, Nord, de Mathias Enard. Premier élément d'une série en quatre saisons et points cardinaux.

 

J'ai lu ce livre, qui n'est pas un roman, avec une réelle ferveur, je l'ai dévoré en deux jours à peine. L'incipit donne tout de suite la note profonde du récit : "Près de Berlin, comme nous sortions de la clinique où nous avions rendu visite à E., alors que la nuit tombait (ciel violet, violent, parcouru d'ombres et du frémissement des peupliers) et que nous marchions vers la gare de chemin de fer, un peu hébétés par la tristesse d'avoir laissé E. sur son lit d'hôpital, dans ce long hiver où elle était recluse, un vers de Blanca Varela me revint en mémoire : "Là où tout s'achève, déploie tes ailes*."

E. est une grande amie, hospitalisée à la suite d’un accident cérébral à la clinique de Beelitz, au milieu d’un vaste complexe désaffecté, qui avait été à la toute fin du XIXe siècle, le plus grand sanatorium d'Europe, où Hitler se remit de ses blessures pendant la Première Guerre mondiale, et où l’Armée rouge établit après la Seconde « son plus grand hôpital militaire à l’ouest de la mère patrie ». E. traversera tout le récit, et je ne pouvais lire tout cela sans frémir quelque peu : cette initiale désignant aussi mon amie (heureusement en bonne santé, je touche du bois). Incidemment, on voit tout de suite comment l'actualité personnelle douloureuse croise l'histoire tragique de l'Allemagne. Histoire dont la société de loisirs travaille aussi à l'effacement : Mathias Enard raconte ce "chemin de canopée" qu'un consortium touristique a installé au nord de l'ancien sanatorium, "un sentier de métal perché à dix mètres** de haut qui serpentait entre les cimes des arbres comme un balcon sans maison et permettait d'observer (outre les oiseaux, la vie de la forêt et l'organisation de la plaine alentour tachée de lacs) la certitude de la ruine."

Plus loin, il écrit que le vers de Varela "acquérait depuis cette hauteur une urgence brûlante. Ouvre tes ailes de rêve et survole la mort. Des paroles d'aède. L'étrange chemin d'acier dans les nuées, avec sa beauté inutile, s'élançant au-dessus des bâtiments morbides de l'ancien sanatorium dans les branches sans feuilles des hêtres et la verdeur noircie des sapins, s'élevant sans autre but que l'exploration des ultimes confins, ceux du temps et de mort, devenait pour nous une manifestation, une allégorie à la fois de notre puissance et de notre futilité, de l'inutile énergie déployée pour un combat perdu d'avance mais fécond, une lutte inégale dans le limes du désespoir."

Cette méditation l'entraîne à évoquer dans la même page la Belle au bois dormant de Louis Sussmann-Hellborn, statue de la Alte Nationalgalerie de Berlin, visitée en compagnie de E. peu de temps avant son accident.

 

"Le sculpteur avait déployé pour cette œuvre tout son savoir-faire et essayé d'alléger, de soustraire la Belle au bois dormant au poids même de la pierre dont elle était faite, au poids de l'endormissement, au fardeau du temps : la matière de la statue paraissait aussi ductile que l'or ou le bronze. Au creux des rosiers si festonnés, découpés dans le travertin blanc, dont les feuilles auraient pu être vertes tant  elles semblaient vivantes, la Belle au bois dormant pouvait attendre son prince pour les siècles des siècles, sauvée par l'artiste, assoupie dans son trône de marbre - artiste lui-même oublié, dont le nom ne dit aujourd'hui plus rien à personne : il a manqué pour lui-même ce qu'il projetait de réussir pour sa splendide Belle au bois dormant, la gloire et l'éternité."

Le vers de Blanca Varela me rappelle en ce qui me concerne Les Ailes du désir de Wim Wenders, film ô combien lié à Berlin (Der Himmel über Berlin en est le titre original), dont je parle par exemple en février 2019, Requiem pour Damiel.

 


Et il me souvient que Robert, un ami suisse de E., de passage à Bourges voici deux jours, évoqua le film en regardant l'une de ses premières sculptures (dont je n'ai pas ce soir, hélas, la photo sous la main).

J'avais prévenu, ça ne fait juste que commencer... 

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* "Donde todo termina, abre las alas" in Blanca Varela, Como Dios en la nada, Visor Libros, Madrid, 2013. 

** 23 mètres et non 10 mètres, selon le site Vivre à Berlin

mercredi 13 août 2025

Cheminant dans l'impur et le bariolé

Je ne suis pas chez-moi cette semaine, et je n'ai que mon smartphone pour éventuellement écrire et publier un petit article. Je pourrais attendre bien sûr,  aucune urgence ne me requiert. Sans doute, mais l'envie est là, je le sens bien, de livrer quelques phrases au flux sans repos du net, des alluvions encore, comme cela en avait été projeté dès l'origine du blog, en 2006, presque vingt ans déjà. 

Des livres m'ont suivi jusqu'ici, à Bourges, où E., l'amie, expose depuis lundi à la galerie des Éphémères, avec deux autres artistes, FK et Pierrick Delobelle. Parmi ces livres, les Ecrits timides sur le visible, de Gilbert Lascault, que j'ai évoqué dans le billet précédent. J'en voudrais encore citer quelque passage :

"Cheminant dans l'impur et le bariolé, cette esthétique modeste doit se méfier des généralisations,  des grandes formules, des unifications.  Chacune de ses rencontres avec les oeuvres lui apparaît comme un événement particulier,  heureusement imprévisible,  comme un surgissement de sensations multiples et diversifiées. Sans trop se soucier des étymologies,  l'esthétique retrouve ici la sienne.  Elle est du côté des aisthéseis, du côté des sensations,  du côté des organes des sens, du côté de la peau et des plaisirs. Et toujours fidèle à cette étymologie,  elle ne prétend pas établir une coupure entre sensations, sentiments,  idées.  Tout est mêlé dans la rencontre : l'excitation,  l'amour,  le désir de savoir,  celui de toucher,  celui de maintenir une distance qui permet le regard. " (p. 13)

Voilà qui me touche au cœur, et à quoi je souscris totalement.  Et j'aime qu'un peu plus loin, en ce même texte, parlant de ces tableaux et de ces sculptures qui "peuvent nous aider à devenir moins raides, à nous éparpiller joyeusement ", il convoque, "pour nous apprendre la dispersion, l'errance souple", quelques oeuvres de celui que nous avons souvent croisé ces derniers temps, à savoir Bruegel.

"Dans la Chute d'Icare, le titre nous incite à une longue promenade à travers le tableau, avant d'apercevoir, minuscule, un peu à droite, en bas, les jambes nues de quelqu'un qui se noie, tandis que des bateaux, des paysans,  des moutons,  des oiseaux,  des rochers,  des édifices s'éparpillent en un monde apparemment indifférent à la catastrophe. Dans la Montée au Calvaire, la figuration du Christ écrasé sous sa croix, vêtu de gris, situé à une assez grande distance du premier plan, ne constitue qu'un des exemples ( l'un des plus discrets) de la violence disséminée dans la totalité de l'oeuvre." (p. 14-15)



mardi 5 août 2025

Quincaillerie chaotique

Samedi dernier après-midi, dans la rue Bourbonnoux, une bouquinerie où je n'étais pas encore entré, Pass'âges. Un choix très riche, mais un livre surtout m'a très vite aimanté, et au terme d'un rapide tour d'horizon sur les denses rayonnages du lieu, j'y suis revenu avec une certitude : c'est celui-ci et nul autre que je me devais d'emporter dans ma besace : Écrits timides sur le visible, de Gilbert Lascault, dans l'édition d’Armand Colin de 1992 (qui reprenait l'édition originale en 10/18 de 1979).

 

Gilbert Lascault n'était pas tout à fait un inconnu pour moi. Le Musée de l'Hospice Saint-Roch à Issoudun lui avait consacré une exposition du 27 septembre au 28 décembre 2014, Les chambres hantées de Gilbert Lascault, avec 80 œuvres choisies et commentées par ce critique d'art, essayiste et écrivain atypique, pour qui les artistes étaient avant tout des amis. 

Parcourant pour l'occasion sa biographie, je vois qu'il est né comme mon père en 1934, le 25 octobre précisément, à Strasbourg. Ses parents sont quincailliers à Obernai. La guerre est marquée par la longue absence du père, prisonnier en Allemagne (et de même Lucien, mon grand-père, ne reviendra qu'en 1945 de sa captivité en Autriche). Un père qui aurait bien voulu qu'il perpétue la tradition quincaillière, mais il n'en fera rien (il obtient l'agrégation de philosophie en 1960). Cependant, en 2008, il déclarera à un journaliste venu lui rendre visite dans son appartement parisien : « Mon lieu ressemble à une quincaillerie chaotique. Les peintures, sculptures, photographies m’incitent à penser un peu, à rêver, à écrire (…)." Et Djamel Meskache, le maître d’œuvre des éditions Tarabuste qui éditèrent le catalogue de l'exposition des chambres hantées, parle de Gilbert Lascault comme du quincaillier de l'infini : "il sera ce quincaillier d'un nouveau genre, poète et homme de science avec des savoirs humanistes."

 

L’appartement de Gilbert Lascault © Tarabuste

Je me plonge vite dans ce recueil de textes, déjà anciens, mais qui n'ont rien perdu de leur pertinence. Le premier texte (daté de juillet 1978) s'intitule Pour une esthétique dispersée, et le premier sous-titre est déjà éloquent : Loin des certitudes, hors des polémiques. Personne n'est moins dogmatique que Lascault (j'aime qu'il porte ce nom de grotte magique qui lui correspond tellement bien). Il parle des plaisirs que provoquent les textes "sûrs de leur vérité", mais il suggère que "d'autres plaisirs naissent peut-être ailleurs : dans le flou, dans l'effiloché, dans le dispersé, dans l'impur, dans les ébauches de descriptions des particularités qui se refusent aux généralisations." Il cite Jean Dubuffet qui écrit, vers 1945 : "J'aime aussi l'embryonnaire, le mal façonné, l'imparfait, le mêlé."

Ces mots, je les retrouve un peu plus tard, lus par Lascault lui-même, dans ce portrait filmé en 2014 à son domicile par Marie-Pierre Bonniol et Mariette Auvray (mentionné par Hugo Pradelle dans le bel article d'hommage, Gilbert Lascault, le fabuliste du visible, donné dans En attendant Nadeau.)


 

Gilbert Lascault note que la peinture "refuse de privilégier le lourd au détriment du léger, le dur au détriment du souple, l'incorruptible au détriment du périssable", et que les peintres "s'intéressent au moins autant aux nuages qu'aux fortifications, aux étoffes qu'aux armures, aux fruits qu'aux marbres". Et puis soudain voici que sous sa plume affleure ce motif qui m'a occupé un bon moment naguère : "On connaît aussi la fascination qu'exerce sur Léonard de Vinci une matière habituellement méprisée : la poussière. "Je dis (écrit Léonard) que lorsqu'on frappe une table en différents endroits, la poussière qui la recouvre se disperse en diverses figures de collines et monticules (...)" Et plus loin : "On évoquera à propos de cette fascination de Léonard, les "élevages de poussière" imaginés par Marcel Duchamp, qui fait photographier un tel élevage sur le Grand Verre."

 

Encre (Evelyne Ferrand-Hemmelding) 

 

 

mercredi 30 juillet 2025

Treize années à te regarder mourir

Gardien de chats, cela laisse du temps libre. Remplir les gamelles, nettoyer les litières, caresser de temps à autre les deux matous, la tache n'est pas exorbitante. Et si j'ai arpenté quelques musées, j'ai aussi beaucoup lu. Par exemple, Changer : méthode d’Édouard Louis, qui était dans la bibliothèque de Gaby. Son quatrième récit autobiographique (je n'avais lu jusqu'ici que Qui a tué mon père, Seuil, 2018), où il revient sur son enfance, son adolescence, et son itinéraire de transfuge de classe, avec tout le travail accompli sur son corps pour masquer son origine prolétaire : attention aux gestes et à la voix (accent qu'il faut perdre), manières de manger, garde-robe renouvelée, dentition refaite (grâce à de généreux mécènes), culture littéraire et musicale à absorber à fortes doses, etc. Un parcours édifiant, souvent douloureux, jalonné de rencontres déterminantes, mais qui passe aussi par des mensonges et des abandons d'amitié (qui laissent plus d'une fois songeur - et c'est sans doute que notre conception de l'amitié ne peut s'affranchir de la fidélité et de la permanence).

Et puis, non loin de l'appartement, sur cette longue avenue de Grammont, mon fils m'avait signalé la librairie Les Temps sauvages, librairie coopérative (la meilleure de Tours, m'avait-il précisé). Sans doute avait-il exagéré, mais j'y dénichai en tout cas un livre que j'avais vainement cherché jusque-là. Un petit livre de 80 pages, dont j'avais lu la chronique dans le Libération du 30 mai dernier : Treize années à te regarder mourir (éditions du commun), par Benjamin Daugeron.

 

La chronique de Libé commençait ainsi : "C’est un petit livre qui tient dans la poche et laisse sa marque. Un livre rouge, court, simple dans son expression, direct, carré, comme s’il fallait maintenant mettre de l’ordre et faire les comptes. Treize années à te regarder mourir dit où, quand, comment, combien, et commence par une naissance : «André est né à La Châtre dans l’Indre, en plein cœur du Berry. Le Berry c’est loin. Loin de tout. La grande ville, la mer, la montagne, tout est loin.» "

La Châtre, où je suis allé au lycée (George Sand, évidemment), où j'ai habité plus de dix ans, où j'ai rencontré Fred Deux et Cécile Reims, où je retourne régulièrement pour visiter ma mère, entrée à l'ehpad. La Châtre, au beau milieu de la diagonale du vide, écrit encore l'auteur. Son père, André, y naît  le 12 octobre 1964. Daniel, le grand-père, est ouvrier agricole, "malade de l'alcool comme ses frères et sœurs, et comme ses parents, ses oncles, ses tantes, et peut-être même ses grands-parents avant lui." D'emblée, le grand thème du livre est donc posé : «Un alcoolisme qui n’est pas le fruit d’une tradition ou d’une culture mais qui est déjà le témoin à l’époque d’un renoncement à l’avenir de toute une catégorie de population abandonnée, laissée à elle-même. L'alcool est un moyen de sortir du réel, d'accepter le poids de l'existence, sa fatalité."

Fatalité, peut-être pas. Il a raison de dire que l'alcoolisme n'était pas le fruit d'une tradition ou d'une culture : mon propre père était aussi ouvrier agricole, et son père avant lui, qui n'a jamais eu que quelques hectares de terre, deux vaches et un âne. Et pourtant, dans cette famille, je n'ai observé aucun cas d'alcoolisme. De même dans ma famille maternelle, paysanne elle aussi. Et je connais beaucoup d'autres familles semblables. Ce n'est pas pour dire que l'alcoolisme n'existe pas dans les campagnes et que seule cette malheureuse famille Daugeron en aurait été frappée. Non, c'est un phénomène social bien réel, et Benjamin Daugeron en donne un témoignage bouleversant. Le livre est dédié à Colette, sa grand-mère, dont il relate le chemin de croix. Elle essaie par deux fois d'obtenir le divorce d'avec Daniel, son mari violent et violeur, mais la justice, reconnaissant son alcoolisme comme une maladie de longue durée, rejette la demande en divorce. Un peu plus tard, il se suicide d'un coup de carabine. 

A partir de là, à partir du second chapitre, le fils s'adresse au père. André, qui vit dans un appartement de la ZUP 1, seul, avec comme éternelle compagne la télévision : "Tu ne comptes plus les heures passées devant la télévision. Tu ne t'ennuies même plus. Tu fixes l'écran, le regard vide. Il t'anesthésie. Il amollit tout ton corps, anéantit tes capacités intellectuelles et participe à détruire tout espoir d'une vie nouvelle." De même, Édouard Louis dans Changer : méthode, s'adresse à son père "Tu m'avais appris qu'il fallait regarder la télévision à table, que l'heure du repas était celle où on regardait la télé en famille, les informations du soir et ensuite un film ou une série. Si ma mère essayait de parler ou si je voulais raconter une anecdote de ma journée à l'école tu t'énervais, tu nous disais de nous taire. Tu disais que regarder la télé le soir était une affaire de politesse. A la maison il y avait quatre ou cinq télévisions, tu allais les chercher à la décharge et tu les réparais, une télé dans chaque chambre, une dans la pièce commune. On la regardait le matin avant d'aller à l'école, le soir avant de dormir, les après-midi pendant le week-end.

Il y a ainsi des parallèles frappants entre les deux récits. Ce n'est pas un hasard, les mêmes déterminismes sociaux sont à l’œuvre, provoquant les mêmes dégâts irréversibles. Benjamin raconte la descente aux enfers de son père, qui sombre aux alentours de ses 32 ans, après le diagnostic de cancer à l'âge de six mois du fils cadet : "Bien que soigné avec succès, c'est à l'hôpital que tu prends de mauvaises habitudes. Il faut oublier la mort qui plane, se détendre après la chimio du petit, alors tu sors boire un coup, puis deux deux, voire trois. Tous les soirs." Le petit s'en sort, mais André continue de boire, le couple se fissure, la violence s'installe, à tel point que Benjamin appelle la police contre son père. Il a 8 ans. André reste seul. La maison de la rue de la Rochette est vendue, et l'argent de la vente vite dilapidée. Perte de la famille, perte du travail, la santé qui se détériore de jour en jour. "Tu passeras des années devant ton écran de télévision à attendre la mort."

Dans L'effondrement, un autre livre (que je n'ai pas lu), Édouard Louis raconte comment son grand frère s’est définitivement «effondré» à 38 ans. Il a été retrouvé sur le sol de son appartement inconscient, «comme un animal à l’agonie, comme une bête». Ses organes étaient dégradés par l’alcool, son cerveau endommagé, sa mère a autorisé l’équipe médicale du service de réanimation à le débrancher. «Il était mort mais elle était la seule à avoir le droit de le faire mourir. Il avait trente-huit ans

C'est Colette, la grand-mère, qui va chez son fils et le découvre gisant derrière la porte du salon. "Vert. Jaune. Marron. Gonflé. Méconnaissable. Mort." Mort trois jours avant. "Trois jours de putréfaction de la viande dans une pièce chauffée à 22° C ont rendu l'autopsie difficile et presque impossible la détermination exacte de la mort."

La suite est édifiante : "Il faut voir comme les agents publics nous regardent  à notre arrivée au tribunal pour signer une renonciation à la succession. La justice lit sur nous la pauvreté. Nous sommes ce que les gens qui n’en sont pas appellent des “cas sociaux”. Le ton avec lequel la fonctionnaire qui nous reçoit s'adresse à nous est équivoque. Je sens encore le poids de son regard de mépris sur mes épaules. Peut-être que le soir en rentrant chez elle, elle parlera de nous à son mari en disant les "cassos". C'est comme ça que je le vois écrit sur les réseaux sociaux. C'est comme ça que les Blancs privilégiés qui m'entourent disent à l'école."

Benjamin Daugeron n'est pas resté un "cassos", il n'a pas connu la trajectoire foudroyante d’Édouard Louis, mais il a réussi à intégrer une classe préparatoire aux grandes écoles option économie à Orléans, puis il est allé à Paris, où il vit désormais. Il a surtout écrit ce livre courageux, qui n'aura certainement pas un grand succès public (j'espère me tromper), mais qui mérite vraiment le détour.

Je l'avais demandé dans les deux librairies existant à La Châtre. Il n'y était pas. On ne savait rien de lui. J'ai lu que Gaël Faye avait été reçu récemment dans l'une des deux. C'est bien. Mais il faut inviter aussi Benjamin Daugeron. Le malheur n'est pas qu'en Afrique, il est aussi parfois au coin de sa propre rue. 

 

Ayline Olukman - America