A S. qui depuis douze ans...
L'une des grandes occupations d'Alexis Chauvel, l'ermite de Chenecé dans le livre de Jean-Paul Goux, fut la restauration du verger clos. Les photos anciennes retrouvées dans les tiroirs de l'armoire montraient cinq rangées d'arbres parfaitement alignées, pommiers et cerisiers. Il décida tout d'abord d'établir un plan précis :
Sur une feuille de papier quadrillé, j'ai porté les lignes d'un carré de dix unités par côté ; à l'intérieur de ce carré, j'ai porté un second carré, distant d'une unité et j'ai marqué d'un rond l'emplacement des arbres qui allaient former seize carrés, larges chacun de deux unités. Mais en regardant toujours les photos du vieux verger, il m'a semblé que ces cinq allées que formaient les arbres sur chacun de ses quatre côtés seraient plus belles encore si une allée médiane venait enrichir le jeu des diagonales, si j'ajoutais au milieu de chacun des seize carrés de mes vingt-cinq arbres, exactement au milieu, un autre arbre, et ce serait ainsi quarante et un arbres qu'il me faudrait planter. J'ai taillé quarante et un petits piquets pour marquer l'emplacement des cerisiers et des pommiers, seize cerisiers et vingt-cinq pommiers. (p. 64-65)J'ai suivi le descriptif et tracé à mon tour le plan du verger, que voici :
En tirant les diagonales, il tomba sur des restes de souches, qu'il recueillit pieusement, "dans le bonheur des preuves" : il y avait bien eu un arbre au milieu des seize carrés.
Cette sorte de plantation est dite en quinconce, mais Jean-Paul Goux n'emploie jamais le terme.
Or, dans Les Anneaux, Sebald, lors de son évocation de Thomas Browne, cite son étude sur le quinconce :
C'est ainsi que dans sa dissertation sur le jardin de Cyrus, il traite du quinconce, figure constituée par les angles et le point d'intersection d'un carré. Cette structure, Browne la découvre partout, dans la matière vivante ou morte, dans certaines formes cristallines, (...) mais aussi dans le jardin du roi Salomon, dans l'ordonnance des lys blancs et des grenadiers qui y sont alignés au cordeau." (p. 34)
En regard de ce passage, Sebald a reproduit l'image du quinconce qui orne le livre de Browne (ici à gauche) :
C'est juste après que Sebald évoque Borges et son Livre des êtres imaginaires.
Un autre terme est important, me semble-t-il, c'est celui de losange, qui apparaît donc dans le titre du livre de Thomas Browne. La plantation en quinconce dessine en effet des losanges. Or Christian Garcin présente le losange comme une figure récurrente dans l’œuvre borgésienne, "avec chaque fois une signification bien précise, toujours en rapport avec ce qui se dissimule derrière le voile qu'elle constitue, souvent lié à l'enfance."(p. 94)
(A suivre)
1 commentaire:
Encore une fois tu ouvres une porte dans mon jardin: 5, c'est le chiffre de la patrie portative. C'est le quinconce, le Pentateuque...
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