La neige a disparu, éphémère beauté d'un jour.
Hier, longue soirée télé, comme cela m'arrive très rarement, vautré ignoblement dans le canapé, télécommande au côté.
J'attaque par La vie des autres, sur Arte, le film puissant de Florian Henckel von Donnersmarck. Je l'ai déjà vu, mais il a quelque chose d'envoûtant, en particulier à travers la transformation du capitaine Wiesler (superbement interprété par Ulrich Mühe), l'officier de la Stasi qui se prend d'amitié pour le couple qu'il espionne. Le personnage, rigide, plutôt mutique, ne laisse presque rien transparaître, ce solitaire n'a d'ailleurs personne avec qui partager le trouble qui l'a envahi.
J'apprends par ailleurs qu'Ulrich Mühe est mort l'année suivante d'un cancer à l'estomac et qu'il se savait déjà condamné au moment du tournage.
J'enchaîne immédiatement sur la Trois avec un documentaire : La face cachée de Hiroshima, de Kenichi Watanabe. Encore une fois, ce n'est pas gai, mais c'est bougrement intéressant : l'auteur du film démonte la notion de mal nécessaire, "evil necessary", qu'on a associé à la bombe A. Il retrace l'histoire de sa fabrication en entrant dans les coulisses secrètes du projet Manhattan, et met en lumière les manœuvres de la propagande américaine.
A propos de propagande, je trouve surprenant qu'une recherche sur Google à propos de ce film nous donne en premier lieu un lien vers un site antisémite et négationniste (je ne mets pas de lien, volontairement), page datée de novembre 2011, où l'on peut lire par exemple que Pierre Joxe était le porte-flingue juif de Mitterrand. Car, évidemment, ce sont les juifs qui sont responsables de la bombe : "Prenons acte que ceux-là même qui se posent en victimes de crimes fictifs (les prétendues chambres à gaz homicides), peuvent impunément revendiquer l’un des crimes les plus atroces de l’histoire de l’humanité." Répugnant.
De l'air. J'aurais dû aller me coucher, mais voici qu'on m'annonce un documentaire sur Marcel Conche, le vieux philosophe qui connaît Montaigne et Héraclite mieux que sa poche. Vivre, aimer, ça s'appelle (on peut le revoir encore pendant quelques jours sur pluzz). Allez, c'est parti pour Conche, qui, à 86 ans, quitte sa maison dans l'Ain pour aller vivre en Corse près d'une jeune femme à laquelle le lie une manière d'amitié amoureuse et philosophique. Un an plus tard, fort de cette aventure, il est revenu à Altillac, son village natal, et la caméra le suit dans la douceur de l'été corrézien. Curiosité : un des deux narrateurs du film est Robin Renucci, qui était aussi le commentateur du film précédent.
De Marcel Conche, en réalité, à part quelques entretiens dans des magazines, je n'ai lu que le premier tome de son Journal étrange, Avec des "si", publié en 2006.
Alors, la télé enfin muette, malgré l'heure plus que tardive, je n'ai pas résisté à l'envie de ressortir le livre de la bibliothèque, et d'en feuilleter quelques pages.
Et puis voilà, j'arrive au chapitre LXXVII, presque à la fin du volume, Si un injustifiable est plus injustifiable qu'un autre, où lui, pacifiste convaincu, revient sur Auschwitz et Hiroshima. Il écrit le 6 mars 2005, "soixantième anniversaire du jour où, par la volonté du président américain Truman, la première bombe atomique dite "Little Boy", tomba sur Hiroshima et pulvérisa la ville et les humains qui l'habitaient." Lui aussi, il pulvérise l'idée de mal nécessaire qu'on a voulu attacher à la bombe : "Aucune fin, si souhaitable soit-elle, ne peut autoriser à réduire en cendres de multiples écoliers japonais pleins de joie de vivre, ou à ne les laisser subsister que comme des corps de souffrance qui agonisent. Certes, un injustifiable n'est pas moins injustifiable qu'un autre. Si absolument rien, bien sûr, ne peut justifier Auschwitz, absolument rien non plus ne peut justifier Hiroshima. Il sont à égalité, même si l'enfant d'Hiroshima - celui qui n'a pas eu la chance d'une mort immédiate - a un supplément de vie atroce."
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