Hans Baldung Grien, Le Sabbat des sorcières, gravure, 1510. |
Aujourd'hui était un grand jour, pensez-donc, nous étions le premier dimanche d'avril, autrement dit jour de brocante sur l'avenue des Marins, lieu et moment magiques maintes fois évoqués ici. J'avais raté, à chaque fois pour des raisons extérieures à ma volonté, les derniers rendez-vous de l'hiver, mais là, libre comme l'air, je me fis donc un plaisir d'en arpenter à nouveau les stands, dans l'attente un rien fébrile de la merveille inattendue. Rien de bien extraordinaire ne retint pourtant mon attention, et je n'avais guère qu'un vieux Charlie-Hebdo de 1976 avec une couverture jubilatoire de Reiser ainsi qu'une étude de Malraux sur Goya, lorsque je tombai sur des cartons de livres d'art entassés en désordre, dont beaucoup écrits en allemand. Pour dix euros, le vendeur, bien content semble-t-il de lâcher cette camelote teutonne, me fit un lot de deux volumes sur Dürer. Une biographie illustrée de Peter Strieder (Nathan, 1978) et le catalogue de l'exposition de 1971 à Nuremberg qui célébrait le 500ème anniversaire de la naissance de l'artiste (un livre de 414 pages entièrement en allemand mais présentant apparemment une grande partie de l’œuvre gravée et peinte).
Ce soir, je repensai à un autre livre acheté l'an dernier sur cette même brocante : le Dictionnaire du Diable, de Roland Villeneuve (Pierre Bordas et fils, 1989). Je ne m'en étais guère servi jusque-là, et je me suis demandé si une entrée, sur les deux mille que compte l'ouvrage, n'avait pas été réservée à Hans Baldung. Eh bien pas du tout, Baldung qu'on convoque donc sur Arte quand on parle de sorcellerie en Pologne (des prêtres polonais ont brulé récemment des livres des sagas Harry Potter et Twilight pour « lutter contre la sorcellerie »), Baldung donc n'apparaît pas dans cette encyclopédie du diable.
En revanche, à l'entrée "sorcières", je retrouvai Albrecht Dürer, avec une gravure de 1497 (ou 1491), Les quatre sorcières.
Sur la même page 358 de l'ouvrage de Roland Villeneuve, on trouve une photo des Sorcières de Salem, dans une mise en scène de Raymond Rouleau (1954), d'après la célèbre pièce d'Arthur Miller (The Crucible, 1952) qui s’inspirait d’une histoire vraie – un procès en sorcellerie dans la ville de Salem, Massachusetts, en 1692 – pour proposer une métaphore du maccarthysme. "A trois siècles d’intervalle, écrit Olivier Père, les Etats-Unis étaient de nouveau en proie au fanatisme, à la délation, à l’hystérie collectives et à des peurs irrationnelles qui déchiraient les Américains entre eux, avec des victimes dont la vie fut brisée, accusées sans preuve par l’opinion publique et des représentants impartiaux de la justice. La petite communauté de Salem, sous l’égide du clergé protestant ultra puritain, est le théâtre d’un drame où les différents politiques et religieux entre habitants et les tensions sexuelles inavouables se règlent hypocritement en convoquant le diable et la sorcellerie." Simone Signoret et Yves Montand, qui avaient interprété la pièce à 280 reprises à Paris dès 1955 (dans une traduction de Marcel Aymé), furent à l'origine de son passage au cinéma. Le film, dont ils étaient coproducteurs, fut tourné en RDA en 1957, dans une adaptation de Jean-Paul Sartre.
Yves Montand et Mylène Demongeot dans Les Sorcières de Salem de Raymond Rouleau |
On voit aussi dans la liste le premier film d'Agnès Varda, La Pointe-Courte. La boucle en somme est bouclée.
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