dimanche 1 juin 2008

Les guides

Les guides ?
Avinés grimoires
Je m'en défis dans la vague
Le regrettai aussitôt

Qui sait si
à la marge des mensonges
un chiffre exact
n'y dormait pas ?

Il fallait maintenant
parlementer
avec la ténèbre

mercredi 23 mai 2007

Les pierres sauvages

Passage hier au Bleu fouillis des mots, où Michel Baggi continue de recueillir ces livres qu'on dit d'occasion. Il y avait bien quelques mois que je n'avais hanté le lieu, et ce n'est certes pas la pénurie d'imprimés, bien au contraire, qui m'en faisait là franchir le seuil. Non, c'est toujours justement l'espoir d'une découverte qui me pousse. Je ne cherchais rien de précis et furetai dans les rayonnages, me décidant finalement (impossible de repartir bredouille) pour un petit Quignard de chez Fata Morgana (Une gêne technique à l'égard des fragments, jamais lu encore) et les Pensées de Francis Blanche illustrées par Cabu (c'est dire mon éclectisme). Et puis, comme nous discutons avec Michel, à son petit bureau-comptoir, j'aperçois sur le côté Les pierres sauvages, de Fernand Pouillon, que j'ai cherché en vain à la Médiathèque voici quelques semaines. Enchantement de cette trouvaille : ce livre, j'avais oublié que je le cherchais, et soudain il apparaît, au moment où je vais partir. Il y a quelque chose de miraculeux dans ce surgissement.

lundi 7 mai 2007

Soif du poème

Soif du poème
Appel de la crue
Appel au flot sombre des mots criblés d'ajours
A la boue bouleversant le mol balancé des rives
Au tourbillon tourbeux à la tombe certaine
Que monte la hargne des troncs la clameur des biefs
Qu'elle m'emporte en sa main noire d'aragne bègue
Qu'elle précipite les nuits sur le versant lissé des jours
Qu'elle ébouriffe les toits et ventile les ruelles
Soif du poème
Appel au débord au rut des vocables
Appel aux carex à l'alliance des granits
A la morve orpailleuse qui crie dans les caves
A la madone railleuse qui saigne son lait de sphaigne
Que s'élève le calice ruineux des cimes abattues
Que ploie sous la ténèbre le vol glacé des autours
Que tranchent dans le vif les remugles des douelles
Que se fracassent les refrains sans frein des amours
Soif du poème
Appel à la griffure
Appel à la brisure des écluses
A la nue sanglante de l'éternelle souillure
A la battue des quais chancelant sous les blasphèmes
Que crachent sur le ciel le fumier du nadir
Que s'encre une phrase aux chemins de misère
Qu'elle remue mes os et me scarifie de ses rythmes
Qu'elle m'enlise loin aux sentiers de la buse

samedi 3 mars 2007

Illuminationen

Plusieurs semaines sans que la figure de l'Ange ne se manifeste : je pensais que l'attracteur étrange s'était replié, lentement rétracté jusqu'au silence complet, comme cela se passe chaque fois. Mais à Limoges, aujourd'hui même, il a opéré un spectaculaire retour.
Nous étions en visite chez un couple d'amis. Vendredi après-midi, dans la ville battue par les pluies, nous avions fait quelques courses et exploré cette excellente librairie de la place de la Motte, page et plume. J'y fis l'acquisition du petit volume d'Hannah Arendt sur Walter Benjamin, aux éditions Allia (j'aime beaucoup cette maison-là, pour la pertinence, l'originalité souvent de ses choix, mais aussi pour l'élégance de sa charte graphique).


Nous avons dormi là-bas, dans un immeuble dominant la gare des Bénédictins, le bureau de notre amie, professeur d'allemand, nous servant de chambre. Ce matin, regardant les rayonnages de sa bibliothèque, je remarquai un ouvrage de Benjamin. Un titre que je ne connaissais pas : Illuminationen. Comme je me reportai au livre d'Arendt, je lus dans le préambule de présentation que Walter Benjamin : 1892-1940, tout d'abord paru en 1968 dans The New Yorker, avait servi d'introduction la même année au recueil d'essais surnommé Illuminations (Harcourt, Brace and World).

Piqué par la curiosité, je sortis alors le livre de son meuble et je l'ouvris très précisément sur la page que mes rudiments d'allemand me permirent d'identifier comme celle-là même de l'Angelus Novus...

lundi 19 février 2007

En vallée du Suin


Le causse après les maisons de pierre blanche
la descente aux chemins verts et humides
dans la splendeur tortueuse des chênes
et le parfum premier des violettes
Le Suin au trouble gué des dimanches


mardi 6 février 2007

Les falaises

Je les abordai par le nord.
Je ne savais rien d'elles.
Des rumeurs, certes,
couraient sur leur compte,
dont j'avais retenu
quelques bribes.
Mais les brouillards
qui flottaient
quasiment en permanence
sur ces régions
ne permettaient pas
d'en avoir
le coeur net.

samedi 3 février 2007

Pour en finir avec les blogs

Je suis son site perso depuis longtemps, très régulièrement, même si tout ne m'intéresse pas. Il annonce aujourd'hui son départ, son désir de passer à autre chose, et critique longuement cette blogosphère qui l'a déçu et dont il ne donne pas cher de l'avenir. Je parle ici de Jean-Claude Bourdais. J'en parle aussi, par delà l'intérêt de son propos, parce qu'il cite Walter Benjamin :

"Quand je pense que Walter Benjamin avait déjà tout compris sur le fantasme du Progrès et de la technologie et à quoi il conduirait !
Retour à Angelus novus de Paul Klee, image de l'ange déchu pour Walter Benjamin (...)".

Sans doute avait-il trop espéré dans ce nouveau média, trop négligé les anciennes formes de son travail artistique, trop pensé que la solitude allait être jugulée par le réseau alors qu'elle ne l'a rendue que plus éclatante encore. Il se retire comme un amant écœuré d'avoir cru en un amour qu'il sait maintenant impossible. Mais il alerte justement sur les dangers de se recroqueviller sur soi, sur sa machine, au point d'en oublier les proches, les vivants là tout à côté.
Je ne suis pas indemne de ce danger, j'ai essuyé aussi des reproches, souvent justifiés. J'ai passé bien des heures de nuit devant ces pages, dans la fascinante recherche de l'inconnu, et je continuerai certainement, mais je veux aussi échanger de peau à peau, dans la caresse et le baiser, entendre le grain des voix et me frotter à la matière, arpenter toujours les plateaux de théâtre ou de vent et tracer des mots avec l'encre des stylos qui parfois fuient sous vos doigts. Je veux être capable de débrancher, de couper le courant, être capable de me mettre à l'écart, en dehors de l'actualité, intouchable, inaccessible.
Ici, je suis encore seul. Dans l'ouvert. Mais toujours pas pressé de voir surgir le visiteur. La trouille même de l'irruption grossière (il y a eu déjà ces deux commentaires anglo-saxons, sans aucune personnalité, que j'ai supprimé illico). Pourtant je ne veux pas modérer, je cours le risque, confiant aussi (pour une part seulement, car j'ai l' anxiété vissée au corps) dans les itinéraires des anges.