lundi 18 juin 2018

4-4-2 losange : Dürer numéro 10

Je suis bien obligé de le reconnaître : le losange m'obsède, le losange me soucie au-delà du raisonnable, mais comment m'en prémunir alors qu'il me poursuit partout. Je ne plaisante pas : délaissant mes chères études, je regarde un match de la coupe du monde, et voilà que le commentateur parle du jeu en losange. Le 4-4-2 losange. Nom d'un chien, je ne connaissais pas, aucun coach, aucun de ces spécialistes du ballon rond qui pullulent le long des mains courantes ne m'en avait touché un mot. Fi donc de ces losers du losange, je me suis renseigné :
" (...) Le 4-4-2 losange tel qu'appliqué aujourd'hui valide donc l'évolution tactique du rôle des arrières latéraux, entamée depuis l'éclosion de Roberto Carlos. "Maintenant, ils doivent remplir des rôles physiques comme techniques, relève Omar Da Fonseca. Ils font de longues courses, des répétitions d'efforts, et on leur demande aussi d'être techniques, parce qu'ils se retrouvent souvent dans le camp adverse. Il doivent savoir centrer." Et parfois même marquer. Autre poste concerné: le milieu de terrain, de moins en moins unidimensionnel. La séparation est de plus en plus floue entre le "destructeur" et le "créateur". "Dans un losange, le volume de jeu des trois milieux derrière le numéro 10 est hyper important, indique Omar Da Fonseca. Ils sont obligés de couvrir énormément de zones. Mais les trois ne peuvent pas être que des coureurs à pied."
Allez, je vous mets même une vidéo :


Et puis (dois-je avouer que je n'ai pas regardé cette vidéo jusqu'au bout ?), je suis revenu à mes losanges à moi, ces trois macles de l'article précédent, dont j'avais relevé après coup les similitudes sur les pointes supérieures et inférieures.


Cela me souffla l'idée que ces losanges pouvaient se replier sur eux-mêmes en faisant coïncider les sommets, et donc passer de la surface au volume, réalisant en somme ce polyèdre composé de six losanges qui se nomme un rhomboèdre (du grec rhombos, qui a donné rhombe, synonyme vieilli de losange - Le CNRTL donne l'exemple suivant tiré de la Vie des Abeilles de Maeterlinck (1901, p. 135) : "Chacun des trois rhombes ou losanges qui constituent la base pyramidale d'une cellule de l'avers forme en même temps la base également pyramidale de trois cellules du revers. C'est dans ces tubes prismatiques qu'est emmagasiné le miel." Citation curieusement proche de celle que je fis de Thomas Browne, l'écrivain anglais au principe des Anneaux de Saturne de Sebald, citation dont je fis un statut sur FB : "(...) les Rayons de miel des Abeilles sont eux-mêmes d'une telle régularité que leurs intersections mutuelles dessinent trois Losanges au fond de chaque Cellule"(Le Jardin de Cyrus, p. 46).)

En somme, le rhomboèdre est une sorte de cube penché. Il a une grande importance en cristallographie, où nombre de systèmes cristallins sont de forme rhomboédrique. Viollet-le-Duc, après son voyage dans les Alpes, publia en 1876 une étude sur le massif du Mont Blanc et sa constitution géologique, mettant en évidence un système rhomboédrique :


Je ne sais plus ensuite par quel jeu de connexions diverses et variées, je fus conduit à observer que le polyèdre qui se trouve sur la gauche de la gravure Melencolia I de Dürer n'est autre qu'un rhomboèdre tronqué.

C'est ainsi que je découvris la passionnante étude du peintre Yvo Jacquier, puis le formidable site de Philippe Bousquet, Artifex in opere, et là je dois dire que c'est un peu plus compliqué que le 4-4-2 losange, et qu'il va me falloir un peu de temps pour prendre la mesure de tout cela.

Rhomboèdre reconstruit (Artifex in opere)


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