Tout est contenu dans le mot "trace"Rappelons rapidement qu'un palindrome, du grec πάλιν / pálin (« en arrière ») et δρόμος / drómos (« chemin, voie »), est un mot (par exemple, kayak), ou un groupe de mots, une phrase (par exemple, Ésope reste ici et se repose) qui peuvent se lire dans les deux sens, aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche. Le plus long palindrome français, comportant 5566 lettres, a été écrit par Georges Perec en 1969. Ce Grand Palindrome commence en effet par Trace l'inégal palindrome. Neige. Bagatelle, dira Hercule. Le brut repentir, cet écrit né Perec. L'arc lu pèse trop, lis à vice-versa. Perte. Cerise d (où l'on voit que Perec a tenu à s'inscrire lui-même dans le texte, ainsi que la contrainte : lire à vice-versa), pour aboutir à Désire ce trépas rêvé : Ci va ! S'il porte, sépulcral, ce repentir, cet écrit ne perturbe le lucre : Haridelle, ta gabegie ne mord ni la plage ni l'écart.
Perec ne renierait pas, avec son Grand Palindrome qui part de
Trace l'inégal palindrome...
pour finir sur
...ne mord ni la plage ni l'écart.
Chez Damasio ça part du mot caret, qui est aussi en anglais le signe ^. J'ai fait un parallèle entre Perec et Queen, où on trouve l'écart d'un "^" sur une carte.
Dans ce chant du signe de Queen, on trouve une Claire, un Samson Dark, un Walter Carlo...
Sur la notice Palindrome de Wikipédia, on notera que parmi les nombreux exemples cités se trouve un palindrome d'Alain Damasio tiré de son opus précédent, La Horde du Contrevent :
« Engage le jeu que je le gagne ».
Si l'on se rend maintenant sur l'article mis en lien sur "ce chant du signe de Queen", on arrive sur La polygraphie du chameau du site Perecqation. Je n'en retracerai pas le détail ni même tenterai un résumé, n'ayant jamais lu l'auteur, Ellery Queen, et donc son polar originellement paru en 1958, The finishing stroke. Je me contenterai de pointer simplement ce passage :
"Enfin la coquille est particulièrement significative en français, surtout en français perecquien, car le nom anglais de ce signe objet d’un « écart » sur la « carte » est « caret ». TRACE et ECART pourraient être les deux mamelles de l’écriture perecquienne"Nous retrouvons ici quatre des six anagrammes analysées par le philosophe Varech dans Les Furtifs. La coquille, elle, fait ici référence à une différence entre l'édition américaine et l'édition française, en ce qui concerne certaines cartes essentielles à l'intrigue :
"Lors d’une réunion d’invités très (agatha-)christienne à Christmas dans un manoir isolé, le jeune poète John en l’honneur duquel la fête est organisée reçoit chaque soir un étrange présent, un ou plusieurs objets accompagnés d’une carte portant un couplet parodiant la comptine des douze jours de Noël, avec parfois au dos de la carte un dessin schématisant les cadeaux offerts. Le douzième soir le cadeau est un poignard planté entre les épaules du destinataire…"Ces cartes correspondent aux pictogrammes de l’alphabet acrophonique phénicien, de A jusqu’à Z ou d’Aleph jusqu’à Zayin, du bœuf jusqu’au poignard. Les trois lettres ici représentées sont aleph (le boeuf, ox), beth (la maison), et gimel (le chameau).
Édition originale |
Édition française |
Ce ^ intervient dans la correspondance de Perec avec Jacques Lederer. Rémi Schulz :
Le 27/12/06 j’ai lu le Portrait(s) de Georges Perec brossé par Paulette Perec, et j’y ai particulièrement remarqué une phrase : « Parmi les facéties qui émaillent les lettres qu’il adresse à Jacques Lederer, notons l’invention d’un signe typographique (^ ^) qui représente, dit-il, le jeu de cils particulier à Groucho et dont il ponctue sa correspondance (…) » (lettre 179 du 22/09/59)
Une dernière curiosité : j'avais imprimé l'article de Rémi Schulz et le relisai une nouvelle fois dans le Lieu tranquille cher à Peter Handke lorsque je m'aperçus (je n'étais pas chez moi) qu'un petit carnet était posé par terre (j'avais presque marché dessus). Il s'agissait d'un petit opuscule de la marque Veja. Son symbole percutait directement mon enquête :
3 commentaires:
Engage le jeu que je le gagne, il me semble que c'est vieux comme Hérode, ou au moins comme le jeu de Nim.
Depuis Perec, on a fait un peu mieux, avec le roman Sorel Eros en 10001 lettres, dont quelques exemplaires autoédités traînent çà et là...
Un chef d'oeuvre à mon sens est Lieu cerné en recueil, centré sur ce bijou:
Pactes nés en gag, et arts
à miroir. Palindrome borné,
lieu cerné, île. L'errant idem
inutile se rime. Servi, l'écho
n'aide ; mu de rage, me trace tel fer
dialectes ou duos. Et ce laid
reflet écarté m'égare du médian.
Oh, ce livre se mire, se lit uni,
me dit : -- « Narre le lien ! Recueil
enrobé mord ! » Nil ? A priori, ma
strate gagne sens et cap.
Merci, Rémi, pour ces précisions.
Il va falloir sérieusement amender la notice wikipédienne sur le palindrome...
J'ai emprunté La horde du contrevent de Damasio, et vu que les 22 membres de la horde y sont aussi représentés par des signes typo, avec le caret ^ pour l'autoursier, oiselier-chasseur.
Bon, ça me semble trop complexe pour que je m'y engage, j'aurais pu faire un effort pour l'auteur de Engage le jeu que je le gagne, mais il m'a été facile de vérifier que ce palindrome était bien antérieur à Damasio.
Enregistrer un commentaire