à peine avons-nous frôlé ce monde étroit
que le souffle trouble du soir qui se penche
nous aura dérobé l'âme du dimanche
Ce dimanche, jour de la fête des mères, jour des 25% du FN, j'apprends que Jean-Claude Pirotte est mort. Comme ma mère, il était né en 1939, avec la guerre. Il est probable que peu connaissent Jean-Claude Pirotte, écrivain, poète, peintre, et belge en plus, dont aucun best-seller n'encombre la bibliographie, qui n'est pourtant pas mince. Si je suis triste aujourd'hui, c'est qu'il faisait partie de ces artistes attachants qu'on aurait aimé rencontrer.
Il est des écrivains bourrés de talent, qu'on admire mais qui ne nous touchent pas. Pirotte, avec sa vie en lambeaux, sa vie d'exilé, sa vie de cavale, nous émeut comme un vieux pote qui nous ferait des confidences au fond d'un bistro. Nous dirait sa vie, avec des mots qui glissent comme des feuilles mortes au vent des pavés, en n'oubliant pas de nous remettre ça, le vin qui valse dans les petits verres à pied, avec la mélancolie et la drôlerie qui vont bras dessus bras dessous.
Alors oui, Pirotte, je m'aperçois qu'il a croisé souvent ma route de lecteur heureux (je reprends l'expression à un autre écrivain magnifique, méconnu, un suisse cette fois, Georges Piroué, dont je lis par petits bouts les Mémoires d'un lecteur heureux). Tous les sites, blogs où j'ai laissé trace, portent son empreinte, que ce soit sur le site des Tasons, où il était légitime qu'il fût : dans La légende des petits matins (Manya 1990), rapporte Macha Séry dans son article du Monde, il faisait l'éloge de la paresse « limogeage consenti », consacrant « un état de vacuité redoutable, que seule une élite rarissime supporte sans terreur », ou bien sur ce propre site, Alluvions, en 2008, avec Roger Caillois, ou en 2009 avec Philippe Jaccottet et Tomas Tranströmer. Et même Robin Plackert l'a cité en 2007, en évoquant Saint-Genou et la vieille accoucheuse de Gargamelle.
Quelques mots encore du poète, que j'ai retrouvés aujourd'hui dans Plis perdus, acheté d'occase à la foire du Livre d'Angles-sur-Anglin, le 12 août 2006, et où l'on retrouve cette Loire qui m'occupe si fort en ce mois de mai :
Promenade le long de la Loire, de Blois à Amboise, d'Amboise à Chinon et à Saumur, trop courte hélas, dans la lumière douce-amère de novembre, avec le poids douloureux, et qu'il faut taire, des vieux souvenirs, et mes vertiges qui sont comme le chant sourd du memento mori.
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