mardi 18 juillet 2017

# 170/313 - Les seaux de l'eau de là

Je profite du retour du fil tarkovskien pour placer une chronique qui jusqu'à présent ne trouvait pas sa place dans l'itinéraire emprunté. Le 16 mai 2017, j'ai consacré un article au seau et à la cloche, deux choses essentielles apparues dans L'enfance d'Ivan, le premier grand film de Tarkovski.
Or, le mois précédent, j'étais allé avec les enfants visiter Muet tintamarre, l'exposition consacrée à Daniel Nadaud, au Musée Saint-Roch d'Issoudun.
Je n'ai pas réalisé tout de suite les connexions qui me semblent maintenant évidentes entre l'article et certains éléments de l'exposition de Nadaud., confirmées par la lecture de son recueil de textes d'atelier, Sur un fil (Diabase, 2012).
Le seau, ce si trivial outil du quotidien, est bel et bien transfiguré par le travail du plasticien. Il en parle dans son texte Ici les seaux de l'eau de là :
"A ce monde discret, que l'on ne regarde pas, je veux mêler l'eau, si vitale sur la terre algérienne. L'âne tire le seau du puits creusé dans le sable du M'Zab, il braie énergiquement, semble grincer à l'unisson de la poulie. Le seau passe de main en main. L'homme et l'animal se fondent sous le soleil écrasant.
Si possible je souhaite donner au seau une richesse décalée, porcelaine parmi le plastique et l'acier galvanisé, en glisser quelques-uns, fragiles et magnifiés par l'éclairage intérieur. Les réunir et les transporter sur un chariot de fortune, seaux précieux qui ne contiendront pas une goutte d'eau."(p.77)
L'artiste présentant ses seaux à Issoudun
Mais la cloche aussi a voix au chapitre. Gilbert Lascault, dans un article pour la revue en ligne En attendant Nadeau, écrit qu'en 2002, Nadaud "est passionné par les cloches et les « clauchemars ». Circulent le vif et la mort, la chair et les squelettes, l’éros et la camarde, les crânes qui tintinnabulent, un grelot fêlé, les fusées, les navires, les tanks, une scie qui tranche le bronze et le fracasse. En un jeu macabre, les dés sont pipés.
Une chanson, Dans les prisons de Nantes (XVIIe siècle), évoque un prisonnier que la fille du geôlier a libéré : « Le prisonnier alerte / Dans la Loire a sauté. / Tout’es les cloches de Nantes / se mirent à sonner // Ah ! vivent viv’nt les filles / Qui sont à marier ! » Les cloches sonnent contre la mort, pour la liberté, pour l’amour."

Une des installations campanaires de Daniel Nadaud
 Les deux lascars ont d'ailleurs commis un livre ensemble autour du thème de la cloche.


2 commentaires:

Unknown a dit…

Bien merci pour votre attention, très sensible aux relations que vous construisez et la pertinence de votre regard quant à mes facéties!
Bien cordialement

Daniel Nadaud

Patrick Bléron a dit…

Merci pour votre passage ici, qui me touche beaucoup.
J'espère retrouver bientôt d'autres facettes de vos facéties.
Bien à vous,