"Le village de Nesmes, situé dans le prolongement de la Luzeraize, sur les rives de l'Allemette, en aval de Château-Guillaume, ne serait-il pas le souvenir d'un ancien nemeton ?"
Cette hypothèse, posée par Plackert en 2005, fut plus tard corroborée par Stéphane Gendron, dont le premier ne connaissait pas alors les travaux, et qui analyse Nesmes comme issu du gaulois "*nemausos, composé de *nem- "ciel" (dans nemeton "sanctuaire") + suff. -ausos (DOTTIN 1920 : 67 ; DELAMARRE, 2003 : 197-8). Le sens a pu être "sanctuaire". De nombreux coffres funéraires ont été découverts à Nesmes et surtout près de Laleuf, rive droite de l'Allemette. Enfin, un paysan découvrit, en 1864, une statuette de type Cernunnos (identification incertaine) "dans une brande près de Bélâbre". Malheureusement cette statuette est perdue (connue par une lithographie) et on ne connaît pas sa provenance exacte." (Les Noms de Lieux de l'Indre, 2004, p. 6)
Plackert ne s'arrêtait pas en si bon chemin : considérant la forme de la forêt de la Luzeraize, un long croissant étroit traversé longitudinalement par une très longue allée, il constatait qu'en prolongeant en imagination la courbe de cette allée, on atteignait Nesmes avant de replonger dans la sylve du Bois de Paillet. Nesmes apparaissait comme une clairière entre deux massifs forestiers.
"La tentation est grande, écrit-il, de tracer le cercle esquissé par la Luzeraize. Je propose de prendre pour centre le point de croisement entre l'axe équinoxial (le parallèle de Neuvy Saint-Sépulchre) et la route Bélâbre-Ruffec (ce dernier village abritait un prieuré fondé au milieu du 9ème par Raymond, vicomte de Limoges et comte de Toulouse). Ce centre est très proche d'un étang nommé Etang de la Rouère, que je m'empresse bien sûr de lire comme l'étang de la Roue... D'autant plus que dans la direction de l'étang par rapport à ce centre se profile très précisément le lieu-dit La Rouère. "
Mais pourquoi une Roue en ce pays bélâbrais ? Rappelons qu'étymologiquement le Zodiaque est la roue de la vie. Mais poursuivons le thème celtique, puisque nous sommes entrés ici en s'interrogeant sur le sanctuaire, le nemeton : la roue apparait en effet comme une figure très fréquente dans l'iconographie celtique. On la découvre le plus souvent "dans les sculptures gallo-romaines en compagnie du Jupiter celtique, communément appelé dieu à la roue ou Taranis, ou encore du cavalier au géant anguipède"(Dictionnaire des Symboles, p.828).
Taranis (Musée de Copenhague). Détail du chaudron de Gundestrup |
Tout se passe donc comme si les Bituriges avaient voulu en ce point très précis de leur territoire fonder un nemeton qui soit la réplique du grand nemeton carnute qui rassemblait chaque année les druides de toute la Gaule. Un autre indice est la présence au cœur de la roue de l'église de Jovard, près de Bélâbre. Je ne suis pas le premier à lire ce nom de Jovard comme une dérivation de Jovis (Jupiter en latin)."C'est autour de lui que se regroupent les divinités de Vienne-en-Val. C'est la seule civitas du Val de Loire où l'on rencontre des dédicaces à I.O.M [Iupiter Optimus Maximus], et où il est associé au culte impérial (à Orléans et à Vienne-en-Val). Le département du Loiret est également le seul où l'on ait trouvé tant des statuettes en bronze que des bagues représentant Jupiter, que le symbole de la roue et surtout un groupe au cavalier et à l'hippophore. Il semble donc que l'on puisse écrire que Jupiter occupe le principal rôle dans le panthéon carnute."
Une monographie sur Bélâbre écrite par Maxime-Jules Berry (Royer, 1992, archives d'histoire locale), découverte postérieurement au premier article de Robin Plackert en 2005, signalait qu'"A
la limite des paroisses de Ruffec et de Bélâbre, aux environs du
Grand-Tremble, un lieu-dit porte encore le nom de Pilory : c'est là sans
doute qu'était installé autrefois le poteau où l'on exposait les
coupables condamnés par la justice des seigneurs de Bélâbre, comme
s'élevait celui de la justice du Blanc, au point où le chemin de Bélâbre
à cette ville rencontrant celui venant de Romefort (vers
Bélivier)." Or, c'est à cet endroit qu'est situé le centre de la Roue
de Nesmes. Le pilori portait comme le souvenir du poteau central, de l'axis mundi du sanctuaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire