La déambulation, débutée avec les phrases tonnantes de l'Apocalypse, a bravé samedi à Lignac les épanchements du ciel. Quant le plafond noir a crevé, il était heureusement l'heure d'entrer dans l'église Saint-Christophe, où une curieuse cérémonie devait avoir lieu. Confettis et brass band saluèrent la sortie du temple ; un assassinat plus tard, la foule était conviée à la salle des fêtes pour clôturer la soirée autour d'un buffet.
J'avais eu deux rôles dans cette histoire un rien foutraque : celui du maire, ceint de son écharpe tricolore, et haranguant du premier étage de l'hôtel de ville le duo de personnages, sortis d'une cave obscure de l'Histoire, en quête d'une énigmatique dulcinée, et surtout celui d'un sbire, à la tête dissimulée par un effrayant masque de latex et armé d'un lourd maillet de bois, qui n'avait de cesse, bien sûr, de terroriser gentiment les pauvres pèlerins de cette marche crépusculaire.
Le hasard m'avait donc conduit à Lignac. Je ne peux en repartir sans m'attarder sur le génie du lieu. Penchons-nous un instant sur le nom même : Stéphane Gendron relève des formes Laygnac, 1252, et Leignac, 1551, 1629, et donne comme étymologie le nom propre Latinius + acum. Ou bien une dérivation du celtique *lan- "plaine". Cette dernière hypothèse ne me paraît pas pouvoir être retenue : le relief de la commune n'a rien à voir avec une plaine. Quant à la première, pourquoi pas, mais sur quelle trace tangible s'appuie-t-elle ?
Robin Plackert a relevé en 2005 un alignement de Lignac avec Liglet, dans la Vienne, et Lignat, en Creuse, signalant que l'ancien français leigne, issu du latin lignum, désignait le bois. L'alignement semble s'originer au village de Béthines. Or ce dernier nom véhicule des valeurs indéniables de commencement. Le Beth, qui signifie "maison" en hébreu, se trouve à la racine de Bethléem, littéralement, "la maison du pain", lieu de naissance du Christ, et avant lui du roi David.
Étymologie hébraïque qui sera reprise par Bernard de Clairvaux dans une visée chrétienne : Jésus (né à Bethléem) deviendra le Pain vivant descendu du Ciel.
Le Bèt est aussi la deuxième lettre de l'alphabet, qui devient le bêta grec et le B de notre alphabet actuel. Mais c'est également la première lettre de la Thora, qui commence par בְּרֵאשִׁית (Berèshit, « au commencement »).
Notons que nous sommes dans le secteur Bélier du zodiaque de Neuvy Saint-Sépulchre, c'est-à-dire dans le premier signe dans l'ordre traditionnel des signes du zodiaque. Premier signe car vecteur du printemps (le primus tempus), saison où la lumière ne cesse de gagner sur l'ombre et la dépasse en durée.
Le parallèle de Béthines n'est pas non plus anodin : il rencontre d'abord le village de Bélâbre, cité en 1372 comme "Chastel de Belarbre, sis en Guyenne". Ce Belarbre, que Plackert propose de lire comme l'arbre de Bel, ou Bélénos, l'Apollon gaulois, dont la nature est parfaitement cohérente avec ce qui a été développé jusqu'ici : "Belenus,
honoré en Illyrie et en Italie du Nord plus souvent qu'en Gaule porte
un nom celtique qui peut désigner l'éclat du soleil qui voit tout et
guérit." (Paul-Marie Duval, Les dieux de la Gaule, Payot, 1976)
Dans un second temps, l'axe de Béthines traverse le village de Luzeret. Qui nous examinerons dans la prochaine chronique car il en mérite bien une à lui tout seul.
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