mardi 20 avril 2021

Solo Andata

Mardi dernier, je suis allé dans la grande zone commerciale de Châteauroux qui s'appelle Cap Sud. On la traverse en effet pour se rendre dans le sud du département, ma partie favorite, le bocage du Boischaut, la vallée de la Creuse, les contreforts du Massif central. Une course banale me menait là, mais je suis passé tout de même par Cultura, qui a ancré là son paquebot. J'en suis ressorti avec un seul livre, un Erri de Luca chez Poésie/Gallimard.

 

Ce n'est qu'au retour à la maison que je me suis avisé que le titre du recueil faisait écho au roman de Peter Handke que j'étais en train de lire, et que je mentionne dans un article récent. Le titre entier du livre n'est autre que La voleuse de fruits ou Aller simple à l'intérieur du pays.


Au-delà de cette rencontre de titres, je me suis posé tout de suite la question de savoir s'il existait un lien plus profond entre les deux œuvres. 

Dans Aller simple (Solo Andata), Erri de Luca évoque "l’épopée tragique des migrants qui tentent de rejoindre le sol italien et le destin des désespérés qui affrontent la violence de la mer et de l’indifférence" (présentation de l'éditeur).

Mireille Calle-Gruber a donné au site Poezibao de Florence Trocmé un essai sur ce dernier roman de Handke, intitulé Récit épique des temps nouveaux. Où l'on peut trouver ce passage :

"Le récit est une chambre d’échos où chaque morceau lu fait entrer en vibration beaucoup d’autres morceaux du texte, loin en amont ou en aval. En l’occurrence, il y a, primordiale, une page sur la faim (p. 58) qui pose d’entrée tout l’arc des significations – page d’une prégnante intensité, attentive aux sans-famille et laissés-pour-compte où le narrateur « voit » les invisibles :


« il émanait des visages de ces Jean-Jacques-Louis-sans-pays, tout proches de moi maintenant, quelque chose dont toute réalité avait été ôtée par le cinéma, la télévision et la photographie. Ce ‘‘quelque chose’’ s’appelait ‘‘la faim’’. […] Mais comme elle devenait réelle ici, elle qui, à force d’être photographiée du tiers au sixième monde, avait été reléguée dans le non-monde. C’était la faim maintenant ! – pas dans un tiers-monde mais ici dans le premier. Les milliers et milliers d’hommes sur les trottoirs de Paris, avec leurs écriteaux en carton où on lisait «
J’ai faim ! », je ne pouvais plus les croire. Cette faim muette, là maintenant, était une réalité. […] C’était la faim « faim », une faim sans limite vibrait là. Cet homme avait faim, et pas seulement depuis ce matin. Et était-il possible de l’aider ? Pour cet instant, oui. Que vive l’instant ! – Et il vit. » (p. 58)"

D'autres échos se sont précipités ce soir avec la lecture du Matthieu de Denis Guénoun. J'y reviendrai bientôt.


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