jeudi 17 septembre 2020

Le rêve de crue et de Cahus

A Jackie,

La Petite Creuse à Fresselines

Au matin du 8 septembre dernier
, je m'éveillai d'un rêve particulièrement saisissant. Alors que plusieurs semaines s'étaient passées sans aucun songe remarquable - toutes les bribes de rêves se diluant presque instantanément au réveil -, celui-ci resta fortement imprimé, bien que je ne parvinsse pas à le restituer dans son entièreté tellement sa matière était riche et complexe. Je le nommai rêve de la crue. Parce que l'image centrale est celle d'une crue, mais cette crue est étrange car elle eut lieu sur une place que dans le rêve je situai à Aigurande, mais qui était bien plutôt la place du Marché à La Châtre. J'étais sur le haut de la place, et je voyais l'eau déferler sur la pente, non pas en torrents mais comme une inondation lente et continue, et tout à coup il y eut une sorte d'îlot, surmonté d'un arbre, qui glissa à la surface des eaux, et vint percuter une maison du côté droit de la place. Je sortais alors avec un ami, H., nous avions de l'eau jusqu'aux genoux et nous rejoignâmes une maison de l'autre côté de la rue. Commença alors une déambulation, de maison en maison, car elles paraissaient toutes interconnectées, un vrai labyrinthe jusqu'à notre arrivée dans une maison appartenant à quelqu'un que je connaissais (je ne sais pas qui au juste, mais c'est la présence de deux livres qui me donna cette certitude). Dès lors, je décidai de ne plus bouger de cet endroit. Une sensation d'étrangeté ne me quitta pas tout au long de cette exploration, mais il n'y avait pas d'angoisse.

Je n'avais aucune sorte d'explication à ce rêve, que j'eus besoin de raconter (ce qui ne m'arrive pas si souvent). 

En consultant ce matin-là ma messagerie, je fus surpris de voir que j'avais reçu, à 6 h 39 exactement, c'est-à-dire au moment même de mon rêve de crue, un mail du site Academia avec un pdf intitulé "Le rêve de Cahus : une histoire de pieds et de bottes." Dont l'auteure était Karin Ueltschi-Courchinoux,  professeur à l'université de Reims Champagne-Ardenne. Cette étude fut présentée au XXIIIème Congrès triennal de la Société Internationale Arthurienne, du 25-30 juillet 2011, Bristol, dans le cadre du thème n° 6 : « le surnaturel et la spiritualité dans la littérature arthurienne ». L'étrange n'était pas seulement le fait qu'un rêve soit l'élément central de ce document, en synchronicité donc avec mon propre rêve, mais c'était aussi que Karin Ueltschi était au coeur de la dernière diapositive d'un diaporama que j'avais prévu de montrer (et que je montrai effectivement) lors de mon cours ce matin-là sur l'orthographe, à travers cette citation dont j'ai oublié aujourd'hui la source :"On n'a jamais pu se mettre d'accord sur la fonction de l'orthographe. Doit-elle rendre compte de la phonétique, de l'étymologie, de la grammaire ? Cette  indécision produit des collisions formidables." 


Je reviendrai ultérieurement sur ce rêve de Cahus, qui constitue, selon Karin Ueltschi, la porte d'entrée du Perlesvaus, autrement dit le Haut Livre du Graal, écrit en  français au XIIIe siècle, et qui est le remaniement en prose du Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Je veux noter auparavant un troisième fait, une troisième collision "rêveuse". Ce même matin du 8 septembre, sur la partie latérale d'Alluvions, je vois que sur la revue en ligne Diacritik est paru un entretien de Pierre Guéry avec l'écrivain belge Patrick Lowie. Dont voici l'en-tête :


Pierre Guéry écrit :

 "En décembre 2013, à la sortie de son livre Amaroli Miracoli aux éditions Maelström, Patrick Lowie annonce à la RTBF qu’il s’agit du début d’une série littéraire de quarante épisodes accompagnée de performances musicales, intitulée Les chroniques de Mapuetos et jalonnée de nombreux récits de rêves. Elle est censée avoir été écrite par un certain Marceau Ivréa, qu’il prétend avoir découvert et dont il aurait recomposé le travail disparate. Dans la fiction littéraire de Lowie, Marceau Ivréa est présenté comme un écrivain belgo-italien retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Saint-Gilles en Belgique, auteur de milliers de pages retrouvées dans une chambre du Grand Hôtel Liégeois de Bruxelles.

Depuis 2016, il écrit des portraits oniriques de personnalités sur le site Next-F9.com, portraits dans lesquels ce nom étrange de Mapuetos revient souvent…
Drôle d’histoire à tiroirs.

Entretien avec un bricoleur de rêves."

Encore une fois, je reviendrai sur cette oeuvre singulière (dont je ne connaissais rien avant ce matin). A ce stade, je voulais juste signaler cette triple occurrence du rêve sur une toute petite période de temps : rêve réalisé, rêve médiéval, rêve contemporain.

Et je voudrais en terminer pour aujourd'hui avec un autre événement : le décès deux jours plus tard, le 10 septembre, à La Châtre, de ma vieille amie de théâtre, Jackie Momot, victime d'une cruelle maladie. Nous étions nombreux à pleurer celle qui était la vie même, grande dame pleine de verve, merveilleuse comédienne, qui disparaît donc très peu de temps après celle qu'elle avait accompagnée avec dévouement pendant si longtemps, Cécile Reims. Et c'est hier, mercredi 16, que nous sommes allés lui rendre un dernier hommage au cimetière de son village natal, La Cellette, dans la Creuse.  

Jackie Momot (Les Misérables 62, Cluis-Dessous)
 

Au retour, nous nous arrêtâmes à La Châtre. La chaleur était encore forte, et la terrasse en contrebas de la place du Marché nous apporta son ombre. La Place du Marché, c'était là le site de mon rêve, je m'en avisai alors, ne sachant pas vraiment quoi en penser.

Vieille croix romane (cimetière de La Cellette -23)

 


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