mardi 31 octobre 2023

Livre/Louvre

Jean-Philippe Toussaint n'est pas seulement écrivain, il est aussi photographe, cinéaste et plasticien. En rangeant la bibliothèque la semaine dernière (l'accumulation de piles de livres un peu partout devenait oppressante), s'est rappelé à mon bon souvenir La main et le regard, Livre/Louvre, opus lié à une exposition organisée à Paris, au musée du Louvre, salle Sully, du 7 mars au 11 juin 2012. Je n'ai pas vu cette expo en question, je n'en fus même jamais informé, mais j'ai déniché le livre à Noz en 2014. Je l'avais alors parcouru mais je n'en avais qu'une vague remembrance. Une sorte d'intuition me porta à y rejeter un regard. Je ne fus pas déçu : j'y retrouvais Dante et la Divine Comédie, décidément attracteur étrange majeur de cet automne. Pascal Torres, le commissaire de l'exposition, écrit dans son texte introductif, écrit en juin 2011 depuis la piazza della Santissima Annunziata de Florence : "Dans un livre qu'on feuillette peu - Comédie qui héberge la source immuable de la littérature occidentale -, Béatrice (celle de Dante) paraît. Botticelli montre la fiancée ultime, nichée dans les étoiles et Virgile à côté de Dante. [...] De ce Livre-clos, Jorge Luis Borges dit : " J'ai imaginé une oeuvre magique, une estampe qui serait aussi un microcosme ; le poème de Dante est cette estampe de dimension universelle."


Dans le texte suivant, un entretien avec Sylvain Bourmeau, Toussaint commente le néon LIVRE/LOUVRE qui donne son titre à l'exposition. Selon lui, il est tout à fait emblématique  et réunit à la fois le concept et la lumière : "Je recherche aussi les mises en relation, les correspondances. Ce qui m'a particulièrement intéressé dans cette exposition, c'est de rapprocher des choses qui ne sont pas nécessairement équivalentes, comme un exemplaire de La Divine Comédie de Dante illustré par Baldini, qui est un des trésors de la collection Rothschild, en contrepoint de neuf tablettes Galaxy Tab 10.1 qui présentent la traduction du chant 3 de L'Enfer en plusieurs langues."


Chant trois de l'Enfer : Virgile et Dante aux portes de l'Enfer
BALDINI Baccio, L 58 LR/5 Recto, Département des Arts graphiques

A la fin du livre, l'auteur revient sur cette association en la replaçant dans le contexte plus large d'une trilogie littéraire :

"Beckett, Borges et Dante sont les trois figures tutélaires de l'exposition. Beckett c'est l'écrivain par excellence. Qui dit livre, pour moi, dit Beckett. Borges représente l'universalité du livre, le côté Babel, les délices du labyrinthe et du savoir infini. Et si Dante a une telle place dans l'exposition, c'est parce qu'un des trésors de la collection Edmond de Rothschild est l'exemplaire de La Comédie illustré par Baccio Baldini d'après les dessins de Botticelli (Dante, La Comédie, col comment di Cristiforo Landino, Florence, 1481). Des liens secrets se sont ainsi tissés entre les différentes parties de l'exposition, qui relient Dante à Beckett, Dante à Delacroix. Dans la vidéo que j'ai réalisée pour l'installation qui décrit le fonctionnement cérébral, j'ai relié les flammes de L'Enfer de Dante aux flammes de La Mort de Sardanapale. Et, en contrepoint de l'incunable de Dante de la collection Edmond de Rothschild, nous proposons avec Patrick Soquet une oeuvre multimédia, L'Enfer, qui consiste en une mosaïque de neuf tablettes électroniques Galaxy Tab 10.1, sur lesquelles défile en neuf langues les texte du chant 3 de L'Enfer, qui finit par s'embraser et disparaître dans les flammes, avant que le texte, renaissant de ses cendres, n'apparaisse à nouveau sur les écrans des tablettes et ne recommence à défiler en boucle à l'infini. Tout se rejoint, Delacroix a peint La Barque de Dante et Beckett n'a cessé de s'inspirer de Dante."
Eugène Delacroix, La Barque de Dante, 1822, Musée du Louvre.

Eugène Delacroix, La Mort de Sardanapale, 1827, Musée du Louvre.




 

Aucun commentaire: