J'avais trouvé sur les étals d'Arcanes (qui vient de quitter son gîte historique rue Grande pour des locaux plus grands rue de la Gare) un volume de poésie de Dominique Fourcade. C'est un nom que j'avais croisé, mais juste un nom, je n'avais jamais rien lu de lui. Mais il y avait ce titre, madgaléniennement. Je ne prise pas plus que ça les adverbes en -ment, mais là il y avait le magdalénien à la racine. J'ai ouvert, feuilleté ici et là, lu quelques bribes. J'ai reposé le livre mais j'y suis revenu, il fallait que je l'emporte.
Et puis il y avait le roman de Nicole Krauss, Forêt obscure, lu en avril 2019. Je l'avais emprunté à la médiathèque, et il avait suscité pas mal de notes et de collisions symboliques, mais une fois encore je n'avais pas pris le temps de les développer. Il se trouve qu'en retournant pour la première fois à Noz après le confinement, j'y ai retrouvé le livre, en solde bien entendu. Et le 3 juillet, j'ai entamé une seconde lecture.
Le lendemain, j'enregistrai donc la coïncidence suivante.
Le premier texte, qui est de Dominique Fourcade, est daté d'août 2011, et il est titré "ça c'est" (pas de majuscules chez Fourcade à part pour les noms propres), et en voici le premier paragraphe :
Le même jour donc, relisant Nicole Kraus, je parviens à la page 45 alors que le personnage principal, Jules Epstein, vient de s'écrouler sur le lit de son appartement new-yorkais, à côté d'une petite Annonciation florentine, seul tableau dont il ne s'est pas encore dépouillé. Il reçoit un coup de téléphone de sa secrétaire, à la recherche du pardessus qu'un Palestinien a emporté par mégarde à l'issue d'une conférence :"c'est arrivé dès mon enfance, et s'est répété maintes fois depuis avec le même sentiment de terreur : ça, c'est l'énormité du battement d'ailes de toutes les forces d'un pigeon qui se jette dans l'air nu, risque inutile et si beau, n'y tenant plus d'une intrusion dont, ayant moi-même, à ce moment de quiétude accomplie, perdu tout sentiment de ma présence, jamais je n'aurais pu penser que je la commettais dans l'été, rappel que le son juste est toujours une surprise totale, et comme une menace perpétuelle de foudre dans la partition dormante, ce dont je ne devrais jamais cesser d'avoir conscience, ou dois-je cesser d'avoir cette conscience, dans les deux cas, c'est mon travail, mon péril dans la zone" (p. 7, c'est moi qui souligne).
"- Allez-y, soupira Epstein. Ça n'a pas d'importance. Je peux attendre.
- Vous êtes sûr ? Je vais encore essayer de téléphoner."
En fait, Epstein n'était pas sûr ; de même que ne l'était pas le lent développement de sa connaissance de soi, durant ces derniers mois, mais ce n'est qu'à l'instant où son assistante posa la question qu'il sentit vraiment le battement d'ailes de la lucidité au-dessus de sa tête. Il n'avait pas envie d'être sûr. Il n'y croyait plus." [C'est moi qui souligne]
Et, devant cette rencontre, ce double battement d'ailes, je pourrais écrire ce qu'écrivit Bernard Chambaz au tout début de son livre sur Jack London, Un autre Eden, une phrase que j'ai déjà retranscrite dans l'article Le retour des méduses :
"Et personne n'y peut rien si j'entends l'écho d'une autre phrase qui me talonne depuis une éternité. "BIENHEUREUX CEUX QUI MARCHENT DANS LE FOUETTEMENT FURIEUX DES AILES DE L'ANGE." Celui qui a réussi à ramasser en si peu de mots la quintessence de nos vies, celui-là peut vivre en paix." (p. 15)Celui-ci, notai-je ensuite, s'appelle Jean Giono, dont la phrase est tirée de Pour saluer Melville, "qui aura été, précise Chambaz dans son après-propos, s'il faut citer ses sources, mon motif et la puissance tutélaire sous laquelle j'aimerais me placer."
Je n'irai pas plus loin, en ce 800ème article publié sur Alluvions.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire