Sur l'article précédent, Mor'Vran (la mer des corbeaux), Rémi Shulz a déposé un court commentaire :
"morvran, c'est aussi le cormoran, apparu dans une "plus-que-coïncidence" chez Robert Graves, voir ici."
C'est bref, on pourrait passer outre, ne s'agit-il pas d'un détail sans grande importance ? On aurait bien tort de le penser. Cet ici nous renvoie à un article de Quaternité, publié le 31 août 2009, Des blancs et des noirs. Le grand écrivain anglais Robert Graves (1895 -1985), à vrai dire peu connu et peu traduit en France, y est évoqué à travers un de ses livres majeurs, La Déesse blanche, sous-titré Un mythe poétique expliqué par l'histoire (1948).
Éditions du Rocher, 1979. |
Reportons-nous maintenant au texte de Rémi. Je vais directement au passage qui nous intéresse particulièrement :
"Une dernière coïncidence est effarante, bien qu'il soit encore nécessaire d'en écourter la présentation. A la base de La Déesse blanche, il y a des séries d'énigmes posées dans des poèmes gallois, dont Graves a imaginé les solutions décrire un alphabet secret... [...]
Une autre énigme du Hanes Taliesin est
J'ai été barde harpiste à Lleon de Lochlinet la réponse qu'y donne Graves est Morvran (c'est le nom gaélique du cormoran, et c'est aussi un personnage mythologique).
Je n'essaierai pas de donner l'explication de Graves, qui me reste impénétrable, et ne ferai que résumer cette séquence ahurissante :
- 1996: Une lecture d'une nouvelle de Leblanc me fait découvrir le jeu N-AMOR.
- 1998: Je désire magnifier le jeu dans un Novel Roman écrit par Noël Navrom, alter ego de Morvan Léon, ignorant qu'il paraît cette année-là un roman avec le personnage Noël Morvan.
- 2009: Je découvre ce roman de Janine Boissard grâce à une erreur d'un programme télé, touchant un film où le mot BHMA me fait lire La déesse blanche, où une énigme à base de LLEON aurait pour réponse MORVRAN." [C'est moi qui souligne]
Il se trouve que je suis en possession depuis l'année 1980 de La Déesse blanche de Robert Graves. Livre foisonnant, prodigieusement érudit, dont l'ambition, que d'aucuns jugèrent démesurée, est de retrouver le langage d'un mythe poétique plongeant ses racines jusque dans le paléolithique, en l'honneur d'une déesse-lune ou d'une muse, langage demeuré celui de la "vraie poésie". J'avoue n'en avoir jamais achevé la lecture, malgré l'espèce de fascination qu'il exerça sur moi à l'époque.
Voici l'extrait sur lequel Rémi s'appuie pour son article. Il se situe à la page 105, dans le chapitre V, L'énigme de Gwion :
"Quand le culte du dieu scandinave Odin, magicien et inventeur des runes, eut été introduit en Irlande, on l'identifia à son homologue Gwydion qui, au IVe siècle av. J.C. avait importé un nouveau système de lettres en Bretagne et qui avait été enrôlé comme fils de Danu ou Dôn. En outre, à en croire la légende, les Danéens étaient arrivés de Grèce en Bretagne en passant par le Danemark auquel ils avaient donné le nom de leur déesse, si bien que, dans l'Irlande médiévale, on confondit Danéens et Danois, les Danois du IXe siècle se voyant, en conséquence, attribuer les monuments de l'âge de bronze. Ainsi "Déon de Lochlin"peut vouloir dire "les Danois de Dublin". Avec un corbeau de mer pour pavillon, ces pirates étaient la terreur des Gallois et, pour les Danois de Dublin, le ménestrel passait probablement pour l'incarnation de ce corbeau de mer, consacré à Odin et croassant sur leurs victimes. S'il en est ainsi, la réponse à l'énigme serait "MORVRAN"("Corbeau de Mer"), fils de Caridwen et l'homme le plus laid du monde selon le Roman de Kilwch et Olwen. Dans les Triades, on lit qu'il avait été le seul rescapé de la bataille de Camlan (une autre des "trois frivoles batailles" de Bretagne) parce que tous l'avaient fui. Il faut l'identifier à Afagddu, fils de Caridwen, dont le Roman de Taliésin proclame la même laideur absolue et que sa mère aurait voulu rendre aussi intelligent qu'il était laid."
Plutôt que "la mer des corbeaux", c'est donc plutôt "corbeau de mer", ou cormoran, qui aurait donc dû traduire le Mor'Vran du film.
Phare de la Jument (Mor'Vran) |
Ceci étant dit, qui n'est pas le plus important, il me faudra revenir sur cette idée de "plus-que-coïncidence" chez Robert Graves, évoqué par Rémi dans son commentaire. Le poète n'en fait mention que dans son post-scriptum, et si j'ai sauté bien des pages, ces dernières feuilles je ne les ai jamais oubliées.
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