lundi 3 octobre 2022

Cristal noir #8 : magdaléniennement

"Mots de la renaissance, du printemps (primus tempus, le premier temps), de l'autre et du recommencement ; quelque chose coule : "la nuit semble ruisseler de voix comme une grotte", image-énigme, car aucune évidence n'existe d'une grotte qui ruissellerait de voix, sinon d'imaginer dans les tréfonds de la terre une cérémonie magdalénienne où le chant des participants irait se répercuter dans les voûtes, enflerait comme une vague et se perdrait dans les diverticules aux gravures encore inaperçues."

Extrait de Cristal noir #5

Quand cet adjectif, magdalénien, est venu spontanément sous ma plume (mais il serait plus juste de dire "sous ma bille", celle du Mitsubishi uniball eye blue dont j'ai usage), aussitôt  a resurgi la figure d'un autre poète, Dominique Fourcade, dont je découvris le 4 juillet 2020, le livre dont le titre est un adverbe inusité, magdaléniennement (sans majuscule, Fourcade ne mettant de majuscules qu'aux noms propres). magdaléniennement (P.O.L) est aussi le dernier texte de l'ouvrage, le plus long aussi, un poème-essai de soixante pages, dont j'extrais le passage suivant :

" (...). le magdalénien, qui est donc le nom de l'une des périodes modernes de l'humanité et qui m'aura marqué d'une façon que je n'ai commencé à comprendre que des années après en avoir fait l'expérience, je n'en reviens pas, je le redis, de sa force d'attraction, encore aujourd'hui il m'emporte. et comme je suis à un moment de ma vie où toutes choses participent du même, je tire un bonheur illicite du rapport qui s'impose avec A la recherche du temps perdu par le biais de la grotte de la Madeleine, abri plutôt, on ne peut faire plus humble, qui a donné son nom de femme à l'époque, comme ça, avec une fidélité laïque, une réussite syllabique inégalée dans le génie de la nomination par des préhistoriens poètes, une femme-période majeure, un produit dérivé en nien, en niennement, un neutre adverbialement beau. temps retrouvé. Proust, ça je le sais, a joué toute sa vie du violon debout devant l'entrée de la grotte trempée de sa mère, tout au plus y aura-t-il mouillé, horrifié en le tenant par le pouce, l'index et le majeur, sa madeleine, entre les lèvres de celle-ci, tandis que moi j'ai pénétré la grotte. Georges Bataille aussi c'est en quoi nous sommes frères." (p. 130-131)
Grotte Chauvet



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