vendredi 13 octobre 2017

# 245/313 - L'immense solitude

Je ne vais pas faire l'inventaire exhaustif de toutes ces petites coïncidences qui se sont immiscées dans le quotidien de ces derniers jours, mais il me semble judicieux, pour la bonne appréhension du phénomène, d'en décrire tout de même une certaine quantité, en restant le plus objectif possible dans cet exercice. Météorologue du hasard, nous en consignons les événements distincts comme l'observateur scientifique enregistre la forme, la direction et la vitesse des nuages. Il me semble que ce fut la position de Paul Kammerer quand il étudia le principe de sérialité.

27/09. Réunion chez moi autour d'un projet théâtral. B. arrive un peu en avance, on en profite pour discuter philosophie (écrivant ceci, je me rends bien compte que cela pourrait apparaître un rien prétentieux, à une époque où il faut éviter plus que tout deux écueils : le Charybde du plouc et le Scylla de l'intello). Simplement, il se trouve que je lui ai prêté récemment Ecce homo, de Nietzsche, et je lui montre alors le merveilleux livre de Frédéric Pajak, L'immense solitude, où le philosophe tient compagnie à Cesare Pavese, tous deux orphelins sous le ciel de Turin (il s'agit en fait du sous-titre).

En lisant le descriptif des éditions Noir sur Blanc (qui ont réédité cet ouvrage initialement paru aux Puf), je m'aperçois (ou plutôt je me remémore) que la coïncidence est aussi très présente dans cette œuvre unique en son genre :
"Cinquième édition, revue et largement augmentée, de ce livre devenu introuvable par lequel Frédéric Pajak avait fait connaître en 1999 un genre nouveau : le récit biographique et autobiographique écrit et dessiné. À première vue, Friedrich Nietzsche et Cesare Pavese n’ont rien en commun. Et pourtant : tous deux sont orphelins de père, tous deux ont grandi dans un entourage exclusivement féminin, tous deux n’ont jamais su se faire aimer d’une femme, tous deux ont eu une vie brève, solitaire et émouvante. Et puis, tous deux ont été inspirés par une ville, Turin, et son atmosphère terriblement « psychique ».
C’est à Turin que Nietzsche perd la raison : il a 44 ans. Et c’est à Turin que Pavese se suicide dans une chambre d’hôtel : il a 42 ans. Le philosophe allemand meurt le 25 août 1900, l’écrivain piémontais un demi-siècle plus tard, à un jour près, le 26 août 1950. En cherchant des rapprochements entre ces deux artistes, ces deux « jusqu’au-boutistes de la mélancolie », l’auteur se glisse dans leur drame, dans les blessures inguérissables de leur enfance. Il fait revivre les événements tragiques qui les ont conduits l’un à la folie, l’autre au suicide.
Ce livre est d’abord une rêverie, une suite de détours et de coïncidences. Les murs de Turin y transpirent. Ils parlent. Il fallait au moins trois cent cinquante dessins pour faire entendre leurs voix. « Ce livre n’est pas une biographie, ni deux biographies, et encore moins une autobiographie. Ce n’est pas un livre d’histoire, ni d’histoires, ce n’est pas un livre de géographie, ce n’est pas un roman et ce n’est pas une bande dessinée. » C’est l’un des maîtres-livres de Frédéric Pajak."
Je ne sais plus vraiment pourquoi, mais je lui ai aussi parlé de Lou-Andréas Salomé et de Rilke. A la fin de la réunion, il est parti avec le Pajak.

Le lendemain, la mère des enfants me demande d'aller chercher Gabriel au gymnase. Pendant le court laps de temps qui m'en sépare, j'entends évoquer à la radio la rencontre de Lou-Andréas Salomé avec Rainer Maria Rilke. Le troisième épisode d'une série de cinq  par le chanteur et écrivain Yves Simon. Sans cet appel, ce petit trajet nocturne, je l'eusse manqué.


(L'évocation de Rilke est à la fin de l'émission, vers la 19ème minute)

Comme la coïncidence relatée hier avec Luigi Cornaro, celle-ci n'est pas reliée (du moins en apparence, restons prudent - il arrive que les connexions surgissent ultérieurement) avec ce que j'appelle le réseau Ravenne. Ce pourquoi je n'en avais pas fait état au moment, me contentant de l'enregistrer. Demain, nous en verrons d'autres.

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