Sept feux, c'est le dernier texte de L'improbable et autres essais, de Yves Bonnefoy, reçu en présent le 28 novembre 1992. Texte autobiographique en sept parties, où le rêve se taille la part du lion. Il y est question d'une sombre ville natale, qui n'est autre que Tours. Et dans cette ville, d'un édifice un millier de fois traversé : la gare, avec ses grandes figures allégoriques. Rêve, association d'idées, train, nuit, et voici l'Italie qui resurgit :
"Je me souviens d'une arrivée à Ravenne, un soir. Quelques enfants se parlaient d'un compartiment à l'autre, ils revenaient d'un collège de Rimini. L'accelerato était en retard, il s'arrêtait encore de longs moments en dehors des gares. Je regardais à travers la vitre où ne se marquait que la pluie. Et je ne savais plus depuis quand avait commencé le voyage, il me semblait qu'il durait depuis des années, zigzaguant dans la nuit des petites lignes, mais aussi bien dans un arrière-pays imprégné d'une présence absolue, bien qu'il ne me montrât dans ses ombres que les rapides lueurs de quelque maison sur les pentes." (p. 337)De ce passage émerge déjà l'arrière-pays, qui donnera le titre de l'un des plus grands essais de Bonnefoy, publié en 1972 chez Skira. Mais je veux surtout pour l'heure insister sur Ravenne et Rimini, qui ouvraient le volume d'essais et ainsi le referment, le bouclent sur lui-même.
Dire aussi qu'une première version de Sept feux a paru dans le numéro 2 de la revue L'Ephémère, en 1967, notre année-phare.
Dire encore qu'après la disparition du poète en 2016, parmi les nombreux hommages qui lui furent rendus, et dont je suis loin d'avoir pris entièrement connaissance, se détacha pour moi celui, superbement éclairant, de Patrick Née, qui lui fut demandé par la revue Place de la Sorbonne qui le publia dans son numéro 7 :
Ce sept, sur lequel l'auteur n'insiste pas - mais pourquoi le consignerait-il avec la plus grande précision s'il ne lui pas accordait pas, même souterrainement, une vraie importance ? - ce sept, dis-je, inscrit dans l'extrémité d'une vie toute dédiée à la Présence, en dehors, il faut le préciser, de toute référence théologique, ce sept enfin n'est-il pas le signe fort d'une acceptation de la structure d'un monde, non pas figé dans la symétrie inaltérable de la pierre, mais figuré dans le mouvement d'une flamme toujours en danger d'être soufflée par le vent ?"Yves Bonnefoy nous a quittés au matin du 1er juillet 2016, peu après l’anniversaire de ses quatre-vingts treize ans qui avait eu lieu sept jours plus tôt. La première chose dont je voudrais faire part en cet hommage, en accord avec les amis proches qui n’en furent pas moins que moi les témoins, c’est à quel point son acheminement vers la mort fut son dernier acte de poésie, qui scella d’un sceau de vérité bouleversante tout ce que l’œuvre écrite n’avait cessé de dire poétiquement, ou de penser réflexivement. (...)
Mais c’est l’acceptation de sa propre mort, sue et vécue pendant ses sept dernières semaines d’existence, qui fit de sa fin de vie son dernier acte de poésie, poésie non écrite mais incarnée, selon la plus grande leçon du surréalisme pour lequel il n’est de poésie que vécue, et dont il fut en ce point l’héritier. Il donna à tous ceux, proches et amis qui l’entourèrent alors, un extraordinaire exemple de savoir vivre et mourir." [C'est moi qui souligne]
Je ne fais guère ici que prolonger l'image donnée à la fin de Sept feux, écrit que Patrick Née propose d'ailleurs en exemple du jaillissement continu, chez Bonnefoy, de formes inédites :
"Soulignons d’abord l’émergence, à partir de « Sept feux » (parus au finale d’Un rêve fait à Mantoue, 1967), d’un sous-genre inédit, le récit en rêve, qui modifie profondément le genre surréaliste par excellence du récit de rêve en ne transcrivant plus un fragment onirique au moment du réveil, mais une rêverie éveillée à très haute concentration inconsciente ; lequel donna d’abord lieu à des publications séparées (Récits en rêve, 1987 ; La Vie errante, 1993) avant de s’entrelacer aux poèmes en vers, sans plus de distinction de degré de poéticité, accomplissant ainsi une ultime évolution du poème en prose en notre temps."
Yves Bonnefoy |
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