L'article où je puise cette référence s'ouvre sur une photo du film qui pourrait prendre place dans cette galerie des photos du sommeil que j'ai commencé de constituer dans le billet précédent.
Le faon semble dormir alors qu'il est rigidifié par la mort, Bambi qui n'a pas survécu, innocence bafouée.
Et, parlant de Bambi, je songe à ces notes prises fin décembre 2017, dans le livre d'Olivia Rosenthal, Toutes les femmes sont des aliens, (Verticales, 2016). Elles évoquaient l'année 1967, qui était au cœur du projet Heptalmanach, et devaient à l'origine constituer la chronique n°18... Et puis les nombreuses bifurcations imprévues m'en éloignèrent considérablement. Je saisis donc l'occasion aux cheveux, et vous les livre sans autre forme de procès :
"En y repensant, je comprends mieux aujourd'hui l'absence complète des hommes dans Bambi, menace permanente mais menace invisible, je comprends qu'en 1942 Walt Disney ne savait plus comment représenter les hommes, sous quel costume, avec quel uniforme, alors qu'en 1967 il a trouvé un nouvel ennemi en la personne encore inoffensive de l'homme sauvage, de l'homme nu, il désigne cet ennemi, celui qui fera la révolution sexuelle avec ses compagnons hippies et il l'anéantira in extremis en le faisant convoler en justes noces avec une coquette. Il fait de Mowgli le représentant de la famille, de l'héritage et du bonheur conjugal en même temps qu'il le transforme en futur chasseur, en futur tueur de la mère de Bambi. Comme quoi les morts de la Seconde Guerre mondiale pèsent, non seulement sur les forêts tempérées, mais aussi sur les jungles lointaines." (pp. 148-149)
"La révolution que Bambi n'avait pas eu le temps d'accomplir est en train de se produire. On est en 1967. Ça se rapproche. Bientôt on pourra changer quotidiennement de partenaires sexuels, refuser d'avoir des enfants ou en avoir avec plusieurs pères, on pourra porter les cheveux longs si on est un garçon, on aura le droit d'avorter de Mowgli et de tirer un trait sur les dessins animés de Walt Disney - il meurt, vaincu par la bande-son et la force subversive de son œuvre pendant la réalisation du film. Mowgli est né juste avant la révolution sexuelle, tant pis pour lui." (p. 122)
On y apprend par exemple qu'il est l'adaptation du premier tome de la tétralogie de T. H. White (L’épée dans la pierre, 1938) dont le studio Disney avait acheté les droits dès 1939. Le projet avait été sorti des cartons à la suite du succès de la comédie musicale Camelot en 1960. Les chevaliers y sont ridiculisés, tandis que Merlin apparaît comme un scientifique venu du futur en lutte contre ce qu’il appelle « les idées moyenâgeuses », représentées par un parchemin sur laquelle figure un monde plat.
Image que William Blanc commente ainsi : "Merlin l’enchanteur (1963). Une vision caricaturale de la représentation médiévale du monde. Les lettrés médiévaux en Occident (sans même parler des astronomes arabes ou chinois) étaient parfaitement conscients de la rotondité du globe terrestre. On notera que le bateau tentant d’aller vers l’Ouest, donc vers le Nouveau Monde et les découvertes, tombe dans la gueule d’un dragon. Le Moyen Âge est ainsi assimilé ici à un temps où le progrès est impossible."
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