dimanche 7 octobre 2018

People have the power

Les coquelicots, c'est parti. En douceur, ce qui n'est guère surprenant. Entre soixante et quatre-vingts personnes sur la place de la République pour ce premier rassemblement de l'appel "Nous voulons des coquelicots". Il y avait bien sûr les figures locales de l'écologie politique mais pas seulement, et les plus lucides d'entre elles savent bien que le mouvement ne réussira qu'à deux conditions : sortir de la sphère de l'entre-soi en débordant les cadres partisans habituels et convaincre les jeunes, la génération des 15-25 ans grosso modo, de le rejoindre massivement (ils étaient vraiment peu nombreux vendredi). C'est dire si la tâche est immense.

Le texte de l'association qui a été lu sur la place par Raphaël Tillie ne parle pas d'écologie, ou plutôt il ne parle que de ça, mais il n'emploie pas le mot. Et c'est heureux, car les coquelicots ce n'est pas le nouveau truc des écolos. Ça va bien au-delà. D'ailleurs je ne suis pas écolo, je ne me suis jamais défini comme écolo (même si j'ai souvent voté vert). Écolo c'est une impasse, ça rime avec rigolo*, gigolo et bricolo ; plus sérieusement, écolo, c'est un parti (des partis) en panne, incapable de peser sur les institutions, déchiré par les querelles d'égo et sans aucune prise sur les milieux populaires. Je ne suis pas écolo, je suis juste un être humain désireux de vivre dans un monde où les papillons et les lucioles ont encore une place, parce qu'un monde partagé avec les lucioles et les papillons est un monde où il fait bon vivre. Dira-t-on que le chasseur-cueilleur paléolithique ou contemporain (il en reste quelques-uns) était, est écologiste ? On n'y pense même pas. Et pourtant ce chasseur-cueilleur, qui n'avait, qui n'a aucune conscience du concept "écologie",  on ne lui arrive pas à la cheville en termes de savoirs ou de pratiques écologiques. Voilà, si on veut absolument me définir, on peut me qualifier - de même qu'il y avait des communistes et des sympathisants communistes - de sympathisant paléolithique, bien pauvre que je suis en savoir et bien médiocre que je suis en pratique.

Le soir, j'ai lu le grand entretien avec Patti Smith dans l'excellente revue trimestrielle America. A 71 ans, elle monte encore sur scène, mais consacre l'essentiel de sa vie à la lecture et à l'écriture. Plus que la musique, ce sont la poésie et la littérature qui ont toujours été ses passions profondes. Comme François Busnel lui demande quel est le rôle de l'écrivain, elle précise que l'artiste doit donner le meilleur de lui-même chaque fois qu'il accomplit quelque chose : divertir, réconforter, faire découvrir un peu de beauté... "Mais le rôle de l'artiste s'arrête là et n'est pas plus important que celui d'un autre être humain. C'est ce que nous avons voulu dire, Fred et moi [Fred "Sonic" Smith, son mari maintenant décédé], en écrivant la chanson "People have the power" : tout le monde a une voix. Certes, un artiste, qu'il soit écrivain ou cinéaste, peut inspirer les gens, mais seuls les gens peuvent changer le monde, et non l'artiste, car ce sont eux qui votent et protestent. Les gens ont le pouvoir. Il faut qu'ils le comprennent. Votez ! Protestez ! Seul le nombre amène le changement."

C'est très exactement l'enjeu des coquelicots. Allez, pour finir, une chanson, pas celle de Patti Smith, mais une chanson qui parle de coquelicots, par Mouloudji. Je ne la connaissais pas, c'est Javert  qui m'a filé le tuyau.


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* Je n'ai rien bien sûr contre le mot "rigolo", éminemment sympathique quand il est adjectif, mais quand on le passe au substantif, le sourire se fige : un "rigolo", c'est un incompétent, un vantard, un bon-à-rien.

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