La dernière fois que cela m'était arrivé, c'était à l'Apollo, pour un film de Bouli Lanners dont je ne retrouve pas le titre. Même le projectionniste, je crois, avait foutu le camp. Un bon film c'était pourtant.
Aujourd'hui ce n'était pas une fiction : les premières images montraient le plateau de Millevaches. L'horizon noir des sapinières. Quelques photos noir et blanc du début du siècle dernier révélaient une terre dénudée, encore vierge d'arbres. La voix d'une vieille femme : Les matins sont comme des soirs.
Après le Limousin, il y aura le Morvan, les Landes, les Vosges et la Montagne Noire. Partout la sylviculture industrielle étend son emprise, avec ses abatteuses à cinq cent mille euros qui vous rasent une forêt en deux coups les gros, mais il faut travailler dix à douze heures par jour pour les rentabiliser. Les Douglas qui pourraient vivre cinq siècles ne dépassent pas les cinquante ans, et finissent souvent en bois de palette.
Le documentaire de François-Xavier Drouet, Le Temps des Forêts, passe cette semaine au cinéma, et pas à l'Apollo, non, au CGR, et je suis tout seul pour cette seule séance du jour. Pas de commentaire moralisateur, le réalisateur laisse parler aussi ceux qui exploitent la forêt comme si elle était seulement une usine à bois. Il ne s'agit pas de déforestation, mais de malforestation. Pas de musique anxiogène, quelques notes seulement au générique final, presque minimalistes. Pas de montage speedé. Les images sans apprêt d'une lente dérive vers la désolation des paysages, la mort des sols et parfois des hommes : trente-cinq suicides de forestiers de l'ONF qui ne pouvaient plus exercer comme avant le métier qu'ils aimaient.
Vous voyez ce qui vous reste à faire.
Juste après avoir écrit ces lignes, je consulte le blog de Thomas Vinau, que j'ai découvert jeudi dernier à l'occasion d'une rencontre organisée par Equinoxe. L'écrivain, qui habite le Vaucluse, repartait dès le lendemain matin vers le Sud. Et j'ai le plaisir de lire ces mots à la date de ce 2 octobre :
Tarte aux pommes
Le train traverse une forêt du Berry. La lumière du soleil donne aux couleurs de l'automne des rondeurs chaudes et croustillantes. Une tarte aux pommes partagée par une vieille paysanne et un enfant des rues ou un mafé sur une galette du feu qu' on sauce avec les doigts. Le matin te dit : Goûte. Tout le monde a le droit.
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