vendredi 22 novembre 2019

Chemin du désert

Un billet un peu en vrac, plus d'information que de réflexion. Tout d'abord signaler - et j'aurais pu le faire depuis plusieurs semaines déjà - ma contribution au numéro d'automne du magazine La Bouinotte. J'avais reçu commande d'un portrait de Cécile Reims, artiste graveur dont j'ai déjà parlé ici-même à de nombreuses reprises, et je me suis prêté au jeu avec plus que du plaisir : en 1995, la rencontre de Cécile et de son compagnon le dessinateur et écrivain Fred Deux, aujourd'hui décédé, avait été pour moi fondamentale. Ils m'ont ouvert avec générosité leur porte rue Notre-Dame ; c'est tout l'art et l'histoire du XXème siècle que je pouvais dès lors entrevoir mieux que jamais. Rédiger cet article, c'était un peu comme payer une dette spirituelle.


Mes obsessions essaiment : on sait que j'ai déjà ouvert en juillet de cette année un espace particulier pour ma quête des vertiges, un autre blog nommé Fixer les vertiges, où je poursuis l'inventaire des émergences du vertige, mais je viens aussi cette semaine d'en ouvrir un autre consacré à ma nouvelle lubie : les plaques d'immatriculation, où il me plaît à voir les malicieuses interventions de l'Attracteur étrange. Pour ne pas trop polluer ce blog-ci de mes divagations plaquières, j'ai donc créé La tectonique des plaques.

A propos de plaques, je tiens à signaler celle-ci, qui n'est point d'immatriculation, et que j'ai découvert en me rendant à pinces à Belle-Isle par la rue du Rochat. Je suis pourtant déjà passé par là, mais je n'avais pas remarqué jusqu'ici ce singulier Chemin du désert.

Si vous pensez avoir trouvé là un raccourci vers le Sahara ou quelque petit Gobi du Berry, vous en serez pour vos frais, car ce chemin ne mesure qu'une quinzaine de mètres et donne sur de vagues jardins. Quid d'un désert ? Voilà une énigme dont tout le monde se foutra, mais je tenais à la poser.

Enfin, je voudrais évoquer un livre dont la lecture m'a beaucoup intéressé ces dernières semaines. Extension du domaine du don, par le sociologue Alain Caillé. Pour vous en donner un aperçu, je vous recopie, flemmard que je suis, la quatrième de couverture  :
"Extensions du domaine du don rassemble et synthétise la plupart des fils patiemment tissés par Alain Caillé et ses amis du Mouvement anti-utilitariste en science sociale (MAUSS) depuis près de quarante ans. Longtemps le MAUSS s’est limité à critiquer la montée en puissance de l’économisme et à lui opposer les leçons qu’il est possible de tirer d’un paradigme puissant — celui du don —, issu d’un ouvrage méconnu du grand public qui a nourri la réflexion de nombreux intellectuels et chercheurs, l’Essai sur le don de l’anthropologue Marcel Mauss (1925).
Œuvre extraordinairement pertinente qui montre que l’homme n’a pas toujours été “un animal économique doublé d’une machine à calculer” : les sociétés premières ne s’organisaient pas selon les principes du marché, mais selon la “triple obligation de donner, recevoir et rendre”. Ce paradigme n’a rien à voir avec ce qu’on entend le plus souvent par “don” — geste désintéressé, proche de la charité ou du sacrifice. “Le don, explique Alain Caillé, est un acte chargé d’ambivalence, désintéressé en un sens, mais tout autant intéressé, à la fois libre et obligé.”
Cette triple obligation régit en réalité l’essentiel de nos rapports aux autres. Et il faut dès à présent l’universaliser pour jeter les bases d’une véritable philosophie politique alternative, qui permettra de dépasser le néolibéralisme et la vision économiciste des sujets humains. Extensions du domaine du don montre à quel point il est éclairant d’étendre l’approche par le don à tous les secteurs de la vie sociale : le jeu, le care, le rapport à la nature, les relations internationales, le sport, l’art, la consommation, les psychothérapies, la religion, la question du pouvoir, etc."

Personne ne m'a jamais parlé d'Alain Caillé, et si je connaissais Marcel Mauss, c'était uniquement par son article sur Les techniques du corps. Mais c'est en se rendant à Poitiers le 5 octobre que j'avais entendu Caillé dans La suite dans les idées, l'émission de Sylvain Bourmeau sur France-Culture. L'entretien était si passionnant que j'avais acheté le livre à la Fnac ce même jour.

Je ne l'avais pas encore lu lorsque nous sommes rentrés de Budapest, le vendredi 1er novembre. Je conduisais sous une pluie dense sur l'autoroute, lorsque j'ai mis la radio dans cette voiture qui n'était pas la mienne. Et cette fois encore j'entendis Alain Caillé. C'était dans l'émission Grand bien vous fasse, animée par Ali Rebeihi. Le message était clair : comment différer plus longtemps la lecture de l'essai ?

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