lundi 18 septembre 2023

Les alchimies

 Au début du mois, je ne sais plus quel jour exactement, je tombe sur ces lignes : 

"En 2022, en pleine crise de l’hôpital, Camille Cambon, médecin légiste vaillante et brillante, reçoit un mail énigmatique. Il y est question du peintre Goya et de son crâne volé après son inhumation à Bordeaux en 1828, et dont on a depuis perdu la trace. D’abord portraitiste officiel de la cour, aimé des puissants, le maître espagnol devint, à la suite d’une maladie, l’observateur implacable et visionnaire des ténèbres de l’âme humaine. Les parents de Camille et son parrain, neurologue, se sont passionnés pour l’oeuvre de Goya, avant de devenir des scientifiques de renommée internationale.
Camille part rencontrer à Bordeaux sa mystérieuse correspondante, une ancienne directrice de théâtre qui a bien connu ces trois-là, alors étudiants en médecine, dans les années 1960, et semble tout savoir de leur obsession partagée pour Goya. Une quête effrénée, entre passion scientifique et déraison, où chacun a pris toutes les libertés et tous les risques, au point de s’y brûler les ailes."

Il s'agit du texte de présentation du roman Les alchimies, de l'écrivaine, psychologue et psychanalyste Sarah Chiche. Je n'ai jamais lu Sarah Chiche, je la connais uniquement pour l'avoir écoutée une fois ou deux dans une émission de télé, La Grande Librairie sans doute. Je ne sais donc pour ainsi dire rien d'elle mais ce texte soudain me devient nécessaire. Pas difficile de savoir pourquoi : c'est la faute à Goya. Sur lequel j'ai beaucoup écrit ici. Quand on fait une recherche interne sur le site, on tombe ainsi sur ce billet du 14 septembre 2021, voici deux ans presque jour pour jour, Le Chien de Goya, l'un des tableaux les plus étonnants de Goya, faisant partie des « peintures noires » et réalisé entre 1819 et 1823 directement sur les murs de la maison de l'artiste, la "maison du sourd,"la Quinta del Sordo.

Goya, Perro semihundido (Wikipedia)

Arcanes, ma librairie de prédilection, n'a pas le livre en stock, et je n'ai pas la patience d'attendre une commande. Une fois n'est pas coutume, je l'achète à la Fnac qui le détient déjà. Je me plonge très vite dans le roman, que je dévore en une soirée et une matinée. Au chapitre 10, Camille Cambon, dans le train qui la conduit vers Bordeaux, ouvre le livre que son père avait écrit sur Goya, alors qu'il était encore étudiant en médecine, Goya, mystères d'un génie, qu'elle n'avait pas reparcouru depuis sa mort.

Tandis qu'une dame "à la crinière floconneuse" en découd avec un contrôleur parce qu'elle ne veut pas mettre son chat dans sa cage, Camille se remémore un dialogue avec son père sur une plage espagnole, dans le temps lointain des vacances :

"Je vous dis que sur le site on ne trouve que des billets pour chien. Mon chat n'est pas un chien."

"Regarde ce chien, Camille, regarde-le bien.
- Papa, je peux avoir un churro ?
- Après ma chérie. La tête du chien dépasse d'une petite colline de sable."

"Il n'y a pas de mais, madame, je vais vous demander de mettre votre chat dans sa cage tout de suite."

"Si tu regardes bien, tu t'aperçois qu'en fait on ne sait pas si le chien est derrière le sable..."

"Arrêtez le train si vous voulez, je ne paierai pas d'amende."

"... ou dedans, et si d'ailleurs, tout ce jaune, c'est bien du sable, ou plutôt le ciel lui-même." (p. 70)

Il n'est pas explicitement désigné mais le père et la fille parlent bien sûr  du Chien de Goya.  Les phrases qui suivent " Enluminé par les années, monté en un film continu par le cinéma intérieur de la mémoire, un amas d'images brisées percuta ma rétine. Des enfants se mirent à courir au ralenti dans la lumière dorée.", m'évoquent les films de Victor Erice, L'esprit de la ruche, avec les deux petites filles qui courent en retournant chez elles après avoir vu Le Frankenstein de James Whale, et la splendeur ocrée des plans sur la ruche du père apiculteur, répétée dans les voilages des chambres.

Ana Torrent (L'esprit de la ruche)

Cette plage espagnole de l'enfance c'était aussi pour moi celle de Miguel Garay dans Fermer les yeux, dernier film d'Erice où l'on retrouve la petite Ana, cinquante ans plus tard.

Ana Arenas (Ana Torrent) - (Fermer les yeux)


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