Neurochirurgien, Hughes Duffau est le pionnier en France d'une technique originale : la chirurgie éveillée, qu'il a apprise aux États-Unis, à Seattle, du professeur Georges Ojemann, lui-même continuateur du canadien Wilder Penfield, dont les travaux étaient tombés plus ou moins dans l'oubli. Il a opéré ainsi des tumeurs cérébrales, plus de six cents à ce jour, avec moins de 1% de séquelles. Et parfois, il a procédé à une ablation jusque dans la fameuse aire de Broca, qui est sensée être l'aire de la parole, depuis que le médecin anatomiste Paul Broca, en 1861, publia les résultats de l'autopsie du cerveau d'un certain Leborgne, dit Tan-tan, qui ne pouvait plus parler, sinon répéter inlassablement la même syllabe "tan". Broca avait découvert une lésion située dans le lobe frontal gauche, en une zone qu'il jugea donc être celle de la parole. La recherche en neurologie s'orienta alors vers une classification des zones cervicales en fonction des facultés associées. Une approche dite localisationniste qui fut dominante pendant 150 ans... Malgré les travaux d'un autre neurologue, Pierre Marie (1853 - 1940), élève de Charcot, le père de la psychopathologie, qui, entrevoyant le fonctionnement cérébral en réseaux, "expliquait pourquoi les patients pouvaient être aphasiques, non pas du fait d'une lésion d'une région spécifique du cerveau, mais d'un ensemble de structures anatomiques complexes."
Pierre Marie représenté sur le tableau Une leçon clinique à la Salpêtrière. |
Dans la vidéo ci-dessous, pour ceux que ça intéresse (et que ne traumatise pas la vue d'un crâne ouvert), on peut visionner le détail d'une intervention en chirurgie éveillée :
Quand on demande à Hughes Duffau comment il est possible de réaliser une opération à cerveau ouvert sur un patient sans l'endormir, il répond tout d'abord que cet organe a la particularité de ne pas ressentir la douleur.
J'ouvre d'abord la boîte crânienne à l'aplomb de la tumeur, sous anesthésie générale. Puis l'anesthésiste réveille le patient et, deux heures durant, l'orthophoniste lui demande de nommer des objets, de compter, de bouger son bras. Pendant ce temps, je sonde la surface du cerveau avec un stimulateur électrique. Une légère décharge perturbe la zone en regard. Si le patient continue à parler et à bouger normalement, je sais alors que je peux intervenir sans dommage à cet endroit avec un bistouri à ultrasons. En revanche, si le patient confond les mots ou reste coi, je dépose un repère à l'emplacement testé pour me garder d'y toucher par la suite. Tel un géomètre-topographe, je dresse un relevé sur le terrain des fonctions présentes dans cette partie découverte du cerveau. [C'est moi qui souligne]
De façon surprenante et inattendue, je retrouvai à ce moment-là de ma lecture tout un pan de l'essai de Pierre Bayard, dans Le Titanic fera naufrage. On va voir comment au prochain épisode.
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