lundi 27 février 2017

# 49/313 - Intrication, de Jack Bishop à Aurélien Barrau

Au départ, il s'agit d'un jeu, imaginé par Yvan Bernaer pour la nuit du polar, le samedi 22 octobre dernier. Dans la ville de Châteauroux, deux cents équipes recherchent le détonateur et les codes d'une bombe programmée en 1961. Je fais partie des bénévoles, jouant le rôle d'un espion américain chargé de renseigner les joueurs en leur donnant rendez-vous dans quelques coins discrets du centre-ville (pour ma part, le porche ombreux de l'église Notre-Dame, le square de la rue des Remparts, la ruelle du Palan...).


Yvan, passionné de sciences, n'a pas choisi ce terme de "bombe à intrication" au hasard, mais nous verrons cela plus tard.
A la même époque, lisant donc l'essai de Georges Didi-Huberman sur Aby Warburg, je découvre l'analyse qu'il fait d'un concept-clé de ce grand historien de l'art, le Pathosformel (formule de Pathos).

"Un concept comme celui de Pathosformel, écrit Agamben, rend impossible de séparer la forme du contenu, car il désigne l'indissoluble intrication d'une charge émotive et d'une formule iconographique.
Qu'est-ce donc qu'une intrication ? C'est une configuration où des choses hétérogènes; voire ennemies, sont agitées ensemble : jamais synthétisables, mais impossibles à démêler les unes des autres. Jamais séparables, mais impossibles à unifier dans une entité supérieure." (p. 201, c'est moi qui souligne)

Émergence simultanée d'un concept dans deux champs séparés : la physique (fut-elle traitée sur un mode ludique) et l'histoire de l'art. L'art et la science. On trouvera bien d'autres occurrences de l'intrication dans les pages suivantes du cahier Klee.

Mais en ce qui concerne ce chantier-ci de l'Heptalmanach, c'est juste après la convergence opérée par Pierre Bayard entre Godard et Warburg que je rencontre à nouveau l'intrication et ce dans l'ouvrage d'Aurélien Barrau sur les univers multiples, que j'ai évoqué à la 22ème chronique.

Aussi étranges soient-elles, les prédictions de la mécanique quantique ont été vérifiées avec une précision faramineuse tout au long du vingtième siècle. Elle constitue aujourd'hui l'un de nos fondements scientifiques les plus essentiels et les moins contestés. Des expériences déterminantes ont en particulier été menées dans les années 1980 à Orsay (université Paris Sud), permettant d'établir le phénomène d'intrication quantique : deux particules ayant une origine commune ne peuvent être considérées comme indépendantes. Étonnamment, toute mesure opérée sur l'une influera instantanément sur l'état de l'autre, fut-elle distante de milliards de kilomètres. Il n'est plus possible de les considérer comme deux entités : elle sont un unique système quantique. C'est d'ailleurs pourquoi il n'y a pas lieu de considérer qu'un quelconque message se déplacerait plus rapidement que la vitesse de la lumière. (p. 45, c'est moi qui souligne)
Laocoon et ses fils, Vatican Museum, Rome : une des œuvres fétiches d'Aby Warburg - Image même de l'intrication.



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